Je suis! - Mistluren (Umlaut, 2011)


Depuis plusieurs années, j'écoute de plus en plus rarement de free jazz à proprement parler, hormis les enregistrements américains des années 60 et 70 peut-être (je crois que je ne me lasserai jamais du grand the panther and the lash par C. Thornton par exemple). Mais ces derniers temps, tout de même, il faut avouer qu'autour des scènes franco-suédoises, notamment autour des labels Umlaut, Ayler (et Dark Tree maintenant), le free semble prendre de la fraîcheur et de la vigueur. Que l'on pense à Pierre-Antoine Badaroux, à Joel Grip, Benjamin Duboc, Niklas Bärno, et ainsi de suite (la liste peut être longue...). Autant de musiciens plutôt jeunes qui parviennent avec talent et inventivité à faire vivre le free. Sur Mistluren, six d'entre eux se sont réunis pour former le groupe "Je suis!" - Niklas Bärno (composition et trompette), Marcelo Gabard Pazos (saxophones alto et baryton), Mats Äleklint (trombone), Alexander Zethson (piano), Joel Grip (contrebasse) et Magnus Vikberg (piano).

Au total, neuf pièces (dont deux enregistrées en live) sont présentées sur cet album d'une durée de 70 minutes. Neuf pièces structurées en séquences d'improvisations collectives, de compositions modales ou tonales, et de soli virtuoses. Concernant l'écriture, elle n'est pas sans rappeler certaines compositions du contrebassiste Claude Tchamitchian pour l'ensemble Lousadzak ou encore du pianiste Andy Emler pour le MegaOctet. Alternances de phrases mélodiques aux accents mélancoliques et solennels et d'unissons extrêmement énergiques. Si de nombreux éléments sont empruntés au jazz (du phrasé ternaire omniprésent aux grilles harmoniques), la structure est plutôt éclatée et inventive, elle est du moins plus bigarrée que le classique thème-improvisations-thème. L'improvisation peut parfois être un développement de l'écriture, ou complètement à côté, elle peut être jouée seule ou accompagnée, à deux ou à six, tonale, modale ou timbrale, lisse ou rythmique. Si un seul élément est (presque) toujours présent, c'est le swing. Ce phrasé ternaire si célèbre, un phrasé chaleureux et dansant que possèdent à merveille Barnö et Gabard Pazos. Et je ne parle même pas de la solidité, de la précision et de la créativité de Grip...

De manière générale, les neuf pièces qui composent Mistluren sont vraiment variées, seul le swing ou un aspect très entrainant est présent de bout en bout (accompagné par la chaleur du blues, et la virtuosité du bop). Mais sinon, les compositions semblent influencées par l'écriture orchestrale à certains moments, par les thèmes de jazz à d'autres, le boogie woogie, le bop et même parfois à certaines musiques de l'Afrique de l'ouest. Idem pour les improvisations qui peuvent être axées sur le phrasé, le timbre ou les dynamiques. Mais tout au long de Mistluren, une envie de danser et de chanter, de hurler et de rire, de boire et de manger, peuvent facilement saisir l'auditeur. Une musique puissante, intense, viscérale et émotive, qui varie les processus d'improvisations et de compositions. J'ai facilement tendance à me dire que le free jazz est mort, qu'il stagne dans un état de survivance larvaire. Mais avec ce genre de disques, le sourire et le plaisir de mes premières découvertes reviennent (surtout lors du premier solo d'alto sur "Geniet": où se retrouvent l'intensité et la simplicité de Miles, ainsi que la chaleur et le lyrisme d'Art Pepper). Non le free jazz n'est pas mort, certains le maintiennent en vie et le renouvellent, enrichissent ses formes et possibilités. Et Je suis! fait partie de ces musiciens, merci à eux.

informations & extraits: http://www.umlautrecords.com/album/mistluren

Eventless Plot - Recon (Aural Terrains, 2012)

Après deux splits et un album paru en 2009, le trio Eventless Plot revient avec un disque publié par le label Aural Terrains. A part les deux invités présents sur ce disque (Stefanos Lazaristos au saxophone basse et Angelica Vasquez à la harpe et harpe préparée), aucun nom n'est indiqué. Le trio vient de Thessaloniki (Grèce) et seule une longue liste d'instruments est notée sur le disque (synthétiseur, piano, électronique, field-recordings, clarinette, percussions, objets, ainsi que le rare et médiéval psaltérion).

