Trio Sowari - Third Issue

Burkhard Beins, Bertrand Denzler, et Phil Durrant, trois noms que beaucoup ont déjà aperçu sur des disques et des affiches, trois musiciens qui parcourent les scènes de la musique improvisée depuis de nombreuses années maintenant. Ces trois figures essentielles de l'eai et du réductionnisme (qu'on peut trouver dans Mimeo, Hubbub et Polwechsel) ont également leur formation que vous avez déjà du croiser : le Trio Sowari, dont le premier disque (sur potlatch) remonte au milieu des années 2000.
 Je fais cette introduction très convenue car le CV de ces musiciens explique en partie pourquoi ce dernier disque est si bien. Je n'écoute plus beaucoup de musiques improvisées, qu'elle soit européenne, jazz, électroacoustique, réductionniste ou autre, parce que je me suis lassé des canons de ces dernières. Et Third Issue, le dernier disque du Trio Sowari, respecte ces canons, il ne cherche pas franchement à les dépasser. Et pourtant, c'est un pur plaisir d'écouter ce disque que j'aime rejouer constamment. Il y a en grande partie deux raisons extérieures à la musique elle-même qui font de ce disque une réussite. Deux raisons qui n'en sont qu'une en fait, une seule et même cause déclinée d'un point de vue personnel et collectif. L'ancienneté et la pratique tout simplement. Car ces trois musiciens font partie des précurseurs de l'eai et du réductionnisme, il joue cette musique depuis maintenant une vingtaine d'années (ou pas loin) et ils ont su, depuis le temps, fabriquer un langage qui leur est propre, unique et personnel. De plus, la formation Sowari existe aussi depuis une près de 15 ans, il ne s'agit pas d'une de ces rencontres fortuites et à peine préparées entre têtes d'affiche, non. Il s'agit là d'une collaboration entre trois musiciens proches qui ont su développer une relation précise, une relation où chacun a sa place, où chacun sait comment il doit réagir à chaque évènement pour ne pas mettre en péril la cohésion du groupe, tout cela de manière très nette.

Quant à la musique, il n'y a pas tellement de surprise quant au contenu, ni à la forme. Le Trio Sowari propose quatre longues pièces composées de sons continus, d'interventions délicates, de techniques étendues, et d'un subtil mélange entre instrument à vent (saxophone), percussions, et instruments électroniques (ordinateur et synthétiseur). La grande force de ce trio est de parvenir à créer un univers sonore très homogène à partir de sources si hétéroclites. Le groupe peut aussi bien choisir de travailler sur l'aspect percussif du son, de jouer sur la continuité et une certaine forme de mélodie, comme sur la modulation de fréquences, il semble toujours aussi à l'aise quelque soit la forme que prend leur musique. Car le trio prête une grande attention au son et il le traite avec rigueur et précision, c'est très fin et très subtil, et c'est certainement le plus remarquable dans cette musique. Une musique en apparence toute simple et subtile, composée d'éléments microscopiques, qui avec du recul s'avère d'une richesse et d'une profusion étonnantes.


TRIO SOWARI - Third Issue (CD, Mikroton, 2018)