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Zavod Sploh/l'innomable coproductions

DRASLER/KARLOVCEC/DRASLER - Stir (Zavod Sploh/L'innomable, 2013)
Jošt Drašler à la contrebasse, Marko Karlovčec au saxophone et Vid Drašler à la batterie pour une suite de cinq improvisations free jazz incandescentes. A la section rythmique, on a une basse plutôt discrète, assez lyrique, qui nous offre souvent de belles nappes mélodiques de fonds, une mélodie un peu indépendante et en retrait. C'est au-dessus que tout semble se passer la plupart du temps : avec le jeu très sec et nerveux de Vid Drašler, et surtout avec le saxophone aux accents d'Albert Ayler de Marko Karlovčec. Un saxophone puissant, guttural, profond, lourd, agressif, et lyrique en même temps. Un saxophone omniprésent qui donne également le ton de ces cinq longues improvisations : du free jazz influencé par la scène américaine de la fin des années 60 et du début des années 70, du free jazz marqué par la passion mise en jeu par des figures telles que Ayler ou Franck Wright.

Une musique nerveuse, agressive, et lyrique, aux accents nostalgiques (pour l'espèce d'hommage rendu au free jazz américain). Le trio déroule sa musique de manière implacable, elle ne s'arrête pas, elle est jouée avec les tripes et avec passion surtout, sans autre considération, et c'est comme ça que ça marche le mieux souvent, étant donné que chaque musicien est talentueux, précis, sait ce qu'il fait à quel moment, et écoute toujours le son d'ensemble. Du bon free jazz en somme.

TOMAZ GROM - Sam, za... (Zavod Sploh/L'innomable, 2013)
Tomaž Grom est un assez jeune contrebassiste slovène qu'on a déjà pu entendre - entre autres - aux côtés de Jonas Kocher, Seijiro Murayama ou Michel Doneda. Un musicien assez proche donc de l'improvisation libre comme on peut s'en douter, mais qui a su développer un langage plutôt personnel, abordant le son en utilisant le silence et la continuité. Car tout au long de ces neuf improvisations pour contrebasse seule, Tomaž Grom utilise souvent ces deux éléments pour structurer ses morceaux. Des sons longs, continus, qui se fondent avec le silence, mais également des sons très bas, tout proche du silence, avec des cordes à peine effleurées par l'archet. Et même quand Grom joue plus fort, il joue souvent sur la répétition du son, d'une idée, sur sa constance et sa continuité.

Ce qui nous amène à autre chose. Tomaž Grom est proche de l'improvisation libre, oui, mais de la même façon que Murayama je pense. Même s'il y a une part d'improvisation, Tomaž Grom structure tout de même ses pièces de manière très claire. Ce qui semble l'intéresser, ce n'est pas le son de la contrebasse elle-même, mais plutôt comment les sons se structurent au sein d'une improvisation, comment ils se déroulent dans le temps, et comment ils sonnent en fonction des réitérations, des étirements, et de la proximité avec le silence. Du coup, Tomaž Grom propose sur ces neuf pièces des formes très claires, des idées très fortes et des structures personnelles très éloignées d'un langage "spontané". Le contrebassiste joue sur les formes plus que sur les recherches purement sonores (même si elles sont également présentes) ou sur la pseudo liberté de l'improvisation. Beau travail. 

Eksperiment Slovenia

V.A. - Eksperiment Slovenia (SIGIC, 2013)
Après Sound Disobedience, une compilation sur le musique improvisée en Slovénie parue il y a quelques mois, voici maintenant Eksperiment Slovenia : un état des lieux des musiques expérimentales actuelles en Slovénie. Etant donné les liens ténus entre l'improvisation et l'expérimentation aujourd'hui, de nombreux musiciens sont présents sur les deux compilations. Mais en-dehors des musiciens issus de l'improvisation, cette compilation offre également quelques pièces issues du rock, de la noise, de l'art sonore et de la musique concrète. Parmi eux, des enregistrements et des compositions inédits ou déjà publiés de Tomaž Grom, Tao G. Vrhovec Sambolec, Michel Doneda, Jonas Kocher, Marko Karlovčec, Bojana Šaljić Podešva, Čučnik & Pepelnik, JakaundKiki, Irena Tomažin, Marko Batista, Vanilla Riot, Miha Ciglar, N’toko, Seijiro Murayama, Samo Kutin, Marko Jenič. Le tout introduit par un livret complet sur la communauté des musiciens en Slovénie, leurs institutions, les liens entre eux et avec l'étranger, les rapports entre le bruit et le silence, l'espace et l'art sonore, et la déconstruction des formes populaires - écrit par le critique musical et producteur Luka Zagoričnik.

La diversité de cette compilation est assez impressionnante, et rend compte d'une richesse slovène pleine de promesses. Des compositions pour percussion de JakaundKiki aux excellentes improvisations libres de Tomaž Grom, en passant par la déconstruction de la voix d'Irena Tomažin, les installations sonores de Tao G. Vrhovec Sambolec, les compositions électroniques de Miha Coglar, et les explorations sonores et instrumentales de Grom, Samo Kutin, Marko Jenič et Marko Karlovčec - de nombreuses différences d'approches et d'esthétiques apparaissent malgré les nombreux liens (géographiques et musicaux) qui réunissent ces musiciens. Tous se basent sur des constructions claires, sur des économies de moyen, semblent fortement influencés par le réductionnisme et la musique savante, l'improvisation libre et la noise. Quasiment toutes les pièces présentent un intérêt, je n'ai pas eu de grande surprise, hormis l'excellente Irena Tomažin (alias iT) qui présente ici une pièce où dictaphones et tape loops déconstruisent une voix puissante et décalée, et également le trio rock noise Vanilla Riot. Sinon, la compilation m'a réconforté dans mes opinions, qu'il y a de très très bons musiciens en Slovénie, notamment le contrebassiste Tomaž Grom, le vielliste Samo Kutin, et le violoniste Marko Jenič.