Avant de m'apercevoir que c'était une tentative vaine, j'ai essayé de retrouver quels musiciens pouvaient bien se cacher derrière ce trio lors des premières écoutes. Et une formation me revenait constamment à l'esprit et aux oreilles, à laquelle je ne pouvais m'empêcher de penser: Hammeriver. Si je pensais à ce groupe, c'était en partie à cause de l'instrumentation et des méthodes de compositions: un mélange de musiques improvisées, de musiques contemporaines, de musiques électroacoustiques, comme si le trio tentait de faire une sorte d'eai noise/ambient mélodique, avec des sources et des instruments musicaux et extra-musicaux placés sur un même pied d'égalité. Car sur Recon, il n'est pas question de mettre en avant quoi que ce soit ou qui que ce soit, tous les musiciens, tous les objets et les instruments se valent. Une harpe ne vaut pas plus qu'un ordinateur, un son déterminé vaut autant qu'un son indéterminé. Il s'agit avant tout de créer une masse sonore, le plus souvent une masse qui a quelque chose d'harmonieux ou d'agréable, qui parvient à merveille à réunir l'inventivité (car les textures sont plutôt originales) et l'agréable, le beau au sens classique ou populaire.

La musique présentée sur Recon, en trio ou en quartet, est une musique qui use de mélodies accompagnées de textures électroniques et granuleuses, qui use de mélodies étirées mais rythmées sur des accompagnements lisses sans métriques. Ce n'est pas un entredeux ni un compromis, mais une fusion étonnante de sources et de processus divers et variés. Une surprenante alchimie où machines, préparations, mélodies, atonalités, bruits, rythmes, temps lisse, musique savante et populaire, électronique et acoustique, instrumentale ou non, s'entremêlent en un subtil et sensible aménagement.  

Recon est disque court (36 minutes), souvent calme et lent, mais aussi et surtout, un disque exceptionnellement dense et riche (aux niveaux de la matière sonore en elle-même - une matière souvent merveilleuse et singulière - et des méthodes/processus de compositions). Des méthodes et des résultats qui l'apparentent à la musique expérimentale certes, mais qui n'en font pas moins un disque d'une certaine légèreté et d'une certaine facilité d'écoute, un disque agréable et plaisant à écouter (pour de l'eai en tout cas) dans beaucoup de circonstances. Conseillé!

constellation tatsu

Sur ces chroniques, je ne m'intéresserai qu'au label californien Constellation Tatsu, un label qui ne produit que des cassettes, plutôt orientées vers les musiques expérimentales et électroniques, genre ambient et drone. Il est temps de ressortir les ghetto blasters! Sinon, rendez-vous sur bandcamp où toutes ces cassettes sont en écoute.

Alexandre Navarro - Sketches (Constellation Tatsu, 2012)

Autant le dire tout de suite, je ne suis pas vraiment fan de ce genre de musique électronique. Une suite de samples et de boucles plutôt ambient et minimales, des nappes douces (et parfois mielleuses) qu'on qualifierait certainement de post-rock si c'était instrumental, mais qu'on préfère classer dans l'ambient expérimental puisque ce sont des manipulations de samples... Je ne veux pas non plus cracher sur ces 13 Sketches, entendons-nous bien, la musique de Navarro est singulière, sensible et précise, on pourrait même dire inventive tant les univers sonores et les collages sonores de ce guitariste parisien sont intimes et particuliers. Seulement, je ne suis pas vraiment sensible à ce genre d'univers lisse, uni, parfois mielleux, malgré l'aspect aventurier de Navarro qui n'hésite pas à utiliser des field-recordings et des boucles parfois sombres et mélancoliques. Vous êtes tristes, d'humeur mélancolique, vous avez envie d'écouter un truc pas trop prise de tête, créatif et doux, c'est peut-être pour vous.

gimu - a silent stroll on sombre st. (constellation tatsu, 2012)

Avec l'artiste sonore brésilien gimu, nous sommes là encore dans de l'ambient minimale, mais cette fois beaucoup plus sombre et crade. Car gimu use à profusion de disques usés, des disques et des samples qui craquent et qui crachotent. L'ambiance est lourde, sombre, et c'est sans compter sur les samples qui sont souvent manipulés à la manière de Lescalleet, des musiques populaires ralenties jusqu'à en devenir glauques et spectrales. Vous vous rappelez les ambiances particulières de Godspeed You! Black Emperor, et bien gimu les reprend à son compte pour les transformer en longues nappes sombres et malsaines qui semblent enregistrées dans une cave crasseuse et puante. Car ces longues nappes mélodiques et mélancoliques ne cessent de craquer, d'être voilées par un filtre opaque et tacheté de sueur et de crasse. gimu ne rigole pas, mais pleure. Pleure sur un passé révolu qui ne laisse présagé qu'un futur insensé. Résultat: une musique magnifique et sensible, une atmosphère unique et inventive, mais qui nous plonge dans un sentiment de mélancolie lourde et de déréliction. Je ne peux que recommander cette sombre suite d’œuvres noires et volontairement vieillies comme une pellicule de film trop usagée. 

