Jason Lescalleet - How to not do it

JASON LESCALLEET - How to not do it (Chondritic Sound, 2012)
How do not do it est une cassette éditée par le label Chrondritic Sound, format qui correspond très bien au travail de Jason Lescalleet, fondamentalement basée sur la manipulation des bandes, tout comme ses collègues Graham Lambkin ou Aaron Dilloway.

Sur la première face, des plages sonores inattendues, extraits de musique et de sons enregistrés manipulés à l'extrême. Lescalleet est toujours fascinant parce qu'il semble traiter le son à la manière d'un cinéaste ou d'un peintre impressionniste. Lescalleet se focalise sur des boucles, les répète, puis les ralentit, les sature, les manipule à l'aide d'aimants, etc. Des grains inouïs surgissent et sont dévoilés au travers des manipulations et de la répétition de ces bandes. Une musique comme on n'en avait jamais entendu, à partir de matériaux déjà connus (variétés musicales, field-recordings), qui semble être une forme dérivée et humoristique de musique concrète, avec un grand fonds noise et drone. Mais sur cette face, une autre surprise attend l'auditeur. C'est l'intégration de la parole. Des voix se font constamment entendre, des voix non-musicales manipulées pour s'intégrer à l'univers de JL. Prières pénitentes en espagnol et monologues injurieux de mécontentement s'insèrent et s'ajoutent aux sources sonores - parfois musicales, parfois concrètes - pour former une architecture sonore riche de nombreux plans. Plans musicaux (samples), concrets (field-recordings), abstraits (drone), et discursifs s'enchevêtrent pour former une musique où les repères se dissolvent dans le temps. Une dissolution qui permet alors la révélation ou le dévoilement de plans sonores inattendus, textures et grains cachés mais inhérents aux sources utilisées.

Sur la seconde face, JL n'utilise presque plus que du matériel d'origine musicale. De la musique savante à de la pop (Blinded by the light de Manfred Mann). De la même manière, en créant un nouveau contexte musical, JL anéantit les codes et le sens propres à ces morceaux pour en faire une œuvre personnelle et originale, une œuvre qui jette une lumière nouvelle (et drôle) sur la matière sonore manipulée, et en révèle des textures, des propriétés sonores, des ambiances qu'on aurait jamais pu soupçonner avant l'intervention et le travail de ce génie de la manipulation de la perception.

Evan Parker - Vaincu. Va!

EVAN PARKER - Vaincu. Va! (Western Front, 2013)
L’organisation canadienne Western Front marque son quarantième anniversaire par l'édition d'une de ses nombreuses archives. Et elle n'a pas choisi la moindre, puisqu'il s'agit d'une édition vinyle d'un concert solo d'Evan Parker enregistré sur bandes en 1978, à Vancouver.

Tout commence avec des attaques brusques suivies de glissando - comme si Evan Parker testait l'acoustique de la salle de concert, testait l'interaction entre l'espace et son saxophone soprano. Il ne lui faudra pas plus de quelques secondes pour apprivoiser le lieu. Très vite, le saxophoniste britannique se lance dans une longue improvisation monolithique et linéaire, basée sur la respiration continue et les possibilités polyphoniques du soprano. Durant ce live, très dense et intense comme souvent chez EP, ce dernier prend tout de même le temps de s'arrêter quelquefois sur des boucles mélodiques, des mélodies polyphoniques comme nous en resservira Colin Stetson, mais quelques trente ans plus tard...

Ces bribes de mélodies, ces cycles hallucinés, blocs envoûtants qui surgissent parfois du long flux d'EP avant de s'y engouffrer sans même qu'on ait eu le temps de s'en rendre compte; ces mélodies donc, si elles conservent la même intensité que le reste de l'improvisation et le même caractère non-idiomatique, permettent d'aérer et d'apaiser cet enregistrement, du reste très nerveux, agressif et tendu. Car durant cette grosse demi-heure, les respirations sont rares, et quand il y en a, c'est que les idées, trop rapides et nombreuses, ne peuvent plus se percevoir qu'avec l'aide du silence et de la respiration, sans quoi on tomberait dans une fusion d'idées chaotiques.

