Avant de passer aux albums plus récents parus sur Creative Sources, je finis cette rétrospective Ernesto Rodrigues avec un dernier quatuor datant de 2009. Quatuor presque traditionnel si ce n'est que le violon est ici remplacé par la guitare acoustique du britannique Neil Davidson. Mais hormis ce léger écart à la tradition, on retrouve toujours Ernesto à l'alto, son fils Guilherme au violoncelle, et Hernâni Faustino à la contrebasse. Parmi ces cinq productions d'Ernesto datant de 2006 à 2009, Fower est certainement ma préférée après le fantastique Drain, ce qui m'amène à conclure que l'exclusivité des instruments à cordes (car Drain était un trio pour cordes) est certainement ce qui réussi le mieux à cette musique si particulière.
On a ici trois pièces, mais c'est la première, "heuch", qui occupe plus de la moitié de la durée du disque. Durant cette improvisation, le premier principe du quatuor est comme toujours d'agencer des textures, et pour ce faire, les quatre musiciens n'hésitent pas à retourner leurs instruments et leurs techniques dans tous les sens. Des double-cordes sont frénétiquement répétées, les instruments sont percutées à même le corps boisé, ou sur le chevalet, le crin des archets est autant utilisé que le bois de ce dernier, les cordes de la guitare sont actionnés par un objet motorisé pour en faire un bourdon, les harmoniques crissent, les basses du bois et des registres extrêmes envoûtent par leur rondeur. Si la musique du quatuor ressemble le plus souvent à un drone homogène, elle n'en est pas moins vivante et mouvementée, différentes nappes se succèdent, des nappes bruitistes, des nappes faites d'harmoniques, des nappes rythmiques; les drones peuvent aussi bien être agressifs, minimalistes, rythmiques, calmes, etc. Même si la plupart de l'improvisation est jouée à l'archet et si le son collectif est plutôt homogène, il y a de nombreux reliefs, des aspérités incessantes, des "accidents" souvent heureux, tels les pizzicato énergiques qui concluent cette pièce. On est plus envoûté que lassé par cette musique qui accentue les timbres et les textures avant tout, mais n'est pas sans accorder une grande importance aux variations d'intensité et de puissance.
Les deux dernières pièces, "haugh" et "hume", ne s'éloignent pas de cette lignée entamée par "heuch". On entend toujours les cordes motorisées de Davidson, les archets sur la touche ou sur le chevalet, des staccatos effrénés et abrasifs. La seule différence provient surtout de la durée des pièces, le fait qu'elles soient beaucoup plus courtes accentuent les différences d'intensités et cette variable prend alors une importance plus consistante, voire essentielle. D'un instant à l'autre, on peut passer d'un léger bruit blanc très faible à un mur de bourdons exceptionnellement puissant et grinçant. Les transitions sont tout de même très maîtrisées, il n'y a pas de rupture entre les différentes phases, mais le contraste est tout de même plus flagrant du fait d'une importance plus négligée aux développements des différentes textures et des nappes successives.
Un disque exceptionnellement intense pour ce genre d'improvisation, Fower sait en effet manier les contrastes d'intensités, les différentes formes de tension et de puissance, ainsi que les relations entre ces éléments, mais aussi, et surtout, toute l'étendue sonore des instruments de ces cordes maîtrisées avec une virtuosité ahurissante. Trois improvisations pour quatuor à cordes, où chaque instrumentiste paraît avoir très bien intégré la gestion des tensions et des intensités mises en application dans la musique savante, la radicalité de l'improvisation libre européenne, la puissance du free jazz et la virtuosité du réductionnisme. Un album intense et éprouvant, puissant et contrasté, aventureux en somme, sans tomber dans le formalisme. Recommandé!
Tracklist: 1-heuch / 2-haugh / 3-hume
Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos, Andrew Drury - Eterno Retorno (Creative Sources, 2009)
Eterno Retorno, c'est Ernesto
Rodrigues toujours à l'alto, avec son fils Guilherme au violoncelle,
le fidèle Carlos Santos à l'électronique, et Andrew Drury aux
percussions. Etrange référence à Nietzsche, car pour une fois, la
musique de ce quartet est presque pulsée, du fait des percussions
d'un côté, mais également de notes répétées frénétiquement
aux cordes. Les quatre improvisations qui forment Eterno Retorno
sont, contre toute attente, placées sous le signe d'une pulsation
sous-jacente et implicite contrairement aux improvisations beaucoup
plus texturales auxquelles nous ont habitués ce collectif
d'improvisateurs, portugais pour la plupart.
Street Food, la pièce qui ouvre le
bal, nous plonge directement dans un territoire agressif et
énergique. Cordes et peaux sont frottées avec virulence, quand
elles ne sont pas violemment percutées, et Carlos Santos n'hésite
pas à en rajouter une couche avec des envolées analogiques
intenses. Une improvisation extrêmement énergique, basée sur une
intensité constamment soutenue et une atmosphère saturée, une
ambiance d'une violence plus proche de la noise que de
l'improvisation électroacoustique. Superbe. C'est ensuite que les
choses se gâtent, l'espace se fait plus aéré, les interventions
sont plus discrètes et plus douces. Il y a une bonne écoute entre
les musiciens certes, mais le manque de relief et d'intensité, cette
linéarité, produisent plus une sensation de lassitude et d'ennui
que de tension. J'ai beau écouté et réécouté ce disque, pas
moyen d'accrocher à toutes petites interventions discrètes et
délicates qui ne font pas sens. Le dialogue est équilibré et sensé
entre les musiciens certes, mais aucune forme ne surgit, l'intensité
reste la même, et c'est un sentiment de monotonie qui finit par
prendre le dessus.
Globalement, il y a une très bonne
homogénéité dans le son de groupe, chacun sait se confondre ou se
plonger dans le collectif, et les réponses sont souvent justes. Le
problème vient surtout d'une trop grosse linéarité qui paraît
avoir du mal à s'assumer. Tout le contraire de cette première pièce
incroyable, cette pièce puissante et pleine de relief, qui ne laisse
pas présager cette suite décevante. Ceci-dit, il y a tout de même
quelques moments de tensions réussis (notamment sur la troisième pièce: Adamant Distances), où l'intensité est assez
soutenue par rapport au reste des improvisations, mais la plupart du
temps, c'est quand même une trop grande linéarité qui règne. Un disque auquel je suis assez indifférent... très mitigé.