Billy Gomberg - Into The Fade (Constellation Tatsu, 2012)

Cette dernière cassette est une suite d'oeuvres récentes du musicien américain Billy Gomberg (qu'on a déjà pu entendre entre autres aux côtés d'Anne Guthrie et Richard Kamerman). La première face est constituée d'une unique pièce vraiment absorbante. Un long drone pour synthétiseur analogique. Une superposition de nappes analogiques qui apparaissent très, très progressivement, très lentement. Le temps est dilaté, comme les intervalles entre les notes, qui semblent provenir d'un vieil orgue électrique déglingué et désaccordé. Les couches se superposent donc, et entrent en résonance les unes avec les autres. En résonance disais-je? non en vibration, car la tension entre chaque nappe entraîne la plupart du temps une sorte de ressac sonore, une dissonance subtile et légère, envoutante et hypnotique. "Loom" est une pièce qui joue sur l'étirement et la dilatation du temps, ainsi que sur les interactions dissonantes entre les couches sonores: une pièce magnifique qui se conclut sur une touche trip-hop déstructuré inattendue! La seconde face travaille sur les mêmes sonorités, vieillies, saturées et dissonantes, mais avec un aspect plus mélodique et plus doom, post-rock, dark-ambient et stone que drone. Cinq pièces assez courtes, toutes sombres et lentes, atmosphériques et froides sans être trop abstraites (grâce aux éléments harmoniques qui surgissent). Plus on avance dans cette suite, plus le son devient saturé et l'univers oppressant, Billy Gomberg parvient ainsi à créer un univers psychoacoustique calme et obscur, intense, envoutant et nerveux malgré la lenteur des progressions. Très belles pièces.

Voici les liens pour l'écoute gratuite de ces trois albums:
Alexandre Navarro - Sketches -
http://ctatsu.bandcamp.com/album/sketches
gimu - a silent stroll on sombre st. - 
http://ctatsu.bandcamp.com/album/gimu-a-silent-stroll-on-sombre-st
Billy Gomberg - Into The Fade (Constellation Tatsu, 2012)
http://ctatsu.bandcamp.com/album/into-the-fade

Martin Küchen - Hellstorm (Mathka, 2012)

Hellstorm est le titre d'un ouvrage sur la mort du nazisme en Allemagne, écrit par Thomas Goodrich. Un titre repris par le saxophoniste Martin Küchen car l'histoire de son père a rencontré cette partie de l'histoire européenne et internationale. Une histoire qui se répercute encore aujoud'hui sur des milliers de destins familiaux et individuels. Un titre provenant d'un ouvrage historique américain sur la seconde guerre mondiale, une photo anonyme datant de 1945 ornant la pochette du vinyle, des titres de morceaux qui font références à des oeuvres relatives à la seconde guerre mondiale - comme Allemagne, année zéro, un des films phares du néo-réalisme italien -, vous l'aurez compris, Martin Küchen s'inscrit explicitement dans l'histoire. Explicitement, de par les titres et les références, mais non concrètement, ni musicalement.

Car avant tout, il s'agit d'un solo de saxophone, un saxophone parfois discrètement et légèrement accompagné par une radio, une tampura, ou de l'électronique. En tout cas, il n'y a pas de référence concrète et vulgaire à la seconde guerre mondiale (mélodies klezmer, extraits de discours nazis, enregistrements de tirs). Martin Küchen choisit une méthode beaucoup plus personnelle que John Zorn par exemple avec Kristallnacht. Avant tout, MK fait de la musique improvisée, fait sa musique à lui en tout cas. Car elle ne ressemble certainement à aucune autre. Une musique brute, primitive, organique, personnelle, sensible, lyrique, sombre, et mélancolique. La plupart du temps, c'est le saxophone baryton qui est à l'honneur, le saxophone où l'on entend le plus le bois, le moins métallique et cuivré des saxophones. Et cet aspect boisé, ce roseau qui tremble entre des lèvres, n'est certainement pas choisi au hasard. Car entre le bois et les alliages de métaux, entre le végétal et le minéral, c'est certainement le premier qui est le plus organique. Et la musique de Küchen est organique! Une musique de longs souffles, où l'air expulsé se transforme en mélodie sans même passer par l'anche parfois. Une musique où l'on trouve quelques techniques étendues, mais des techniques qui personnalisent l'univers sonore de MK avant tout. Il s'agit de créer un univers singulier comme chez beaucoup d'explorateurs sonores, mais pas un univers abstrait. La musique de MK est à chaque fois hautement lyrique. Le saxophone chante des complaintes primitives, le saxophone matérialise des émotions précises et inavouées en même temps. Les émotions et l'histoire de MK en un souffle "mélodifié" par le saxophone.