Mais ces silences et ces esquisses mélodiques ne sont pas le plus important à mon goût même si ils facilitent l'écoute et font de ce disque une très bonne introduction au travail en solo d'EP. Ce qui m'impressionne beaucoup chez ce dernier - comme chez la plupart des musiciens que j'admire le plus, de Coltrane à Bismillah Khan, en passant par Keith Rowe et Michael Pisaro - c'est cette faculté de toujours faire la même chose en se renouvelant constamment. Durant ce livre (mais ceci s'applique aussi à l'ensemble de ses enregistrements), EP se propulse le long d'une trajectoire unifiée, riche et dense, il s'y propulse corps et âme en conservant toujours la même intensité. Une intensité maintenue très haut, jamais rompue, et qui permet de relier tous les évènements qui se déroulent durant ce concert.

Avec ses innombrables et subtiles techniques étendues (qui passent aussi bien par la respiration continue, que par des variations des doigtés, du flux respiratoire, de la position de la langue, des lèvres, etc.), EP a bouleversé l'histoire du saxophone et des instruments monophoniques. En solo, exercice périlleux auquel il s'est souvent adonné avec plaisir, sa virtuosité n'en ressort que mieux. Mais aussi et surtout son énergie et sa corporalité (mises ici en avant par une prise de son très rapprochée), bref son individualité. Les enregistrements d'EP sont déjà nombreux aujourd'hui (y compris ses solos), et un de plus peut ne pas forcément paraître nécessaire. Pourtant ce témoignage supplémentaire me paraît encore une fois essentiel, notamment du fait qu'EP atteignait à cette période son plus haut degré de virtuosité tout en continuant de rechercher une voix et de l'explorer à travers ces longs cris hallucinants. Recherche, maturité, sagesse et fougue étaient au rendez-vous : hautement recommandé!

[présentation, informations, extrait: http://front.bc.ca/events/evan-parker-concert-and-lp-launch/]
(disponible en france et en europe chez metamkine)

HATI & Z'EV - Collusion

HATI & Z'EV - Collusion (Idiosyncratics, 2013)
HATI (un jeune  duo polonais de percussionnistes formé de Rafał Iwański et Rafał Kołacki) et le batteur kabbaliste Z'EV signent leur troisième rencontre sur disque avec Collusion. Chacun des musiciens présents semble intéressé par les phénomènes de transe, d'hypnose, de possession, mais aussi par le mysticisme, la contemplation, et le fétichisme rituel du son. Avec ce bagage, les trois musiciens prennent leurs instruments (très majoritairement percussifs, hormis un pipeau) en main et nous proposent un voyage "transcendantal" via la richesse des spectres harmoniques. 

Du gong aux cymbales en passant par des toms basses et des crotales, tous les instruments sont globalement dotés d'une grande richesse harmonique. Sur une pulsation et des à l'intérieur de cycles réguliers, HATI et Z'EV déploient toute la richesse de ces spectres, les superposent en une sorte de nuage sonore aux allures atemporelles et magiques. Ce n'est pas chaotique: les couches se superposent en se laissant de la place, chacun respecte une pulsation établie et des cycles rituels, ni virtuose: les trois musiciens jouent beaucoup sur la répétition à une pulsation moyenne-rapide. Je ne sais pas dans quelle mesure cette musique est écrite ou improvisée (est-elle le fruit des recherches de Z'EV sur la kabbale?), comme dans les musiques rituelles, dans les musiques de transe de possession notamment, la structure semble tout de même établie selon des codes tacites immémoriaux, et c'est à chacun de jouer à l'intérieur de ces codes et de cette structure. Musique liturgique dédiée à elle-même, à moins que ce ne soit de la musique animiste, une ode à l'univers et au son. En tout cas, la musique de Z'EV et Hati semble réflexive au sens où elle semble avant tout dédiée à elle-même.

Un voyage percussif au pays des spectres et des harmoniques, des pulsations hypnotiques et de la contemplation sonore. Conseillé.

netlabels [jamie drouin/lance austin olsen, zveep]

Je n'ai pas vraiment l'habitude de m'attarder sur les publications digitales et sur l'activité des netlabels en général (fétichisme de l'objet oblige...). Mais quelques publications récentes et gratuites (sans aucun rapport l'une avec l'autre) méritent quand même l'attention.