Tracklist: 1-Street Food / 2- Good Dog, Cookie / 3-Adamant Distances / 4-Many Happy Returns
Ferran Fages - Llavi vell (L'innomable, 2011)
Publié par le label slovène L'innomable (le catalogue commence à devenir vraiment impressionnant), Llavi vell est une composition du guitariste espagnol Ferran Fages, il s'agit d'une seule pièce, où sont utilisés une guitare, des micro-contacts et des enceintes. Je ne sais pas à quoi peut ressembler la partition, peut-être que la pochette en représente des extraits, en tout cas, il ne s'agit certainement pas d'une portée, sinon elle ne pourrait qu'être saturée de notes indistinctes.
Car Llavi vell est avant tout une masse sonore de 45 minutes, une "masse fluide" comme le dit Ferran, qui peut facilement faire penser aux mouvements océaniques. Le mouvement de l'archet paraît être régulier et précis, mais le fourmillement d'harmoniques fait toujours la différence entre chaque aller et chaque retour de l'archet. Différence et répétition? Il ne s'agit pas de musique répétitive pour autant, la masse est comme informe, et même si elle peut paraître statique au premier abord, il y a toujours du mouvement, un mouvement pas franchement perceptible certes, très discret et sensible, mais toujours présent. Une masse sonore océanique, dont l'éternel mouvement est constamment différencié par des aspérités physiques ou des accidents météorologiques. Jamais une guitare acoustique n'aura produit une masse sonore aussi puissante et riche que Llavi vell, Ferran Fages a su ici en déployer une richesse encore insoupçonnée, en produisant à partir de cet instrument un mur de son aussi étendu que dans une performance noise électronique. Sauf que l'utilisation de la guitare acoustique comme base matérielle à cette masse sonore apporte une touche de finesse, de rondeur subtile, et de sensibilité chaleureuse, qu'aucun moyen technologique numérique n'aurait pu produire. Toute la beauté de Llavi vell repose en effet sur le mélange de ces deux aspects: l'intensité et la puissance d'une masse compacte, puis la finesse harmonique et la chaleur de l'instrument acoustique. D'un côté, Ferran exploite l'accumulation des sons jusqu'à la saturation pour obtenir une masse compacte et intense, une forme pachydermique en mouvement, mais il équilibre cette masse en exploitant également toute la richesse des cordes frottées, avec ses harmoniques ornementales et mélodiques qui ressortent sans cesse.
Le mur de son est inquiétant au premier abord, puis le mouvement perpétuel de l'archet rassure, et enfin les harmoniques et les infimes différences qui animent la vie de cette masse peuvent nous bercer tranquillement. Ferran Fages parvient ici à bercer l'auditeur avec une masse sonore imposante et linéaire, il le berce dans un paysage océanique, dans un océan de sons où le temps paraît s'être aboli. Le mouvement prend fin dans un entrecroisement de larsens, ce qui nous prépare au retour dans le temps, à notre sortie de cette esquisse d'éternité. Avec cette composition, Ferran Fages semble renouer avec une tradition musicale où la musique pourrait être la traduction humaine du temps cosmique et des mouvements qui animent ce cosmos. Une pièce intimement connectée aux mouvements de l'univers, à ses mouvements perpétuels, comme à sa temporalité, une forme de temps uniquement déterminée par tel ou tel mouvement. Magnifique!
Car Llavi vell est avant tout une masse sonore de 45 minutes, une "masse fluide" comme le dit Ferran, qui peut facilement faire penser aux mouvements océaniques. Le mouvement de l'archet paraît être régulier et précis, mais le fourmillement d'harmoniques fait toujours la différence entre chaque aller et chaque retour de l'archet. Différence et répétition? Il ne s'agit pas de musique répétitive pour autant, la masse est comme informe, et même si elle peut paraître statique au premier abord, il y a toujours du mouvement, un mouvement pas franchement perceptible certes, très discret et sensible, mais toujours présent. Une masse sonore océanique, dont l'éternel mouvement est constamment différencié par des aspérités physiques ou des accidents météorologiques. Jamais une guitare acoustique n'aura produit une masse sonore aussi puissante et riche que Llavi vell, Ferran Fages a su ici en déployer une richesse encore insoupçonnée, en produisant à partir de cet instrument un mur de son aussi étendu que dans une performance noise électronique. Sauf que l'utilisation de la guitare acoustique comme base matérielle à cette masse sonore apporte une touche de finesse, de rondeur subtile, et de sensibilité chaleureuse, qu'aucun moyen technologique numérique n'aurait pu produire. Toute la beauté de Llavi vell repose en effet sur le mélange de ces deux aspects: l'intensité et la puissance d'une masse compacte, puis la finesse harmonique et la chaleur de l'instrument acoustique. D'un côté, Ferran exploite l'accumulation des sons jusqu'à la saturation pour obtenir une masse compacte et intense, une forme pachydermique en mouvement, mais il équilibre cette masse en exploitant également toute la richesse des cordes frottées, avec ses harmoniques ornementales et mélodiques qui ressortent sans cesse.
Le mur de son est inquiétant au premier abord, puis le mouvement perpétuel de l'archet rassure, et enfin les harmoniques et les infimes différences qui animent la vie de cette masse peuvent nous bercer tranquillement. Ferran Fages parvient ici à bercer l'auditeur avec une masse sonore imposante et linéaire, il le berce dans un paysage océanique, dans un océan de sons où le temps paraît s'être aboli. Le mouvement prend fin dans un entrecroisement de larsens, ce qui nous prépare au retour dans le temps, à notre sortie de cette esquisse d'éternité. Avec cette composition, Ferran Fages semble renouer avec une tradition musicale où la musique pourrait être la traduction humaine du temps cosmique et des mouvements qui animent ce cosmos. Une pièce intimement connectée aux mouvements de l'univers, à ses mouvements perpétuels, comme à sa temporalité, une forme de temps uniquement déterminée par tel ou tel mouvement. Magnifique!
Birgit Ulher, Ernesto Rodrigues, Carlos Santos - Doppelgänger (Creative Sources, 2007)
Publié en 2007, Doppelgänger est un trio électroacoustique qui réunit Ernesto Rodrigues à l'alto, Birgit Ulher à la trompette, ainsi que Carlos Santos au sample en temps réel (live-sampling), et je pense que ce dernier joue le rôle de doppelgänger, c'est-à-dire le double (maléfique ou bénéfique) des musiciens, l'ombre fantomatique qui les poursuit et surtout, les soutient. Pendant cinquante minutes, les trois musiciens originaires d'Allemagne et du Portugal proposent six improvisations où les textures acoustiques sont constamment remaniées et réinterprétées par Carlos.