Martin Küchen fait partie de ces rares innovateurs, notamment dans la musique improvisée, qui parviennent un créer un langage nouveau, clairement expérimental, sans tomber dans l'abstraction froide. Car MK n'hésite pas, par-dessus des drones discrets de parasites et d'harmoniques, à poser de longues phrases mélodiques, des mélodies qui transmettent de nombreuses émotions et sensations, qui vous prend aux tripes et pourrait vous faire pleurer. Mais des mélodies qui ne ressemblent pas à grand chose, qui ne reprennent pas les codes d'autres esthétiques. Comme une mélodie inconsciente et organique, le même genre de mélodie que l'on trouvait déjà sur son premier solo, des mélodies qui auraient pu être jouées lors d'enterrements néolithiques... MK propose encore une des musiques les plus humaines que j'ai entendu, une musique qui provient du corps avant toute codification et détermination sociale. Une musique abstraite du déterminisme. L'individu surplombe l'histoire, et la contemple de son regard sombre et blasé, triste et solitaire. Une contemplation qui donne naissance au chant de Küchen, un chant corporel mélodieux et très singulier, un chant primitif et expérimental. Un disque fantastique, lyrique, unique, et émotionnellement très puissant: hautement, très hautement conseillé!

Informations, écoute et extraits: http://www.mathka.pl/martin-kuchen-hellstorm/

pierre-antoine badaroux

pierre-antoine badaroux - composition no.6 (umlaut, 2012)

Cet ensemble de neuf compositions ouvertes écrites par le saxophoniste alto Pierre-Antoine Badaroux regroupe des pièces marquées par une esthétique entre le free-jazz, les récentes compositions de Braxton et les compositions de Cage ou Cardew. Je suppose que le système de notation mis en place par Badaroux n'a rien de tradtionnel et repose principalement sur des signes et des graphiques aux interprétations multiples. Car seules quelques idées directrices sur les notions d'espace, de stylistiques, de rythmiques ou de modes de jeux semblent être suivies par le sextet. Un sextet composé d'ailleurs d'admirables et talentueux jeunes musiciens: Pierre Borel (clarinette), Eve Risser (piano), Joel Grip et Sébastien Beliah (contrebasse), Antonin Gerbal (batterie).

Parfois, il semblerait que l'on se trouve devant un ensemble de sound-painting, seules des idées rythmiques collectives sont suivies par les interprètes, un solo émerge et disparaît dans une masse sonore, un groupe de musiciens dialogue entre eux tandis qu'un autre improvise librement. En fait, on ne sait jamais trop ce qui relève de l'écriture, de l'improvisation ou de l'interprétation. Le sextet embrasse indifféremment les trois notions, et perd l'auditeur dans un subtil mélange de ces méthodes musicales. Neuf pièces assez courtes, pour un total de 45 minutes, où s'entremêlent des improvisations collectives puissantes, des séquences écrites et interprétées avec précision, tout en laissant une marge d'interprétation, mais aussi des solos et des dialogues à plusieurs qui rivalisent de virtuosité. Une multitude de modes de jeux et de techniques étendues connues mais appronfondies, jamais gratuites mais toujours mises au service d'une dynamique particulière - car ces compositions jouent beaucoup sur les dynamiques: dynamique du dialogue, des questions-réponses, dynamique des rythmiques jazz et/ou asymétriques, de l'improvisation collective, de la masse sonore et du solo/accompagnement. Une multitude de dynamiques donc pour une intensité et une tension toujours présentes, même aux moments les plus calmes et détendus, en apparence. Une oscillation permanente entre l'ordre, le chaos, la détermination et l'indétermination, la liberté et la contrainte. Et le plus impresionnant dans ces neuf pièces, c'est que peu importe le pôle où l'on se situe, la musique reste unique et cohérente, unifiée et précise,  jusque dans ses séquences les plus hasardeuses et spontanées.

Des pièces plutôt nerveuses, variées, virtuoses, intenses, et puissantes. A mon avis, c'est beaucoup plus réussi que les pièces de Braxton qui se noient maintenant trop souvent dans une métaphysique pompeuse. Je dis ça car on peut facilement penser au saxophoniste américain en écoutant ces compositions, alors qu'elles sont pour moi beaucoup plus fraiches et puissantes, plus nerveuses et organiques. Un ensemble de réalisations viscérales, entraînantes, et inventives. 


 r.mutt - #03 (umlaut, 2010)

Comme son nom l'indique, #03 est le troisième album publié par le trio r.mutt. Un trio de jeunes musiciens (parisiens me semble-t-il, en tout cas français), qui se retrouveront tous deux ans plus tard dans la suite de composition chroniquée ci-dessus: Pierre-Antoine Badaroux au saxophone alto, Sébastien Beliah à la basse, et Antonin Gerbal à la batterie. 