JAMIE DROUIN & LANCE AUSTIN OLSEN - A Drawn Horizon (Infrequency Editions, 2013)
Avec A drawn horizon, le duo canadien Jamie Drouin (synthétiseur analogique) & Lance Austin Olsen (électronique) propose un univers riche, ambivalent, et original. Un synthétiseur analogique et de l'électronique pour une musique qui oscille entre les influences du drone et du minimalisme par ses aspects statiques, mais qui lorgne aussi vers le réductionnisme pour son approche exploratrice et calme. Les deux parties de cette publication sont constituées de deux strates : un synthétiseur effacé et lointain qui produit des fréquences simples, discrètes, répétitives et hypnotiques, quand elles ne sont pas statiques. Et par dessus, des objets amplifiés, enregistrés de manière très proche cette fois (par opposition aux nappes lointaines du synthé), même si les deux strates sont à peu près au même niveau. La distance et la proximité semblent s'opposer mais s'unifient dans une volonté commune d'explorer la physicalité des signaux sonores, que ce soit un larsen ou l'amplification de métaux frottés.

Deux parties calmes et lentes, qui n'évoluent que très sensiblement, mais qui prennent le temps nécessaire à la perception complète de chaque blocs sonores qui structurent ces pièces. Drouin & Olsen adoptent des formes claires et simples qui permettent un compromis intéressant entre l'improvisation et la composition électroacoustique. Mais qui permettent surtout une perception très sensible et contemplative de chaque phénomène sonore représenté. Très bon travail.

http://www.infrequency.org/IN019.html

zVeep - Live at Kobe (suRRism-Phonoethics, 2013)
J'ai déjà chroniqué plusieurs disques de zVeep ici même, un jeune trio composé des membres fondateurs du collectif XoNdZf. Et comme je l'ai déjà signalé, il ne s'agit pas d'une musique foncièrement originale. vee Reduron (guitare), dom Dubois Taine (synthétiseur analogique, électronique) et tiri Carreras (batterie) font de l'improvisation libre qui lorgne sur le free rock et le free noise. De l'improvisation intense, puissante et saturée comme j'en ai déjà entendu pas mal. Ceci-dit, zVeep fait partie de ces groupes que je recommanderais volontiers à quiconque souhaite découvrir ces musiques. Pour leur virtuosité et leur puissance certes, mais surtout pour leur énergie qui semble inépuisable, ainsi que pour la joie qu'ils semblent investir dans chacune de leur représentation.

Bonheur de jouer, de dialoguer et d'improviser entre eux, de perpétuer une "tradition" (l'eai et l'efi), de chercher à se renouveler et de renouveler cette dernière, et surtout de partager. zVeep s'investit dans sa musique de manière viscérale, avec passion, pour une musique fraîche, puissante et décomplexée. Interactions serrées et organiques pour quatre improvisations toujours délurées.

http://surrism.phonoethics.com/release/zveep-live-at-kobe/

Chris Abrahams - Memory Night

CHRIS ABRAHAMS - Memory Night (Room40, 2013)
Avec ces quatre compositions électroacoustiques, Chris Abrahams s'écarte radicalement des explorations soniques du synthétiseur DX-7, comme des séquences hypnotiques utilisées au piano dans The Necks. Principalement composées sur ordinateur et à l'électronique, ces quatre pièces usent également volontiers du piano. Un piano préparé où les cordes sont frottées comme sur la première pièce, quand ce n'est pas une improvisation modale sur un fond sonore aux allures dub. Un mélange subtil et raffiné où instruments et boucles numériques se côtoient avec délicatesse et subtilité.

Memory Night n'a rien de l'improvisation expérimentale, qu'elle soit libre, non-idiomatique ou électroacoustique. Toutes les pièces sont clairement structurées et les idiomes sont utilisés avec abondance. Que ce soit un solo de piano modal, des scratch hip-hop, des boucles dub, des nappes proches de l'ambient et de l'abstract hip-hop, Chris Abrahams navigue sur des eaux connues oui, mais avec un navire très personnel. Il y a toujours des repères auxquels s'accrocher, des codes musicaux connus, mais le pianiste et compositeur les arrange d'une manière personnelle, au sein d'une ambiance plutôt sombre et intimiste. Carnets de bords d'un voyage nocturne au sein des goûts de ce musicien australien qui n'a pas fini de me surprendre.