Tout d'abord, comme au fondement, nous avons les textures instrumentales, toutes les potentialités sonores et techniques propres au violon et à la trompette sont déployées dans toute leur étendue. Le son du cuivre, des pistons, de l'air, les différentes attaques possibles et les jeux d'embouchures, de positionnement de la langue et des lèvres, sont diversement utilisés par Birgit. De son côté, Ernesto explore le violon dans sa matérialité même, bois, cordes, chevalet, cordier, sont frottés doucement ou violemment, le timbre est brut et les sonorités variées, toutes sortes de modes de jeux sont utilisés: l'archet rebondit, caresse ou racle l'alto, les cordes sont finement pincées ou le pizzicato se fait agressif, etc. Ces deux univers sonores s'emmêlent inextricablement, une grande attention est requise pour distinguer les différents timbres et les sources sonores. Car en plus, de son côté, Carlos en rajoute une couche en samplant ces deux univers pour en former un troisième, encore plus intimement entremêlé aux deux autres, le tissage et l'assemblage sonore se fait alors encore plus étroit et intime. Chaque phénomène sonore se trouve prolongé, un écho omniprésent constitue une nouvelle nappe qui soutient et maintient la connexion entre chacun. Comme dans l'excellent duo Butcher/Durrant, le sample se fait d'un côté extrêmement original et humain grâce à son matériau de base spontané et acoustique, et d'un autre côté, il constitue une surface interactive qui explose les frontières des instruments, qui déploie hors de toutes limites les possibilités techniques et sonores des instrumentistes.
A l'image de la photo d'Ernesto, le paysage est vaste, minimal, avec des traversées abrasives (route) et escarpées (relief), tout en restant humain (prairies, milieux naturels de l'homme). La connexion entre les trois musiciens est surprenante tellement elle est intime, et la délicatesse comme la sensibilité au son collectif autant qu'à ses variations et développements, aussi infimes et minimes soient-ils, sont constamment de mises. Six improvisations qui agencent des textures savamment, avec poésie et ingéniosité, dans une symbiose puissante et intense. Un album à écouter fort, qui demande quelque effort avant l'immersion, mais dont le voyage peut facilement ravir et surprendre.
Tracklist: 1-The iddle class / 2-The one / 3-Welt am draht / 4-The third man / 5-Face/Off / 6-Johnny Stecchino
Tout d'abord, comme au fondement, nous avons les textures instrumentales, toutes les potentialités sonores et techniques propres au violon et à la trompette sont déployées dans toute leur étendue. Le son du cuivre, des pistons, de l'air, les différentes attaques possibles et les jeux d'embouchures, de positionnement de la langue et des lèvres, sont diversement utilisés par Birgit. De son côté, Ernesto explore le violon dans sa matérialité même, bois, cordes, chevalet, cordier, sont frottés doucement ou violemment, le timbre est brut et les sonorités variées, toutes sortes de modes de jeux sont utilisés: l'archet rebondit, caresse ou racle l'alto, les cordes sont finement pincées ou le pizzicato se fait agressif, etc. Ces deux univers sonores s'emmêlent inextricablement, une grande attention est requise pour distinguer les différents timbres et les sources sonores. Car en plus, de son côté, Carlos en rajoute une couche en samplant ces deux univers pour en former un troisième, encore plus intimement entremêlé aux deux autres, le tissage et l'assemblage sonore se fait alors encore plus étroit et intime. Chaque phénomène sonore se trouve prolongé, un écho omniprésent constitue une nouvelle nappe qui soutient et maintient la connexion entre chacun. Comme dans l'excellent duo Butcher/Durrant, le sample se fait d'un côté extrêmement original et humain grâce à son matériau de base spontané et acoustique, et d'un autre côté, il constitue une surface interactive qui explose les frontières des instruments, qui déploie hors de toutes limites les possibilités techniques et sonores des instrumentistes.
A l'image de la photo d'Ernesto, le paysage est vaste, minimal, avec des traversées abrasives (route) et escarpées (relief), tout en restant humain (prairies, milieux naturels de l'homme). La connexion entre les trois musiciens est surprenante tellement elle est intime, et la délicatesse comme la sensibilité au son collectif autant qu'à ses variations et développements, aussi infimes et minimes soient-ils, sont constamment de mises. Six improvisations qui agencent des textures savamment, avec poésie et ingéniosité, dans une symbiose puissante et intense. Un album à écouter fort, qui demande quelque effort avant l'immersion, mais dont le voyage peut facilement ravir et surprendre.
Tracklist: 1-The iddle class / 2-The one / 3-Welt am draht / 4-The third man / 5-Face/Off / 6-Johnny Stecchino
Gust Burns, Ernesto Rodrigues, Vic Rawlings, David Hirvonen - Refrain (Creative Sources, 2007)
Refrain rassemble quatre musiciens plus ou moins connus, instrumentistes acoustiques et expérimentateurs électroniques internationaux. Gust Burns (piano) a déjà joué avec Stéphane Rives, Keith Rowe, Malfatti et d'autres, et a également été le directeur du Seattle Improvised Music Festival jusqu'en 2011. Je ne présente pas le second, Ernesto Rodrigues, violoniste qui dirige le label Creative Sources. Il y a ensuite Vic Rawlings (violoncelle amplifié, surfaces électroniques, loudspeakers), peu connu lors de cet enregistrement de 2007, il commence à se faire une réputation notamment depuis ses collaborations avec Greg Kelley, Bhob Rainey ou Mazen Kerbaj. Je n'ai jamais entendu parler du dernier musicien de cette formation, David Hirvonen (guitare électrique, électronique), et je n'ai pas non plus d'autres informations sur lui à part celles relatives à ce disque.
Comme sur de nombreuses productions du label portugais, ce quartet agence avant des textures (vous risquez de souvent cette expression...), des nappes froides et tendues, calmes et grinçantes. Les quatre musiciens produisent des drones qui se frottent sans s'assembler, des drones abrasifs et mouvants, aux frontières du bruit et du silence, de l'acoustique et de l'électronique. Quelques larsens, des touchés agressifs au piano, des sons électroniques simples, des micro-contacts effleurés et le bois du violon frotté forment les matériaux de base de ces textures. Il n'y a pas vraiment d'homogénéité sonore, les quatre musiciens préservent leur individualité à l'intérieur d'un timbre spécifique qui ne colle jamais avec les autres. L'ambiance est brumeuse, calme, et surtout, insensée. Aucune structure ne se dégage, seuls des timbres surprenants et créatifs émergent parfois, mais j'ai eu beaucoup de mal à apprécier cette pièce qui m'a laissé assez indifférent. Seule la fin de ces 25 minutes m'a paru fonctionner, l'atmosphère se tend à ce moment, devient plus violente et puissante, plus forte et intense, et le son global tend à s'homogénéiser, aspire à la symbiose, avant de retomber dans un silence numérique qui laissera place à une coda pas forcément utile.
