Dave Phillips - Rise

C'est devenu une habitude chez Dave Phillips d'introduire de longues diatribes à l'intérieur de ses disques dirait-on, et tant mieux, car ça fait toujours plaisir de voir un musicien s'intéresser à autre chose qu'à la musique, sans se cacher non plus derrière un engagement politique creux et convenu. Pour Rise, ce dernier a écrit plusieurs pages de deep ecology, de pensée anti-industrielle et anticapitaliste, pour l'abolition de la domination humaine sur la nature et la remise en question des structures de pensée religieuse et scientifique qui promulguent cette position. En tant que penseur comme en tant musicien, DP résiste aux étiquettes : les courants et les positions se croisent et s'entremêlent : aussi bien relents de néo-luddisme qu'écologie radicale et anarchiste, sans oublier l'antispécisme ; telle sa musique qui ne peut être réduite aux qualificatifs de noise, d'indus ou d'électroacoustique tout en étant tout ça à la fois.
Rise, publié en janvier 2017 et épuisé depuis, illustre parfaitement je trouve cet enchevêtrement d'influences et d'esthétiques. De nombreuses rythmiques indus côtoient des enregistrements d'animaux, les effets psychoacoustiques sont aussi présents que les découpages abrupts, on retrouve même des influences grind sur l'avant-dernier titre (et même bien plus que des influences). Et le plus étonnant dans tout cet assemblage de voix ralenties et fantomatiques, de cris bizarres, d'enregistrements de coups de poing et de portes claquées, de basses martiales et de boucles entêtantes, dans ce chaos sonore et naturel, c'est l'homogénéité et l'unité de tous ces morceaux. Qu'ils soient rythmiques, abstraits, chaotiques, linéaires, longs, courts, "dansants", flippants, il y a une ambiance toujours similaire. DP créée des masses sonores sombres, tendues, il recycle des sons quotidiens et les assemble de manière à créer un sentiment de malaise généralisé appelant à la révolte, à la rébellion, à l'organisation et à la prise de conscience.

La musique de DP ne semble pas gratuite. Il ne s'agit pas de faire du bruit pour faire du bruit, ni de recycler l'environnement dans un but seulement esthétique. Sa musique est un coup de poing dans la conscience, un coup de poing dans le consumérisme et le capitalisme, le cauchemar d'un homme, d'une espèce qui s'organise dans un monde en consommant son environnement comme un McDo. Mais ce n'est pas seulement l'idéologie de DP qui est intéressante, c'est surtout son talent de compositeur. On hésite toujours à l'apparenter à telle ou telle scène, à lui coller telle et telle étiquette. Sa musique a tout de la noise, oui, mais également tout de la musique électroacoustique, du field-recording, et de la musique industrielle. Il est tout ça à la fois et rien de tout ça peut-être, et c'est ce qui fait de lui un des musiciens les plus intéressants dans chacun de ces domaines.


DAVE PHILLIPS - Rise (LP, iDEAL, 2017)