Quatre compositions personnelles et singulières qui s'écoutent avec une certaine facilité, une facilité parfois déconcertante même. Chris Abrahams propose une sorte de musique qui pourrait ressembler à de l'idm lente, ou à du dub improvisé, ou encore à de l'eai mélodique et pulsé, à moins que ce ne soit rien de tout ça, juste une œuvre personnelle et singulière, intime et originale. En tout cas, même si l'aspect accrocheur et la propreté impersonnelle des nappes synthétiques me rebutent par moments, je reste admiratif devant la finesse avec laquelle séquences numériques et jeux instrumentaux s'équilibrent et se côtoient sans opposition, avec quel raffinement ils se mélangent sans s'imiter. Mais aussi devant la singularité de ces univers sonores improbables et inattendus.


utilisation instrumentale d'objets non-musicaux [adam asnan, olaf hochherz, gregory büttner, osvaldo coluccino]



Autant inspirées de la musique concrète, que des field-recordings, de l’art et des installations sonores, de la musique lo-fi ou de l’improvisation dite réductionniste, de nouvelles pratiques apparaissent chaque jour autour des objets. Objets fétiches, objets quotidiens, objets domestiques, objets traités par l’électronique, objets acoustiques. Si le répertoire instrumental et électroacoustique paraît s’essouffler, les pratiques musicales ne sont pas en reste, tout un univers sonore est encore à explorer avec ces nouvelles pratiques : je pense inévitablement à Ryu Hankil et sa machine à écrire, Atsuhiro Ito et ses néons, Gill Arnò (alias mpld) et ses rétroprojecteurs, Osvaldo Coluccino et Lali Barrière pour leurs objets quotidiens, etc.

ADAM ASNAN – FBFC (1000füssler, 2013)

Sur le label allemand 1000füssler dirigé par le musicien Gregory Büttner, une série de trois mini-Cd consacrée à ces pratiques vient justement de paraître. FBFC, par exemple, est une composition d’Adam Asnan centrée sur l’amplification du couvercle d’une pellicule 35mm – travail qui n’est pas forcément sans rappeler celui de mpld. Je n’avais encore jamais entendu ce musicien, mais un artiste prometteur s’annonce avec cette suite. Des battements réguliers semblables à des hélices d’hélicoptère, quelques larsens, des couleurs métalliques et industrielles, ainsi qu’une approche percussive ressortent clairement de l’ensemble de ces quatre pièces. Si aucun élément instrumental n’est mis en jeu ici, on croirait souvent entendre la peau d’une grosse caisse, et les formes utilisées sont souvent linéaires comme dans beaucoup de pièces réductionnistes. Adam Asnan, musicien issu de la musique concrète, exploite son couvercle comme un instrument, et explore ce matériau de manière plus musicale que bruitiste. Il s’agit de composer avec ce matériau issu du cinéma, pour en faire non un « cinéma pour l’oreille » mais bien une pièce musicale, qui s’apparente plus à de la musique instrumentale qu’autre chose. Très bon travail, j’attends d’en écouter d’autre avec impatience. 


OLAF HOCHHERZ – Rooms to carry books through (1000füssler, 2013)
Dans une veine similaire, Olaf Hochherz tente lui aussi de créer de la musique à partir d’une source sonore extérieure au domaine musical. Rooms to carry books through est une pièce de vingt minutes fondée sur une source sonore plus qu’incongrue, un livre, objet silencieux par excellence... C’est aguichant, étonnant et surprenant dans l’idée peut-être, mais à vrai dire, je ne suis pas sûr qu’une absence de sources sonores aurait changé grand-chose à cette pièce. Le livre est relié à tout un système de dix enceintes et de microphones piézoélectriques qui génèrent un larsen modifié par la pression exercé sur le livre. Il s’agit donc bien plus ici d’une exploration des champs piézoélectriques que des propriétés sonores d’un livre. En résulte une pièce très électrique et abrasive, improvisation granuleuse aux sonorités primitives et lo-fi. Ça grince, ça couine, ça pète, musique défectueuse et parasitaire, improvisation basée sur le bricolage et le bruit. Pas exceptionnel, mais j’aime plutôt bien ce côté simple et archaïque, ainsi que l’énergie avec laquelle l’instrument est utilisé.