Comme sur de nombreuses productions du label portugais, ce quartet agence avant des textures (vous risquez de souvent cette expression...), des nappes froides et tendues, calmes et grinçantes. Les quatre musiciens produisent des drones qui se frottent sans s'assembler, des drones abrasifs et mouvants, aux frontières du bruit et du silence, de l'acoustique et de l'électronique. Quelques larsens, des touchés agressifs au piano, des sons électroniques simples, des micro-contacts effleurés et le bois du violon frotté forment les matériaux de base de ces textures. Il n'y a pas vraiment d'homogénéité sonore, les quatre musiciens préservent leur individualité à l'intérieur d'un timbre spécifique qui ne colle jamais avec les autres. L'ambiance est brumeuse, calme, et surtout, insensée. Aucune structure ne se dégage, seuls des timbres surprenants et créatifs émergent parfois, mais j'ai eu beaucoup de mal à apprécier cette pièce qui m'a laissé assez indifférent. Seule la fin de ces 25 minutes m'a paru fonctionner, l'atmosphère se tend à ce moment, devient plus violente et puissante, plus forte et intense, et le son global tend à s'homogénéiser, aspire à la symbiose, avant de retomber dans un silence numérique qui laissera place à une coda pas forcément utile.
Tetuzi Akiyama & Takuji Kawai - Transition (Ftarri, 2011)
Depuis une dizaine d'années surtout, deux tendances ont fortement marquées les musiques improvisées et expérimentales, ainsi que certains compositeurs, le mouvement japonais Onkyo mais aussi la scène dite "réductionniste". Ces deux tendances se croisent dans plusieurs grandes personnalités comme Toshimaru Nakamura et Taku Sugimoto (avec qui Akiyama a souvent collaboré) ou encore Sachiko M pour ne citer que les plus connus; et c'est au Japon que leur influence est certainement la plus décisive et la plus fertile même si elle s'étend au-delà (en Europe et en Amérique à travers le collectif Wandelweiser par exemple). Le guitariste Tetuzi Akiyama ainsi que le pianiste Takuji Kawai s'inscrivent tous les deux dans cette lignée, et leur première rencontre publiée par le label japonais Ftarri, Transition, donne au silence et aux textures leurs lettres de noblesse.
Pour ces huit improvisations de durée moyenne, Kawai n'utilise qu'un piano ainsi que quelques préparations (des boulons et du fil) tandis que Tetuzi Akiyama réduit son instrumentation à une simple guitare acoustique qu'il joue la plupart du temps de manière traditionnelle sauf sur une piste où il la prépare. L'espace sonore est très aéré, les interventions sont éparses et les attaques extrêmement soignées, sans faire non plus dans le pointillisme. Chaque phrase jouée par Akiyama et Kawai est produite autant pour ses qualités musicales (construction d'un discours à partir de hauteurs déterminées, mais également et surtout à partir de textures/timbres spécifiques) que pour ses qualités acoustiques et physiques, c'est-à-dire pour sa résonance, l'empreinte qu'une phrase laissera après son attaque, soit la durée et la persistance d'un son dans le silence. Le silence en tant que tel est présent d'une certaine manière, même s'il est toujours orné d'un grain omniprésent (présence fantomatique de la machine enregistreuse ou du support matériel de l'enregistrement), d'une sorte de souffle, mais une place beaucoup plus considérable est accordée à la résonance, à la diffusion et à l'évolution du son dans l'espace comme dans le temps.
A l'écoute de Transition, on a souvent l'impression que deux pôles se superposent. Il y a d'un côté un pôle musical purement intentionnel, qui est la production du son et la construction des textures, des notes, ces phrases souvent arythmiques et atonales, ces fils non-idiomatiques qui se mêlent et tissent un réseau interactif complexe. D'un autre côté, un pôle plus aléatoire, que les musiciens contrôlent plus difficilement, même si une certaine maîtrise reste possible: je pense encore à la résonance. Il y a comme deux phases qui se superposent, s'opposent et sympathisent: la production d'une texture donnée, d'un son spécifique, puis le déplacement et l'évolution de ce son, acceptés et voulus par les instrumentistes, qui laissent tout de même la texture accomplir sa destinée spatiale. Et par moments, ces couches se croisent et s'entremêlent, la production sonore intentionnelle se retrouve traversée par la présence d'une résonance incontrôlable et magnifique.
Fondamentalement assez simples notamment lorsqu'ils sont pris individuellement, les discours de Kawai et Akiyama finissent par se complexifier lorsqu'ils s'entremêlent en un réseau complexe aux fonctions rhizomatiques. Les textures sonores produites par les instruments servent de base organique à une autre couche musicale composée par la résonance physique de Transition, une résonance poétique et fantomatique, libre et exaltée. Très beau!
Tracklist: 1-Continuation / 2-Superposition / 3-Confrontation / 4-Variation / 5-Transmission / 6-Realization / 7-Penetration / 8-Intervention
Pour ces huit improvisations de durée moyenne, Kawai n'utilise qu'un piano ainsi que quelques préparations (des boulons et du fil) tandis que Tetuzi Akiyama réduit son instrumentation à une simple guitare acoustique qu'il joue la plupart du temps de manière traditionnelle sauf sur une piste où il la prépare. L'espace sonore est très aéré, les interventions sont éparses et les attaques extrêmement soignées, sans faire non plus dans le pointillisme. Chaque phrase jouée par Akiyama et Kawai est produite autant pour ses qualités musicales (construction d'un discours à partir de hauteurs déterminées, mais également et surtout à partir de textures/timbres spécifiques) que pour ses qualités acoustiques et physiques, c'est-à-dire pour sa résonance, l'empreinte qu'une phrase laissera après son attaque, soit la durée et la persistance d'un son dans le silence. Le silence en tant que tel est présent d'une certaine manière, même s'il est toujours orné d'un grain omniprésent (présence fantomatique de la machine enregistreuse ou du support matériel de l'enregistrement), d'une sorte de souffle, mais une place beaucoup plus considérable est accordée à la résonance, à la diffusion et à l'évolution du son dans l'espace comme dans le temps.