Sur ces trois improvisations - car là il s'agit clairement d'improvisation libre, dans la plus pure tradition européenne - le trio explore une musique nerveuse, hautement réactive, et pointilliste. On pourrait parfois penser aux Klangfarbenmelodie de Webern et de ses acolytes de l'école de Vienne: car des séquences miniatures, d'une note pointée, d'une frappe de caisse claire sèche, d'un pincement claqué de cordes, se répondent à un rythme constamment très soutenu. On ne repère ni métrique ni structure rythmique, tout semble spontané et libre, et la même énergie et la même intensité sont présentes dans ce dialogue d'une heure. Un dialogue énergique de timbre et de dynamique, un dialogue où la moindre intervention et les moindres réponses sont guettées avec une attention sensible. Pour ce trio à l'instrumentation classique (sax/basse/batterie) qui semble se réclamer de l'efi, il faut avouer qu'il y a une certaine originalité dans le son et les couleurs de cette formation. Suite de pointillés et de points vifs, éclatants, qui se serrent et s'entrechoquent les uns contre les autres, dans une énergie constamment brute et nerveuse. Un disque intense et puissant sans être criard, qui ne verse pas non plus dans l'abstraction, et parvient ainsi à faire preuve d'originalité au sein de l'improvisation libre - seulement, il peut tout de même lasser par certains aspects monotones, notamment au niveau du manque de relief. Mais c'est tout de même l'occasion de découvrir ou redécouvrir trois musiciens talentueux, sensibles, attentifs, créatifs, et surtout: énergiques!

Pour vous faire une idée de ce trio, les deux premiers disques sont en téléchargement gratuit à cette adresse: https://sites.google.com/site/badarouxpierreantoine/projects-2/r-mutt
Sinon, les informations et un extrait sont aussi disponibles sur le site d'umlaut à cette adresse: http://www.umlautrecords.com/album/rmutt03

Aaron Dilloway & Jason Lescalleet - Grapes and Snakes (PAN, 2012)

Difficile de présenter les deux bonhommes. Jason Lescalleet est un musicien hors-norme qui navigue sur différents territoires sonores, principalement à partir de manipulations de cassettes et d'enregistreurs cassettes ainsi que diverses préparations d'objets quelque peu archaïques. Quant à Aaron Dilloway, il joue un rôle central sur la scène noise/indus, notamment en tant que membre du duo Wolf Eyes. Leur collaboration, éditée en vinyle par le label allemand PAN, est une descente aux enfers cauchemardesque à base de synthétiseurs analogiques et de bandes magnétiques.

Deux faces, deux pièces, deux angoisses. Ce n'est pas forcément une musique massive, forte et agressive. Les nappes du duo peuvent être calmes et douces. Mais toujours, il y a cet aspect dérangeant, cauchemardesque. Dilloway et Lescalleet créent un monde sonore sombre et terrifiant, où une nymphomane psychopathe semble pouvoir surgir à tout instant pour vous éventrer. Un monde où des nains héroïnomanes surveillent vos faiblesses. Comme un cauchemar récurrent où se mêlent toutes vos phobies et vos angoisses. Un cauchemar qui ne s'arrête pas au réveil, qui pénètre la réalité. Un cauchemar qui transforme la réalité en un phénomène flasque et flou, un phénomène qui ne semble pas plus vrai que vos peurs.

Bien sûr, Dilloway et Lescalleet s'amusent des propriétés psychoacoustiques du son, jouent sur les dissonances ultra-aiguës et les masses de sons graves et lentes. Des drones qui évoluent par variations microscopiques, des rythmes industriels lents, mécaniques et hostiles. Les paysages évoluent peu, lentement. Mais la progression en est d'autant plus flippante, car on connaît le but. Ou on croit le connaître. Un but malsain, qui nous ramène à nos peurs. Une progression vers un fonds cauchemardesque interminable. 

Grapes and Snakes est une plongée terrifiante dans un cauchemar psychotique et angoissé. Une plongée qui n'en finit pas de descendre. Une plongée qui ne cesse d'exacerber l'angoisse. Grapes and Snakes fait partie de ces rares disques qui parviennent à déranger même les plus habitués de la noise psychoacoustique, du drone malsain ou de l'indus décalé. Ces deux pièces forment deux descentes dans les tréfonds de l'angoisse, de la psychose halluciné, et du cauchemar névropathe. Un disque sombre, dérangeant, extrêmement puissant et intense de par sa force émotionnelle. Merveilleux? non: cauchemardesque! et c'est pour ça que je le recommande vivement.

Informations et extraits: http://www.pan-act.com/pages/releases/pan30.html

Antoine Beuger - s'approcher s'éloigner s'absenter (Erstwhile, 2012)

En 1992 (il y a déjà 20 ans), le flûtiste allemand d'origine hollandaise Antoine Beuger fondait le collectif Wandelweiser. Un collectif de compositeurs qui se dédient à une écriture minimaliste souvent fondée sur des signes et des textes plus que sur un système de notation traditionnel, tout en faisant un usage prépondérant du silence. s'approcher s'éloigner s'absenter est une composition de ce musicien, pour trois instrumentistes et interprètes fidèles du collectif: Barry Chabala à la guitare, Dominique Lash à la contrebasse et Ben Owen à l'électronique. Une performance enregistrée lors du même festival que le duo Christian Wolff/Keith Rowe en 2011 à New York.