GREGORY BÜTTNER – Scherenschnitt (1000füssler, 2013)


Le dernier disque de cette série est une pièce intitulée Scherenschnitt, extraite d’une installation sonore éponyme de Gregory Büttner. Une pièce très courte (dix minutes) basée en partie sur des objets (papiers, cartons, ciseaux et cutter) mais surtout sur une action (le découpage). Gregory Büttner a placé ses micros très très près des objets pour pénétrer au mieux le phénomène sonore. Une exploration sonore profonde du découpage, assez proche de la musique concrète. Car hormis quelques effets de delay, de réverbération, et d’amplification après la performance, le son est projeté tel quel. On reconnaît très bien les actions. Des découpages qui arrivent par assauts et par vagues. On peut percevoir la volonté de recherche assez minutieuse à travers le renouvellement constant des couleurs, Büttner ne lésine pas sur l’exploration et développe perpétuellement de nouveaux timbres avec de nouveaux matériaux toujours très proches. La construction est simple, une succession de vignettes sonores, mais du fait de la courte durée aussi, ce renouvellement perpétuel attise la curiosité et maintient l’attention. On a envie de connaître toutes les possibilités sonores de ce matériel et de cette action. Et on n’est vraiment pas déçu face à ce que propose Büttner au cours de ces dix minutes – format idéal pour un champ d’investigation si réduit. Conseillé.


OSVALDO COLUCCINO – Oltreorme (Another Timbre, 2013)


Je finis cet article sur les objets sonores avec Oltreorme, une suite de quatre pièces pour objets acoustiques d’un musicien italien qui avait déjà sorti un disque sur ce principe l’année dernière : Osvaldo Coluccino. Durant cinq mois, cet artiste a enregistré et composé quatre pièces acoustiques à partir d’objets frottés, frappés, caressés, percutés, etc. Aucun instrument n’est utilisé, mais l’approche de Coluccino est plutôt instrumentale, les sonorités tendent à se rapprocher des percussions le plus souvent, voire des cuivres sur la dernière partie. Sur les notes du disque, Osvaldo Coluccino recommande d’écouter ce disque à volume normal, voire bas, dans un environnement le plus silencieux possible. Effectivement, les sons ont tendance à être imperceptibles, ils passent comme des ombres fugitives qu’on peine souvent à percevoir. L’univers d’Oltreorme est instable, fantomatique et au-delà du réel. Même si ce sont des objets usuels et quotidiens qui sont utilisés tout du long, et de manière brute en plus, on n’arrive pas à se les représenter, pas plus qu’on ne parvient à se figurer la forme dans laquelle ils s’inscrivent. Une musique très ténue en somme, qui se fond dans l’environnement tout en s’en détachant, on ne sait plus si les sons proviennent des enceintes ou de l’environnement, la distinction est souvent imperceptible et le disque parvient même à se faire oublier par moments. Tout est affaire d’écoute, d’attention et de perception. Une expérience vraiment originale basée sur des textures uniques. Dans mon souvenir, je trouvais déjà le précédent disque de Coluccino assez inaccessible à cause de ces timbres trop abstraits et rudes, mais en fait, plus que difficile, Oltreorme est déroutant. A cause notamment de cette distinction qui s’efface entre l’univers musical abstrait et l’univers environnant concret. En plus de donner une vie musicale à des objets non-musicaux, Coluccino efface – de manière musicale - la distinction entre la projection sonore et son environnement, pratique radicale inspirée de la philosophie de Cage. Je ne suis pas sûr « d’aimer » ce disque, mais rien que pour l’aspect très déroutant et perturbant de l’expérience, je le conseille.

Informations, présentations, extraits, chroniques, interview

OLAF HOCHHERZ – Rooms to carry books through: http://www.1000fussler.com/seiten/reviews/reviews_olaf_hochherz.html
OSVALDO COLUCCINO – Oltreorme: http://anothertimbre.com/oltreorme.html