A l'écoute de Transition, on a souvent l'impression que deux pôles se superposent. Il y a d'un côté un pôle musical purement intentionnel, qui est la production du son et la construction des textures, des notes, ces phrases souvent arythmiques et atonales, ces fils non-idiomatiques qui se mêlent et tissent un réseau interactif complexe. D'un autre côté, un pôle plus aléatoire, que les musiciens contrôlent plus difficilement, même si une certaine maîtrise reste possible: je pense encore à la résonance. Il y a comme deux phases qui se superposent, s'opposent et sympathisent: la production d'une texture donnée, d'un son spécifique, puis le déplacement et l'évolution de ce son, acceptés et voulus par les instrumentistes, qui laissent tout de même la texture accomplir sa destinée spatiale. Et par moments, ces couches se croisent et s'entremêlent, la production sonore intentionnelle se retrouve traversée par la présence d'une résonance incontrôlable et magnifique.
Fondamentalement assez simples notamment lorsqu'ils sont pris individuellement, les discours de Kawai et Akiyama finissent par se complexifier lorsqu'ils s'entremêlent en un réseau complexe aux fonctions rhizomatiques. Les textures sonores produites par les instruments servent de base organique à une autre couche musicale composée par la résonance physique de Transition, une résonance poétique et fantomatique, libre et exaltée. Très beau!
Tracklist: 1-Continuation / 2-Superposition / 3-Confrontation / 4-Variation / 5-Transmission / 6-Realization / 7-Penetration / 8-Intervention
Ernesto Rodrigues / Mathieu Werchowski / Guilherme Rodrigues - Drain (Creatives Sources, 2006)
Cette semaine, j'ai reçu d'Ernesto Rodrigues une bonne dizaine de disques publiés par son label, donc autant vous dire que vous allez en bouffer ces prochains temps. Je pense les chroniquer par ordre chronologique, donc je commence par Drain, un disque publié en 2006 sur lequel on trouve Ernesto au violon alto, Mathieu Werchowski au violon, et Guilherme Rodrigues au violoncelle.
Je n'avais pas écouté ce disque depuis un bon bout de temps, et je me suis vite rendu compte de son caractère inimitable et de sa profonde singularité. A partir d'une formation instrumentale classique, Werchowski et les Rodrigues déploient et explosent les possibilités sonores de cette forme de trio. Les cordes sont pincées, frottées, raclées, caressées, tapotées, brutalisées, tandis que l'étendue atteint les lourds et ronds abysses du violoncelle aussi facilement que les harmoniques les plus stridentes du violon. Explosion de techniques étendues, mais aussi de modes de jeux, qui peuvent passer d'un instant à l'autre d'une forme mélodique ou rythmique à une forme purement bruitiste et timbrale, ainsi qu'à des bourdons ou à des formes percussives.
Ceci-dit, les cordes frottées sont des instruments qui ont déjà été explorés dans tous les sens, à commencer par la musique savante, et ce notamment dans les années 60. Mais ce qui fait que Drain reste encore mémorable et digne d'intérêt cinq ans après sa publication, ce sont surtout les interactions qu'il déploie entre les trois musiciens. Et l'interaction, tout comme les dynamiques, est ce qui semble avoir le plus préoccupé ce trio lors de ces quatre improvisations, plus que l'exploration des instruments à proprement parler. Rodrigues père et fils, et Werchowski, ont su produire des textures extrêmement denses et intenses, des nappes pleines de tension et d'énergie, des nappes constamment mouvantes dont l'évolution est imprévisible (était-ce seulement prévisible pour les musiciens? rien n'est moins sûr). De manière générale, le son est assez homogène, les timbres se rejoignent, mais tout en se frottant, ou en se repoussant, ce qui fait que chaque instrumentiste se distingue clairement au sein d'un son plutôt globalisant. L'Individu au service de la communauté sonore en quelque sorte, les personnalités s'affirment dans leur singularité tout en se soustrayant à l'évolution du groupe. Ce qui fait des différentes textures explorées des univers singuliers où les tensions entre les instruments et les sons se résolvent dans la parfaite cohésion de cette communauté sonore.
En bref, Drain rassemble quatre improvisations étonnamment denses et intenses, mais surtout débordantes d'énergie et de tension. Tension qui se résout comme je le disais dans la cohésion du son collectif; tandis que l'énergie de chacun est quant à elle exacerbée par la communauté des sons. Un disque puissant et original, extrêmement riche tant au niveau des timbres que des compositions de sons, car l'interaction possède ici comme une vertu émancipatrice et exaltante. Hautement recommandé!
Tracklist: 1-Graduation / 2-Light / 3-Metaphor / 4-Solitude
Flo Stoffner - ... And Sorry (Veto, 2011)
Flo Stoffner (Florian de son vrai nom) est un guitariste suisse dont je n'avais jamais entendu parler auparavant même s'il a déjà publié quelques disques, dont un chez Hathut en 2009. Ce jeune musicien propose donc ici son premier disque solo, sur un autre label suisse (moins connu que hathut certes), Veto records.
... And Sorry rassemble neuf pièces de guitare électrique, neuf pièces assez courtes qui durent en tout et pour tout 32 minutes. Stoffner explore tout au long de ces pièces partiellement improvisées des textures produites par des effets aux pédales ou dus aux modes de jeux. Longs drones, tremolos exagérés, sons saturés, mélodies méditatives, textures harsh se succèdent les uns après les autres et différents paysages surgissent ainsi pour former comme une suite de tableaux mentaux, peintures oniriques et intimistes d'un jeune guitariste un peu torturé. Quelques influences noise-rock dans certaines phrases et timbres utilisées, mais ressortent également des influences de la musique improvisée libre notamment dans l'utilisation d'une guitare préparée aux sonorités froides et métalliques. Les paysages sont stables durant chaque pièce mais varient ostensiblement d'un morceau à l'autre: ambiances industrielle, aliénée, contemplative, mélodique, expérimentale; chaque tableau sonore possède ses propres caractéristiques et produit un univers singulier, non pas extérieur à toute influence, mais marqué par des musiques que Stoffner a su assimiler et intégrer à un univers personnel. Car la musique du guitariste suisse est vraiment originale, même si les ambiances musicales ne sont pas sans évoquer des antécédents, leur manipulation est cependant personnelle, car la structure et l'évolution des pièces semblent spontanées et surgir directement des états d'âme de Stoffner, elles ne proviennent pas de codes et de programmes musicaux précis. Une utilisation émotionnelle et organique de codes musicaux déjà-connus.
Neuf pièces variées et personnelles, mais aussi torturées et sensibles, souvent froides et sombres; et qui, la plupart du temps, ne manquent ni de puissance ni d'intensité. Original, intime, simple (Stoffner ne fait pas étalage de virtuosité technique ou compositionnelle), ... And Sorry est un album marqué par une grande sensibilité, une modestie profonde, mais également par un grand respect envers les musiques qu'il s'approprie (que ce soit la noise, le post-rock, le métal ou la musique improvisée).
