Thomas Ankersmit ne semble pas avoir opté pour le renouvellement mais pour un affinement de sa pratique. Ses méthodes de composition ainsi que ses techniques de jeux ne cessent de se préciser pour créer des situations de plus en plus concrètes, des narrations de plus en plus fines et évocatrices. Qu'il utilise des pépiements ou des fourmillements de fréquences aiguës, des flux de masses sourdes et graves, rien n'est gratuit et tout est pensé pour évoquer un espace, une sensation, un mouvement. Ce disque se déroule comme un film d'une certaine manière, ou peut-être comme la carte d'un pays imaginaire si l'on se fie au titre. Thomas Ankersmit déploie de vastes territoires sonores et dessine des lieux qui paraissent à la fois complètement oniriques et imaginaires, et en même temps, ces lieux sont perçus comme réels, présents, s'offrant à nous dans toute leur richesse sonore.
Toute la force de ce disque réside certainement dans ce lien entre l'imaginaire et le réel. En s'appuyant sur des textures, des timbres et des effets uniques, Ankersmit parvient à peindre une sorte de géographie poétique et onirique, il raconte l'histoire d'un pays qui n'existe pas, que l'on ne peut qu'imaginer. Cependant, le travail sur le son, la temporalité, la spatialisation et la composition est si fin, si intelligent, que cette histoire, ou ce dessin, tous ces tracés sonores qui jouent sur la perception nous amènent à douter de notre perception du réel et de l'imaginaire. On en vient à se plonger dans ce monde où des sonorités uniques s'enchevêtrent, on plonge dans ce monde imaginaire en ayant l'impression d'être dans un monde irréel mais dont la présence est saisissante.
THOMAS ANKERSMIT - Perceptual Geography (CD, 2021, Shelter Press)