On va bientôt arriver au vingtième album de The Necks, en presque trente années d'existence. En soi, ce n'est pas extraordinaire, mais ce qui l'est plus, c'est que le trio parvient à conserver une esthétique droite et reconnaissable, tout en se renouvelant au fil des années. Et avec Unfold, la première chose qui change, c'est le format de publication, car si une version vinyle de Mindset et Vertigo était déjà proposée en plus des CD, Unfold reste le premier disque de The Necks qui ne soit pas édité en CD, et qui a clairement été conçu pour une édition vinyle, avec quatre improvisations d'environ vingt minutes.
Ce que j'apprécie le plus avec The Necks, c'est certainement cette capacité à maintenir un haut niveau de tension avec une matière qui paraît redondante, comme un trio jazz-rock pourrait jouer une pièce de Steve Reich. Quand ils jouent une heure sur un disque, on n'a pas forcément l'impression que le morceau ait beaucoup évolué au fil de cette heure, et pourtant, on reste captivé durant tout ce temps. Donc en vingt minutes, c'est un vrai condensé, quatre spots de The Necks qui explosent presque. Ce nouveau format rend l'écoute encore plus tendue, plus intense, on a à peine le temps de voir l'improvisation se développer et se finir qu'on enchaîne avec autre chose. Autre chose qui reste un prolongement, qui n'est pas une suite ni un développement du morceau précédent, mais qui reste dans la continuité pour former un tout cyclique et organique.
Et si Vertigo, le précédent opus de The Necks, abordait la musique avec un aspect un peu cinématographique, Unfold revient à l'improvisation onirique avec une touche vintage cette fois. Le rêve, bien sûr, il est en grande partie induit par les improvisations modales au piano de Chris Abrahams, mais aussi par Tony Buck, cet étrange batteur qui produit des chaos métronimiques avec un toucher suavement survolté. Mais s'il n'y avait que ces deux-là, le rêve deviendrait ennui, redondance, et c'est là qu'intervient Lloyd Swanton, ce contrebassiste qui n'arrête pas de nous réveiller et de rééquilibrer ces improvisations avec des notes sèches et répétitives, dures et brutales. Tout ça est typique de The Necks, il reste juste que sur Unfold, Chris Abrahams utilise régulièrement un orgue électrique seul ou en accompagnement du piano pour produire des accords simples et tenus qui apportent une couleur encore plus "rock" et un peu vintage à ces nouvelles improvisations de The Necks.
Je ne suis franchement pas fan des publications vinyles, mais là, je pense que The Necks a vraiment joué le jeu et s'est adapté à ce format. Le trio s'est adapté et cette adaptation leur a permis de se renouveler et de proposer quelque chose de frais d'une part, mais aussi de plus intense et tendu qu'auparavant. Et on se retrouve avec un des plus beaux et emblématiques disques de ce trio incontournable.
THE NECKS - Unfold (2LP, Ideologic Organ, 2017)