Affichage des articles dont le libellé est Yann Gourdon. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Yann Gourdon. Afficher tous les articles

Yann Gourdon

YANN GOURDON - sans titre (Drone Sweet Drone, 2014)
[la reproduction de la pochette est une des pochettes possibles, puisque drone sweet drone a publié six visuels différents de ce disque - les six collés les uns aux autres n'en formant qu'un seul]

Mise à part une micro-édition en cassette, je ne crois pas que Yann Gourdon ait encore publié de disque solo à ce jour. Il était donc temps de remédier à cette tare, car c'est certainement la partie la plus intéressante de son travail. On le retrouve sur cet album, sans titre comme souvent, à la vielle à roue, sans amplification j'ai l'impression, à moins qu'il n'utilise qu'une discrète pédale de delay et un ampli. La description n'est pas compliquée, puisqu'il s'agit bien évidemment d'un long bourdon de vielle, un bourdon massif et microtonal qui fait inévitablement penser à Phill Niblock. 

Yann Gourdon saute sur l'occasion de la roue pour jouer une musique tout en continuité et en linéarité, de manière très progressive et minimale. Au début, on a l'impression d'un bourdon statique, immuable, mais petit à petit, la progression ne s'entend pas réellement tout en se faisant ressentir. Et c'est ce qui fait la puissance et la finesse de Yann Gourdon à mon avis : d'osciller entre le mouvement continu et perpétuel et le bloc massif et immuable. On croit être toujours à la même place, mais très finement, très simplement, très lentement, Yann Gourdon dérive. La couleur ne change pas, c'est comme si seul le contraste était légèrement modifié. Et c'est ça la magie de ce drone. Aux oreilles, une impression de percevoir le drone comme figé et statique, mais de manière plus organique et viscérale, un sentiment de voyage et de mouvement perpétuel nous prend sans que l'on s'en rende compte. On croit être sur place, mais on dérive, lentement, progressivement, vers une contrée similaire mais pas tout à fait, en ayant l'impression d'être resté au même endroit. 

Yann Gourdon a trouvé la recette pour équilibrer les notions de mouvement et de repos. Ses drones/bourdons parviennent à emmener l'auditeur où seul le vielliste le sait, sans que le premier ne s'en rende compte. Voyage minimal à l'insu de l'auditeur, comme si on était déposé au mauvais endroit lors d'un voyage ensommeillé. 
Et pour une fois, l'enregistrement est vraiment bien, toute la richesse harmonique de la vielle est présente, ainsi que les micro-perturbations circulaires de la roue. Conseillé. 

Jacques Puech / Yann Gourdon / Basile Brémaud

TRIO PUECH GOURDON BREMAUD - sans titre (La Novia, 2012)
J'ai découvert Yann Gourdon en solo et au sein du trio France en 2009 à bitche (Nantes). Ce concert a vraiment été marquant, surtout France, car j'avais l'impression d'écouter une version rock et transe de Phill Niblock. Un son massif, un bourdon lancinant, une rythmique hypnothique : c'était vraiment jouissif. Après, j'ai beaucoup aimé la plupart des projets de Yann Gourdon, que ce soit en solo, en compagnie du vielliste Yvan Etienne (Verdouble), ou même en duo avec Antez. Enormément de projets que j'aime beaucoup, des choix esthétiques qui me plaisent vraiment, mais finalement peu de disques auxquels j'accroche - notamment à cause de la qualité douteuse du son (je parle des enregistrements de France en tout cas).

En tout cas, avec le premier disque solo de Yann Gourdon qui vient de paraître, le trio Puech Gourdon Brémaud fait partie de ces enregistrements qui valent largement le coup d'oreille. On retrouve ici Jacques Puech à la cabrette (cornemuse auvergnate), Yann Gourdon à la vielle à roue et Basile Brémaud au violon. Beaucoup d'instruments traditionnels auvergnats, oui, mais également beaucoup d'airs auvergnats. Je ne suis pas spécialiste de la musique traditionnelle populaire, mais le trio semble se baser sur des bourrées auvergnates. Des bourrées dont le thème est donné au début de chacun des trois morceaux ainsi qu'à la fin, mais dont le plus intéressant réside dans le traitement qui en est fait. Car au milieu, le trio développe le thème d'une manière très particulière et puissante. Un développement qui ressemble à une sorte d'improvisation sans en être une, un développement qui est comme une distorsion acoustique du thème. Puech, Gourdon et Brémaud s'intéressent plus au bourdon présent dans la musique traditionnelle, ou à une particularité rythmique, plus qu'au folklore auvergnat ou à l'aspect sautillant et dansant de ce répertoire. Le trio s'empare d'un élément du thème, une fraction de thème, l'étire, le distors, et le triture. Et il en ressort une musique très lancinante, hypnothique, belle, massive. Puech, Gourdon et Brémaud improvisent sur un thème, mais moins pour le développer que pour le réduire à ce qui les intéressent.

Des improvisations qui développent principalement les aspects continus, linéaires, dissonants et hypnothiques de la bourrée (ou de la musique auvergnate - je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de bourrées réellement). Le trio développe une sorte de folklore imaginaire teinté de réel, une sorte de musique étrange qui se situe à la croisée des musiques rituelles de transe de possession, des musiques médiévales du Massif Central, et des drones imposants de Phill Niblock. Conseillé.