Tracklist: 1-Straight lost / 2-Lurch / 3-p.h.s. / 4-Low punch / 5-Tingle / 6-Thank you for the axe... / 7-... and sorry / 8-Wrong door / 9-Oh my God, it's so marvelous
... And Sorry rassemble neuf pièces de guitare électrique, neuf pièces assez courtes qui durent en tout et pour tout 32 minutes. Stoffner explore tout au long de ces pièces partiellement improvisées des textures produites par des effets aux pédales ou dus aux modes de jeux. Longs drones, tremolos exagérés, sons saturés, mélodies méditatives, textures harsh se succèdent les uns après les autres et différents paysages surgissent ainsi pour former comme une suite de tableaux mentaux, peintures oniriques et intimistes d'un jeune guitariste un peu torturé. Quelques influences noise-rock dans certaines phrases et timbres utilisées, mais ressortent également des influences de la musique improvisée libre notamment dans l'utilisation d'une guitare préparée aux sonorités froides et métalliques. Les paysages sont stables durant chaque pièce mais varient ostensiblement d'un morceau à l'autre: ambiances industrielle, aliénée, contemplative, mélodique, expérimentale; chaque tableau sonore possède ses propres caractéristiques et produit un univers singulier, non pas extérieur à toute influence, mais marqué par des musiques que Stoffner a su assimiler et intégrer à un univers personnel. Car la musique du guitariste suisse est vraiment originale, même si les ambiances musicales ne sont pas sans évoquer des antécédents, leur manipulation est cependant personnelle, car la structure et l'évolution des pièces semblent spontanées et surgir directement des états d'âme de Stoffner, elles ne proviennent pas de codes et de programmes musicaux précis. Une utilisation émotionnelle et organique de codes musicaux déjà-connus.
Neuf pièces variées et personnelles, mais aussi torturées et sensibles, souvent froides et sombres; et qui, la plupart du temps, ne manquent ni de puissance ni d'intensité. Original, intime, simple (Stoffner ne fait pas étalage de virtuosité technique ou compositionnelle), ... And Sorry est un album marqué par une grande sensibilité, une modestie profonde, mais également par un grand respect envers les musiques qu'il s'approprie (que ce soit la noise, le post-rock, le métal ou la musique improvisée).
Tracklist: 1-Straight lost / 2-Lurch / 3-p.h.s. / 4-Low punch / 5-Tingle / 6-Thank you for the axe... / 7-... and sorry / 8-Wrong door / 9-Oh my God, it's so marvelous
Nate Wooley - [8] syllables (Peira, 2011)
[8] syllables, dernière parution chez Peira, et également ma dernière sélection provenant du label chicagoan, est un album solo du trompettiste de plus en plus renommé Nate Wooley. Pour une fois, le titre de l'album indique véritablement quelque chose sur la nature des compositions, car il s'agit ici pour Nate Wooley de composer des phrases musicales à partir de phonèmes, en adoptant les positions des lèvres, de la bouche et de la gorge sur la trompette même. Première particularité, la seconde est le lieu d'enregistrement, ISSUE Project Room où Nate Wooley était invité en résidence cette année, est une salle où la résonance atteint les sept secondes.
Par rapport au reste du catalogue Peira, [8] syllables fait vraiment figure d'ovni, d'une part parce que c'est un solo complètement écrit et prémédité, mais surtout quant à sa structure et à l'univers musical qui en ressort. Si le trompettiste produit souvent de longs flux mouvants autour d'un pôle instable, à l'aide du souffle continu, en ne s'écartant jamais trop de l'axe sonore initial, des flux souvent très énergiques et puissants, ces phrases sont néanmoins espacées par des silences excessivement longs, des silences extrêmes et radicaux. Il y a une frontalité brutale, une séparation qui ne supporte pas la conciliation, entre les sons produits (longs flux interminables ou très éphémères cris véhéments) qui résonnent et emplissent lentement l'espace qui se sature vite de sons, et les silences interminables et bruts qui ponctuent et structurent cette unique pièce. La confrontation est brutale, extrême et agressive, il y a comme une disjonction exclusive et radicale entre le son et le silence durant ces cinquante minutes.
Côté sonore, Nate Wooley explore toujours les potentialités de la trompette, et fait sensiblement varier ses sonorités en utilisant des postures corporelles provenant de la langue orale. Je dis bien sensiblement, car la différence n'est franchement pas flagrante, et ce sont plutôt les qualités acoustiques du lieu d'enregistrement qui renouvellent le timbre et le paysage sonore du cuivre. Nate Wooley est toujours épatant de virtuosité néanmoins, et il parvient constamment à utiliser toute l'étendue sonique de la trompette à des fins structurelles et émotionnelles fines et intelligentes. Car [8] syllables n'est certainement pas qu'une composition conceptuelle, l'utilisation du silence et l'attente qu'elle suscite produisent chez l'auditeur une tension parfois aux limites du supportable. Tandis que la puissance sonore des interventions plutôt pointillistes et hurlantes autant que les longues phrases continues suscitent quant à elles des émotions intenses et puissantes, dès lors que le son parvient à traverser la totalité du corps de l'auditeur de par sa puissance étonnante.
Ce retour à l'acoustique pure, après une utilisation prépondérante des systèmes d'amplification comme dans son précédent album solo Trumpet/Amplifer et High Society avec Peter Evans, confirme encore une fois le talent, la puissance et la créativité de Nate Wooley, trompettiste improbable et aventureux qui parvient toujours à explorer de nouveaux univers radicaux et extrêmes, comme ce dernier, mais toujours fins et nouveaux. Recommandé!
Par rapport au reste du catalogue Peira, [8] syllables fait vraiment figure d'ovni, d'une part parce que c'est un solo complètement écrit et prémédité, mais surtout quant à sa structure et à l'univers musical qui en ressort. Si le trompettiste produit souvent de longs flux mouvants autour d'un pôle instable, à l'aide du souffle continu, en ne s'écartant jamais trop de l'axe sonore initial, des flux souvent très énergiques et puissants, ces phrases sont néanmoins espacées par des silences excessivement longs, des silences extrêmes et radicaux. Il y a une frontalité brutale, une séparation qui ne supporte pas la conciliation, entre les sons produits (longs flux interminables ou très éphémères cris véhéments) qui résonnent et emplissent lentement l'espace qui se sature vite de sons, et les silences interminables et bruts qui ponctuent et structurent cette unique pièce. La confrontation est brutale, extrême et agressive, il y a comme une disjonction exclusive et radicale entre le son et le silence durant ces cinquante minutes.