Je n'ai pas vu la partition, mais la méthode d'écriture semble assez proche de certaines grilles de Michael Pisaro. Il s'agit apparemment d'une grille composée remplie de blancs ou de lettres, l'une indiquant qu'il faut jouer un son proche d'un son déjà entendu, l'autre qu'il faut jouer un son encore jamais entendu (une description plus précise est disponible dans la chronique de Brian Olewnick disponible ici). Durant cinquante minutes, il s'agit de notes ni longues ni courtes, calmes et paisibles, sans attaques particulières, et neutres. Des sons que l'on retrouve par moments, d'autres qui n'apparaissent pour ne jamais ressurgir et s'évanouir dans le silence, et bien sûr, un silence toujours omniprésent. Mais un silence "impur" en quelque sorte, rempli de bruits de voitures, de pages tournées, de frottements de vêtements. "Impur" pour un enregistrement classique, mais plutôt vivant dans le cadre d'une performance live en fait.

Le silence de cette pièce n'est qu'une absence d'intervention musicale, mais les sons sont omniprésents et ne sont en rien négligés par l'enregistrement de Richard Kamerman. Si la musique de ce trio semble épurée au maximum et d'un minimalisme radical, il y a tout de même un dialogue très riche qui se trame entre le compositeur, le musicien, et l'espace de représentation. Un dialogue médiatisé par l'esprit (choix des notes, des grilles, du respect de la partition), la mémoire (se rappeler les sons précédents) et par l'écoute (attention à l'environnement). Peut-être est-ce en partie le sens du titre de cette œuvre: s'approcher par la similarité des sons, s'éloigner par leurs dissimilitudes, et s'absenter dans le silence? En tout cas, cet exercice d'écoute, de mémoire, d'attention et de sensibilité, met en marche de nombreuses ressources humaines (physiques et psychologiques) qui font de cette interprétation un disque riche et intense malgré le minimalisme des matériaux musicaux. 

Comme dans beaucoup de pièces composées par les membres de Wandelweiser, s'approcher s'éloigner s'absenter est une pièce dont la richesse demeure en grande partie issue de son ouverture. Une ouverture au monde par le biais du silence et du calme, qui laissent chacun place à l'environnement extérieur. Mais une énorme ouverture aussi aux musiciens qu'on n'ose à peine qualifier d'interprètes tant leur marche de manœuvre est immense. Mais c'est aussi une pièce qui tend à annihiler de nombreuses oppositions musicales (notamment entre l'improvisation et la composition, mais aussi entre le son et la musique, le silence et le bruit) et à conférer un nouveau statut aux "interprètes".

Je n'ai pas encore trop parler de la musique en elle-même, du matériau sonore mis en œuvre par le trio. Par rapport à de nombreuses interprétations de ce genre de pièces, la matière musicale utilisée ici est assez riche. Il s'agit principalement de notes longues et calmes, sans modulations ni accentuations, comme des sinusoïdes, des petits larsens, une corde médium frottée avec précision. Mais tout de même, l'attaque est parfois beaucoup plus forte, la note plus intense, Barry Chabala percute ses micro-contacts assez violemment, la contrebasse se permet même d'utiliser des double-cordes à un moment, et Ben Owen utilise un enregistrement vocal que je n'ai pas réussi à identifier à un autre moment (exceptionnellement beau et intense). Une richesse et une variété qui sont inhérentes au système de composition, ce qui rend cette œuvre encore plus ouverte que je ne le disais déjà, une ouverture qui change du systématisme avec lequel est parfois utilisé la répétition neutre et monotone d'une même note.

A mon avis, s'approcher s'éloigner s'absenter peut constituer une bonne introduction au collectif Wandelweiser, notamment à sa facette la plus radicale bercée dans le minimalisme et la quiétude extrêmes. Une interprétation sensible, riche à sa manière, ouverte, et intense.

Christian Wolff/Keith Rowe (Erstwhile, 2012)

C'est encore l'été. Les fenêtres restent ouvertes, et les bruits urbains sont omniprésents. Tramways, bus, voitures, avions, passants, pleurs, rires, bribes de discussions, musiques, vents, etc. Présents sur ce disque d'une part, mais chez moi aussi. A chaque écoute, c'est un nouveau disque qui surgit. Car la musique de Christian Wolff et Keith Rowe est très ouverte. Minimale et aride certes, mais aussi chaleureuse grâce à son ouverture et à sa délicatesse. Le dialogue entamé par les deux musiciens est très aéré, les sons sont faibles, discrets, et laissent par conséquent une grande place aux sonorités externes. Une musique ouverte sur le monde et l'environnement en somme. On reconnaît là l'influence de Cage, fidèle ami de CW, qui sait ménager l'espace sonore, qu'il soit musical ou extra-musical. Car durant 47 minutes, il y a toujours une place pour une possibilité sonore externe au dialogue entre ces deux géants. 