Excellent état des lieux des musiques nouvelles en Slovénie, qui inaugure une scène très riche et variée, d'une grande qualité.

improvised music from slovenia



v.a. – Neposlušno / Sound Disodedience (Zavod Sploh / L’innomable, 2012)

Neposlušno / Sound Disodedience est un double CD d’environ deux heures et demi, qui regroupe 13 morceaux improvisés par treize duos différents de musiciens slovènes. En vrac, on y retrouve Andrej Fon, Ana Kravanja, Tao G. Vhrovec Sambolec, Vid Drašler, Matija Schellander, Tomaž Grom, Samo Kutin, Marko Jenič, Žiga Pucelj, Marko Karlovčec, Vitja Balžalorsky, Boštjan Simon, Domen Gnezda, Jošt Drašler, Neža Naglič, et Irena Tomaži.

De plus, on trouvera dans ce coffret une postface écrite par Eddie Prevost et Primož Trdan qui soulève pas mal de questions intéressantes. Les rapports entre l’improvisation et la composition, comment l’improvisation libre s’inspire de la tonalité libre, du dodécaphonisme et de l’école de Vienne, comment elle peut s’opposer à Ligeti et à toutes formes de répétition ou de « retour en arrière ». Et surtout, elle soulève un point extrêmement important, à savoir comment l’improvisation libre non-idiomatique a pu s’ériger de manière contradictoire en genre ou en forme musicale reconnaissable. Comment une forme musicale qui s’est constituée dans l’opposition à la répétition de formes passées est devenue une forme passée en répétant de nombreux codes mis au point depuis Derek Bailey.

C’est d’ailleurs ce dernier point que l’on ressent le plus à travers l’écoute de cette compilation consacrée à l’improvisation libre en Slovénie. Si tous les musiciens ne concentrent pas leur attention sur les mêmes idées et les mêmes paramètres musicaux, il y a tout de même une grande ressemblance entre les différentes approches. Une même attention au son et aux techniques étendues, une même absence de répétition, de rythme et de système tonal ou modal. C’est un peu comme écouter une compilation consacrée à une école, ou à un collectif. Paradoxal pour qui se réclame de la musique non-idiomatique. Ceci-dit, ce problème se pose aujourd’hui bien au-delà de cette compilation, une constatation récurrente depuis une dizaine d’années, et très peu de musiciens semblent échapper à cet écueil.

Mais outre ce constat sur l’improvisation libre, les pièces présentes sur cette compilation sont globalement de très bonne qualité. On y trouve des approches différentes, axées parfois sur la spontanéité et la réactivité, ou sur les textures et des formes proches du drone, sur l’interaction et l’exploitation systématique d’une idée ou d’une direction, sur l’opposition entre électronique et acoustique, ou encore sur leur ressemblance. Certaines pièces sont vraiment surprenantes, comme l’étonnant duo Andrej Fon (cornemuse et clarinette) & Ana Kravanja (violon) qui n’est pas sans rappeler le monumental Om de Coltrane. Mais aussi l’extrêmement intense duo de contrebasses Matija Schellander/Tomaž Grom, ou les deux excellentes pièces pour un de mes instruments préférés, la vielle à roue, jouée ici par Samo Kutin en compagnie de Marko Jenič (violon) puis de Vid Drašler (batterie, percussions). Et il y aurait encore de nombreux exemples, la compilation est franchement réussie et présente de nombreuses pièces riches, intenses et créatives. Une très bonne initiative mettant plein de bons instrumentistes méconnus sur le devant de la scène, recommandé.
 
Ana Kravanja & Marko Karlovčec - Vraščanje / Ingrowth (Botanic, 2012)

La violoniste Ana Kravanja et le saxophoniste Marko Karlovčec était déjà présent sur la compilation Sound Disobedience, avec un duo de près de vingt minutes assez énergique et réactif. Sur Vraščanje / Ingrowth, le duo se réclame toujours de l'improvisation libre mais il s'agit ici d'une musique beaucoup plus minimaliste et souvent axée vers le drone. Chacune des huit pièces de ce disque a été enregistrée en extérieur et présente des caractéristiques sonores différentes, mais aussi des "accidents" de parcours parfois bienvenus (écoulement d'un ruisseau, oiseaux, la réverbération d'une caveetc.). Quant à la musique, le duo exploite souvent de longues nappes, une note étirée pendant de très longues minutes et qui ne varie que très sensiblement, de manière microtonale et minimale la plupart du temps. Les instruments ont tendance à se confondre et à fusionner quasiment tout le temps. Ceci-dit, il s'agit d'une musique très sensible, qui accorde une grande attention à l'écoute et au son, et qui parvient à créer un univers sonore acoustique et instrumental plutôt singulier, en n'usant de techniques étendues qu'avec modération. Un jeune duo prometteur.

[extraits: https://soundcloud.com/marko-karlovcec/sets/vrascanje-ingrowth]