Côté sonore, Nate Wooley explore toujours les potentialités de la trompette, et fait sensiblement varier ses sonorités en utilisant des postures corporelles provenant de la langue orale. Je dis bien sensiblement, car la différence n'est franchement pas flagrante, et ce sont plutôt les qualités acoustiques du lieu d'enregistrement qui renouvellent le timbre et le paysage sonore du cuivre. Nate Wooley est toujours épatant de virtuosité néanmoins, et il parvient constamment à utiliser toute l'étendue sonique de la trompette à des fins structurelles et émotionnelles fines et intelligentes. Car [8] syllables n'est certainement pas qu'une composition conceptuelle, l'utilisation du silence et l'attente qu'elle suscite produisent chez l'auditeur une tension parfois aux limites du supportable. Tandis que la puissance sonore des interventions plutôt pointillistes et hurlantes autant que les longues phrases continues suscitent quant à elles des émotions intenses et puissantes, dès lors que le son parvient à traverser la totalité du corps de l'auditeur de par sa puissance étonnante.
Ce retour à l'acoustique pure, après une utilisation prépondérante des systèmes d'amplification comme dans son précédent album solo Trumpet/Amplifer et High Society avec Peter Evans, confirme encore une fois le talent, la puissance et la créativité de Nate Wooley, trompettiste improbable et aventureux qui parvient toujours à explorer de nouveaux univers radicaux et extrêmes, comme ce dernier, mais toujours fins et nouveaux. Recommandé!
Kimmel, Moré, Wick Trio - Tilting (Peira, 2011)
On reconnaît le design, il s'agit encore d'une publication Peira. Trio acoustique avec Jeff Kimmel à la clarinette basse, David Moré à la scie musicale et Jacob Wick à la trompette, Tilting embrasse avec humour et allégresse l'improvisation libre. Durant une trentaine de minutes, le trio Kimmel, Moré, Wick compose huit courtes pièces énergiques et aventureuses. Souffles, cris virulents, bruits véhéments, questions interrompues, ruptures, tout ceci se croise et s'enchevêtre comme dans un jeu de légo surréaliste. Un jeu interactif ultra-dynamique, qui superpose des discours denses et intenses très à l'écoute l'un de lautre, tout en sachant ménager des pauses en-dehors des fractures qui cassent les différentes énergies. Tilting n'est pas seulement une démonstration de virtuosité et une négation de la musique, malgré l'omniprésence de techniques étendues, l'absence de pulsations, de rythmes et de mélodies, ce trio acoustique sait aussi ménager l'auditeur avec de nombreuses touches d'humour, telles ces phrases aux intonations de questions à la trompette, ces sonorités primitives, et ces ruptures constantes qui semblent toujours poser une distance vis-à-vis de l'intervention fracturée. Des improvisations comme décalées, légères, mais tout de même puissantes et intenses, car ce qui se passe entre chaque musicien étonne, la cohérence et la cohésion du trio est telle qu'on ne sait pas souvent qui fait quoi malgré la diversité des instruments. Un son collectif définitivement attentif à chaque membre et à ses possibilités instrumentales autant qu'à ses potentialités. On regrettera seulement la trop courte durée de ces pièces qui ne permet pas de pleinement se projeter à l'intérieur de ces univers pourtant aventureux, ainsi que cette balance constante entre un discours proche de l'hystérie où les réponses fusent à une vitesse furieuse et insaisissable, et un paysage plat et étendu, où les souffles et les frottements ne forment que peu de relief. Cette alternance entre ces deux ambiances paraît un peu facile et déjà entendue, et on se lasse assez vite de ces résolutions dans une atmosphère bruitiste, espacée et méditative. Ceci-dit, Tilting vaut tout de même le coup d'oreille pour son énergie surprenante et son humour décalé, mais aussi pour la virtuosité de Jacob Wick, formidable trompettiste qui parvient à déployer les différentes possibilités de ce cuivre selon les dynamiques et les énergies recherchées et construites. Un album tout de même plein de spontanéité, d'énergie véhémente, de talent instrumental et de créativité sonore. A écouter par curiosité.
Tracklist: 1-Horns Rev II / 2-Thanet / 3-Dabancheng / 4-Alpha Ventus / 5-Gansu / 6-Nysted / 7-Alta / 8-Burbo
Tracklist: 1-Horns Rev II / 2-Thanet / 3-Dabancheng / 4-Alpha Ventus / 5-Gansu / 6-Nysted / 7-Alta / 8-Burbo
The Green Pasture Happiness - Aut Disce Aut Discede (Peira, 2011)
The Green Pasture Happiness est un autre trio publié par Peira, un trio cette fois-ci entièrement électronique, avec Daniel Fandiño aux platines, Brian Labycz à l'électronique et Aaron Zarzutzki aux platines sans sorties audio. Un CD-r plutôt court (36 minutes) qui regroupe trois improvisations électroacoustiques, trois pièces enregistrées en live entre l'improvisation libre, la noise et la musique concrète. Le trio explore des textures abrasives et industrielles, bruitistes et agressives sans pour autant en faire un mur de son. Il s'agit plutôt d'interventions éparses et discrètes, souvent éphémères, qui laissent toujours la place nécessaire aux sonorités de chacun ainsi qu'au silence. Je n'avais pas écouté le premier enregistrement de ce trio, et je connais assez peu ces trois musiciens, mais Aut disce aut discede ("soit apprendre soit partir") semble appartenir à cette nouvelle scène d'improvisation bruitiste américaine, aux côtés de Kamerman et Stephenson par exemple. Les textures utilisées sont brutes, primitives, et sauvages, comme des raclements de tôle ou des clous traînés sur l'asphalte brûlant. Les improvisations ne sont pas clairement structurées, les sonorités ne sont pas identifiables, mais ce trio tente malgré tout de créer de la musique hors de tous les principes musicaux (de notation, de rythme, d'harmonie, de structure, de techniques instrumentales, etc.). L'expérience est risquée mais il y a tout de même quelque chose qui surgit, qui émerge: l'intention musicale. The Green Pasture Happiness parvient à dévoiler la formalité et la contingence des principes qui régissent toute musique en les refusant, mais en parvenant tout de même à créer des pièces précises, pleines d'écoute et d'attention extrêmement sensibles, uniquement grâce à l'intention de produire de la musique, et non un bruit désordonné (même si une oreille non-avertie jugera certainement cette musique comme une masse informe de bruits désagréables et insensés). Cependant, il y a tout de même une extrême attention aux intentions et aux sonorités de chacun, une écriture qui parvient à équilibrer les nombreuses ruptures avec certains aspects linéaires(car la constance des fractures devient linéaire au bout d'un moment), ainsi qu'à l'espace sonore qui est plutôt bien équilibré entre le silence, des interventions pointillistes et quelques drones, ce qui suffit amplement à qualifier cette oeuvre comme musicale. Improvisation expérimentale qui tente de maîtriser, de "musicaliser" et de magnifier le bruit en utilisant des machines/objets non musicaux comme des instruments, Aut disce aut discede se déplace sur un terrain risqué et très escarpé, un terrain auquel on n'adhère difficilement mais qui vaut la peine d'être étudié et exploré, au moins pour sa singularité et son aspect très aventureux.