Je ne suis pas très familier de Wolff, mais il a apparemment toujours été une grande influence pour KR. Et à entendre la joie qui semble surgir de cette collaboration, il semblerait que l'admiration soit réciproque. Ce n'est pas qu'on entende des mélodies joyeuses ou des rythmes dansants, il s'agit d'une joie abstraite, d'une joie qui se manifeste par des soubresauts inattendus, par des hausses de volumes surprenantes au vue du calme attentif et concentré qui règne la plupart du temps, qui se manifeste aussi par des sons surprenants, enfantins et crédules (comme une note de piano seule au milieu de crépitements abrasifs, un tremolo de guitare, etc.).

Le duo ne joue pas vraiment sur la cohésion, chacun semble jouer sur la création d'évènements. Des évènements qui n'attendent pas nécessairement de réponses, ou qui attendent une réponse extérieure. Si les jeux de KR et CW ne se ressemblent pas, la démarche semble être la même. Une démarche provocante. Je ne pense pas à une provocation subversive, mais KR et CW semblent constamment vouloir provoquer une situation sonore, un évènement musical sous forme de question sans réponse. Cette longue pièce est comme une suite de points d'interrogation qui restent sans retours. Mais elle avance avec assurance. La concentration et la sensibilité sont toujours omniprésentes. Ce n'est pas forcément une attention à l'autre comme dans beaucoup de duo, c'est peut-être plus une attente qu'une attention d'ailleurs: CW et KR attendent et espèrent l'évènement, interne ou externe, l'évènement musical. La magie d'un évènement, qui répond à l'environnement, ou auquel l'environnement répond. Musique du possible. L'ouverture au monde toujours.

Enregistrée en live durant le festival Amplify en 2011, cette longue et incroyable improvisation nous parvient maintenant sur disque. Remerciements à Jon Abbey pour avoir organisé cette rencontre d'une part, mais également pour l'avoir publiée. Car aujourd'hui, c'est à nous de réinventer cette performance, de l'intégrer à un autre environnement, dans un autre cadre réceptif. Un cadre ouvert mais une base solide. La musique produite lors de cette performance reste encore créative. Une musique simple et plutôt minimale d'un côté - toujours les incontournables radios, les souffles d'amplis et de jacks, les manipulations de micro-contacts, quelques notes de piano, des trilles, des bruits divers aux aspects rugueux et arides. Mais la magie de ce duo, c'est de créer une musique dont la forme semble couler de source, on glisse lentement et avec plaisir le long de ces 47 minutes, j'ai presque envie de dire que c'est soyeux. Paradoxal? et bien c'est justement ce qui m'impressionne le plus: obtenir une forme soyeuse avec des éléments rugueux, produire une musique chaleureuse et envoutante à partir d'un contenu aride et austère, souvent abstrait et abrasif.

Une collaboration inespérée et merveilleuse qui sait accueillir l'auditeur avec douceur et chaleur - malgré un contenu aux aspects parfois austères. Cette improvisation parvient à absorber l'auditeur dans la musique elle-même, mais également dans les évènements externes qui peuvent ou non lui répondre parfois avec magie. La magie d'une rencontre souhaitée, d'une improvisation ouverte et talentueuse, mais aussi sensible et délicate. Je crois que c'est un des meilleurs KR que j'ai entendu depuis longtemps.

copy for your records

Mites - Passing Resemblance (Copy for you records, 2012)

