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Olivia Block - Karren [LP]

OLIVIA BLOCK - Karren (Sedimental, 2013)

En ouvrant cette page, je ne savais pas vraiment ce que j’allais écrire, car ça me semblait vraiment difficile de parler de Karren, le dernier disque solo d’Olivia Block, notamment à cause de sa richesse et surtout à cause de son originalité. Je n’avais entendu qu'un seul disque auxquel avait participé cette musicienne originaire de Chicago (en compagnie de Greg Kelley), mais c’est la première fois que je l’entends en solo.
                                                                                   
Karren est un disque de field-recordings avant tout. Mais qui ne ressemble pas à un disque de field-recordings. On a bien plus l’impression d’entendre une composition électroacoustique qu’une collection d’enregistrements de terrain. Non pas que les interventions électroniques d’Olivia Block soient omniprésentes (elles se limitent à un peu de saturation, et quelques larsens ou sinusoïdes très discrètes, outre ses gongs et percussions encore plus discrets), mais bien plus à cause du fait qu’Olivia Block traite ses enregistrements comme des sons purement synthétiques ou abstraits. Tous les enregistrements sont complètement déconnectés de leur référent, et ne sont utilisés que pour leur qualité sonore. De plus, Olivia Block opère un travail de traitement très marqué (et passionnant) sur ces enregistrements : un énorme travail d’équalisation, de filtrage, de montage et de collage, d’amplification et d’effets sert en effet à modeler les enregistrements de manière personnelle et unique. A partir d’enregistrements quotidiens (dans des halls publics, des zoos, et dans une salle de concert – j’en reparlerai), Olivia Block modèle ses sources et n’amplifie que les qualités, les propriétés et les caractéristiques sonores qui l’intéressent : la réverbération d’un lieu, l’aspect percussif, frappant et métallique d’un enregistrement, l’aspect mélodique et chantant d’un dialogue ou d’un souffle, etc.

On distingue souvent très bien l’origine des sources, mais le travail sur le son les déconnecte de leur référence au réel. Les enregistrements sont totalement au service de la composition, ils ne sont plus que de la matière sonore et musicale abstraite. Ce qui m’amène à la seconde face intitulée Opening Night, avec ses  longs enregistrements (plus de dix minutes) des répétitions du Chicago Composers Orchestra. Olivia Block utilise ici une matière originairement musicale faite de cordes et de cuivres. L’enregistrement semble ralenti, et est accompagné d’énigmatiques percussions étouffées, avant d’être noyé par un enregistrement très proche d’une pluie sous un toit. Mais même si la matière principale fait clairement référence à une source musicale réelle, Olivia Block parvient à complètement s’approprier le son et à noyer toutes ses références dans des caractéristiques purement sonores. L’orchestre, son timbre, remanié, transformé et filtré par Olivia Block, n’est plus qu’une masse sonore stagnante, une sorte de masse statique qui n’avance que par son traitement et par son assemblage avec d’autres sources, mais surtout pas grâce à ses progressions harmoniques et ses caractéristiques musicales originelles.

Avec Karren, Olivia Block propose deux constructions électroacoustiques à base de field-recordings. Il s’agit de deux pièces linéaires, qui avancent sans trop de rupture. Deux pièces basées sur un collage et un assemblage intelligent et minutieux des enregistrements, mais surtout sur une appropriation très riche et personnelle du son. Olivia Block parvient à traiter le son à l’ancienne j’ai envie de dire : on distingue la source, mais ce sont ses qualités acoustiques qui ressortent avant tout ; elle le traite avec une extrême attention à la forme, à la composition, et aux propriétés sonores des enregistrements. Mais surtout elle manie le son avec une  personnalité et un caractère qui dénotent un énorme travail de recherche, d’exploration et d’expérimenation sur le traitement des field-recordings. Fortement conseillé. 

Greg Kelley / Olivia Block - Resolution (Erstwhile, 2011)

Resolution, une réunion fantastique de deux explorateurs sonores radicaux, publiée par les soins de Jon Abbey. A la trompette, on trouve Greg Kelley, connu pour le duo Nmperign, tandis qu'Olivia Block s'occupe du piano et de l'électronique.

Les deux musiciens américains s'amusent à brouiller les sources sonores, à mélanger les timbres de manière inextricable. Les deux pièces qui ouvrent et clôturent Resolution par exemple, "Pinholed and perpetual light 1 & 2", sont constituées d'une longue nappe faite d'un souffle à la trompette qui ne se distingue pas du souffle généré par Block, un souffle dont on n'identifie que difficilement la source. Le souffle sera d'ailleurs le principal élément utilisé par Kelley, un souffle agressif et corrosif, ou calme et discret, transparent ou virulent. A partir de ces souffles, Block tisse des fils, brode avec des sons souvent indéfinissables, construit des motifs qui se fondent dans les textures ou les explosent à partir d'accidents électroniques autant qu'acoustiques. Tels ces objets jetés dans le cadre du piano, ces bourdons à partir de cordes délicatement frottées, ces bruits de pas fantomatiques, aux frontières du réel et de la représentation, sans parler de ces étranges arpèges franchement inattendus au milieu du disque, et de toutes ces interactions avec le cadre du piano.

L'assemblage de ces textures est bien à l'image de la photo qui orne la pochette (prise par Olivia Block toujours), deux univers peut-être distincts, mais qui ne vont pas l'un sans l'autre, une opposition qui se maintient dans une unité très persistante et consistante. L'entente entre les deux instrumentistes est de l'ordre de l'incroyable presque, car si leurs univers individuels se distinguent clairement l'un de l'autre, l'unité qui les assemble en est d'autant plus surprenante. Une unité magique qui se fait dans des constructions poétiques d'éléments sonores assez intimes, mais pas si communs. L'intimité, ainsi que la délicatesse et la sensibilité, sont ce qui caractérisent le plus cette interaction entre ces deux perfomers qui arrivent ici à composer une musique extrême, sans concession, mais tout de même sensible et envoûtante.

Resolution rassemble donc cinq pièces qui peuvent être aussi bien lisses, simples, calmes et contemplatives, que denses, dynamiques et fortes. En tout cas, il y a toujours une profonde entente et une interaction sensible entre chacun des artistes qui composent ces poèmes sonores où des matériaux s'entremêlent inextricablement, matériaux parfois difficilement identifiables. La rencontre est surprenante car les individualités s'opposent nettement, mais forment aussi une unité puissante et consistante dans le jeux de questions et de réponses souvent inattendues auquel ils s'adonnent tous les deux avec une joie et une créativité totale. Un album aventureux, dense, osé, très original et plutôt sensible et poétique. Recommandé!

Tracklist: 1-Pinholed and perpetual light 1 / 2-Looking through bone / 3-How much radiance can you stand? / 4-Some old slapstick routine / 5-Pinholed and perpetual light 2