Ceci est ma première rencontre avec Grisha Shakhnes, alias Mites, un artiste sonore israélien. J'ai mis quelques temps à passer outre sa nationalité, mais une fois qu'on se laisse absorber par son œuvre, il n'y a plus rien qui compte. Une œuvre monumentale, remarquable, sombre et dérangeante. Passing Resemblance est une suite de trois pièces aux structures déséquilibrés et aux titres étranges ("you can come and shake my hand"/"comfort"/"why elephants are not allowed to cross a bridge") - qui n'expliquent surtout pas la démarche de Mites. A l'intérieur de ce disque, beaucoup de field-recordings, manipulés et étouffés, distordus et ralentis, qui semblent provenir de cassettes. Hélicoptères, sirènes, coups de feux, tirs de mortiers, radios, prières, paroles, le quotidien d'un pays vindicatif. Mais tout du long, un son lourd, sombre, comme un enregistrement hydrophonique à la Thomas Tilly ou un souffle analogique, field-recordings ou synthèses granulaires? Peu importe, cette ligne apporte une cohésion à des structures pas toujours évidentes (rien que la durée des pièces interroge: 15 minutes, puis 4, et 35 minutes pour finir...). Ceci-dit, la musique est toujours claire, Mites utilise peu d'éléments, il superpose avec une grande sensibilité au son et à son architecture deux ou trois éléments au maximum. Dans un pays dont la réalité est devenue insupportable pour beaucoup, il vaut mieux transformer cette réalité en abstraction. Et Mites produit ici une sorte de musique concrète filtrée et manipulée jusqu'à l'abstraction, dérangeante, qui laisse place à une imagination sombre. On croirait par moments entendre des coups de feux étouffés comme s'ils étaient enregistrés dans une toile de jute au fond d'une cave dissimulée ou d'un bunker. L'ambiance est pesante, obscure, lourde de sens. Mais pas seulement. Car les constructions sonores de Mites sont remarquablement absorbantes, ce sont des plongées immersives à l'intérieur du son et de quelques unes de ses propriétés abstraites. Une suite puissante d'immersions sonores et de constructions abstraites, où Mites sait jouer avec facilité et douceur des différentes dynamiques du son. Recommandé.

Informations et extraits: http://cfyre.co/rds/pgs/cfyr010.html

David Kirby - Cittakarnera (Copy for your records, 2012)

David Kirby est un artiste sonore originaire d'Atlanta, créateur du superbe netlabel homophoni, et dont la musique se situe plutôt dans une veine eai. Son travail est aujourd'hui principalement axé sur les cassettes audios (en partie parce qu'il en avait apparemment marre de passer autant de temps sur un ordinateur...). Pour cette longue pièce de 70 minutes, Kirby utilise donc comme principale source quatre enregistreurs cassettes. On y trouve des chants d'oiseaux, des bruits méconnaissables, des chansons de pop, de rap, de musique électronique, de classique, des musiques de films, du métal, etc. La liste est longue, très longue, autant que le disque j'ai envie de dire. Car c'est assez difficile de digérer ce collage et ces manipulations (ralentissement de la bande, accélération, lecture à l'envers, distorsion, amplification du souffle, "scratch") pendant aussi longtemps. Kirby a produit pour ce disque un gigantesque collage magnétique, assez linéaire et monotone, qui a parfois du mal à retenir l'attention... Après, il y a des passages vraiment jouissifs, intenses ou puissants, forts et osés, mais c'est tout de même inégal dans l'ensemble, et la démarche, le collage systématique de sources parfois incongrues et inattendues, lasse au bout d'un moment. Un disque talentueux mais peut-être un peu trop ambitieux.

Informations et extraits: http://cfyre.co/rds/pgs/cfyr007.html


Bryan Eubanks/Jason Kahn - Energy (Of) (Copy for your records, 2012) 

Enregistré en live, Energy (Of) est une pièce d'une quarantaine de minutes présentées par deux grands compositeurs électroniques: Bryan Eubanks et Jason Kahn. Le premier utilise un système électronique fait maison, tandis que le second use de larsens, de table bouclée sur elle-même, d'un synthétiseur analogique, de micro-contacts, etc. Autant le dire tout de suite, ça ne rigole pas! 

La performance tend vers la musique aux effets psychoacoustiques avec murs de bruit blanc, larsens vigoureux, crépitements abrasifs, tension violente, puissance maximum. Ceci-dit, il ne s'agit pas de harsh noise comme on pourrait le croire. Pas tout le temps du moins. Car le duo Eubanks/Kahn sait jouer sur les reliefs et les différentes dynamiques. Une improvisation savamment construite avec ses silences, ses espaces aérés, puis saturés, ses murs de son, et ses instants éthérés et minimalistes de souffles légers. Une musique en dent de scie qui rend chaque instant violent d'autant plus intense. Car chaque passage calme n'est pas gratuit, la tension est toujours, ce n'est qu'un calme avant la tempête. Les deux sculpteurs sonores paraissent aussi à l'aise et précis lors des passages minimalistes que lors des assauts sonores. Et quels assauts! La violence de Kahn et Eubanks peut être franchement renversante. Les murs de son prennent aux tripes, tendent chaque muscle du corps de l'auditeur. Des oreilles à l'intégralité du corps en passant par le cerveau bien sûr, la tension et l'intensité d'Energy (Of) soufflent l'auditeur dans son intégrité, traversent tout le corps et le transforment en une boule de nerfs ambulante.

Une traversée organique et dangereuse à travers des résidus sonores aux allures industrielles et apocalyptiques. Une épopée tendue, non plus vers son origine, mais vers un futur sombre, incertain, et dévasté. Les oreilles prennent chers, l'esprit aussi. Amateurs de noise et de construction sonore savante et précise, vous y trouverez votre compte. Recommandé!

Informations et extraits: http://cfyre.co/rds/pgs/cfyr011.html