Tracklist: 1-You live in a fucking tent / 2-Should I take your silence as a "not-interested"? / 3-A spiritual brown
Tracklist: 1-You live in a fucking tent / 2-Should I take your silence as a "not-interested"? / 3-A spiritual brown
Gregorio, Roebke, Labycz Trio - Colectivos (Peira, 2011)
Le label Peira (spécialisé dans la publication de CD-r d'improvisation libre) indique sur son site que ce trio explore différentes formes d'improvisations, de l'improvisation collective libre, à une base écrite, à partir de notations, de graphismes ou de vidéos. Exploration à laquelle s'attachent trois musiciens: Guillermo Gregorio à la clarinette, Jason Roebke à la contrebasse et Brian Labycz à l'électronique. Suite de onze improvisations électroacoustiques assez courtes donc, où des lignes mélodiques se superposent à des bruits électroniques incongrus et discrets et des phrases dynamiques à la contrebasse. On trouve de multiples jeux de ruptures et de fractures, tant au niveau des énergies, des mélodies que de l'espace. Tout au long de ces pièces, malgré de nombreux airs de déjà-entendu (on pense souvent à Braxton), la virtuosité et une profonde écoute sont constamment de la partie. Il y a toujours une place et un espace réservés au discours de chacun, les individualités s'équilibrent - sans s'annihiler - tout comme l'espace. Mise à part la trop grande discrétion de Labycz, chaque improvisation équilibre savamment l'espace des discours mais également du silence. Un silence qui n'est pas souvent présent en temps que tel, mais que chacun sait utiliser de manière individuelle afin d'aérer la structure des improvisations et d’approfondir certaines formes de dialogue.
Pas ou très peu de techniques étendues ici, les deux instrumentistes choisissent un jeu traditionnel où les phrases s'enchaînent avec virtuosité. Chacun a plutôt décider d'explorer les interactions possibles entre des dynamiques variant sans cesse (entre la mélodie mielleuse et des cris explosifs), se fracturant, disparaissant et réapparaissant momentanément. De son côté, Roebke parvient à approfondir et à donner du relief au dialogue acoustique avec des interventions souvent discrètes et minimales, mais aussi agressives et énergiques de temps à autre. Ceci-dit, il n'y a pas grand chose de nouveau, aucune différence sensible n'est perçue selon les manières d'appréhender l'improvisation, et la délicatesse de l'écoute de chacun tout autant que la virtuosité ne parviennent pas à combler le manque de créativité de ces onze pièces, à l'exception près de Labicz peut-être qui est néanmoins et malheureusement trop absent à mon goût.
Tracklist: 01-Colectivo 1 / 02-Video (Roebke) / 03-Two Rows by Juan Carlos Paz (Gregorio) / 04-Colectivo 2 / 05-Improvisations on a Sonatina by Esteban Eitler (Gregorio) / 06-Colectivo 3 / 07-Open (Roebke) / 08-Coplanar Nr. 4b (Gregorio) / 09-Colectivo 4 / 10-Event (Roebke) / 11-Colectivo 5
Pas ou très peu de techniques étendues ici, les deux instrumentistes choisissent un jeu traditionnel où les phrases s'enchaînent avec virtuosité. Chacun a plutôt décider d'explorer les interactions possibles entre des dynamiques variant sans cesse (entre la mélodie mielleuse et des cris explosifs), se fracturant, disparaissant et réapparaissant momentanément. De son côté, Roebke parvient à approfondir et à donner du relief au dialogue acoustique avec des interventions souvent discrètes et minimales, mais aussi agressives et énergiques de temps à autre. Ceci-dit, il n'y a pas grand chose de nouveau, aucune différence sensible n'est perçue selon les manières d'appréhender l'improvisation, et la délicatesse de l'écoute de chacun tout autant que la virtuosité ne parviennent pas à combler le manque de créativité de ces onze pièces, à l'exception près de Labicz peut-être qui est néanmoins et malheureusement trop absent à mon goût.
Tracklist: 01-Colectivo 1 / 02-Video (Roebke) / 03-Two Rows by Juan Carlos Paz (Gregorio) / 04-Colectivo 2 / 05-Improvisations on a Sonatina by Esteban Eitler (Gregorio) / 06-Colectivo 3 / 07-Open (Roebke) / 08-Coplanar Nr. 4b (Gregorio) / 09-Colectivo 4 / 10-Event (Roebke) / 11-Colectivo 5
Billy Gomberg - Quiet Barrier (Rest + Noise, 2011)
Billy Gomberg est le deuxième membre de Fraufraulein avec Anne Guthrie, celui qui fait basculer ce duo dans l'expérimentation brute. Pour cet album solo publié par Rest + Noise, il quitte les field recordings pour un synthétiseur et quelques touches d'électronique. Quiet Barrier donc, est un ensemble de huit pièces linéaires et cinématographiques, comme huit travellings le long de paysages désolés et poétiques. Chaque pièce décrit un paysage à travers des mélodies simples et mélancoliques, touchantes par leur aspect nostalgique (à l'image des polaroids présents à l'intérieur du livret). Les rythmes sont simples, lents et méditatifs, et la durée peut ressembler aux longs plans-séquences de Béla Tarr. Traversée nostalgique d'étendues tristes qui forment la matière sonore et narrative, une matière créée en temps réel, improvisée, comme si le filmé déterminait le film. Ces nappes sensiblement sombres et dépressives rendent une atmosphère générale poétique et délicate, mais aussi et surtout inhabituelle, car Gomberg n'hésite pas à superposer de nombreux éléments pour aboutir à une structure et à un agencement complexes des différents matériaux sonores utilisés. Différents éléments qui n'ont cependant pas une fonction purement timbrale, mais qui ont avant tout une fonction narrative et significative. Car Gomberg raconte huit pièces plutôt qu'il n'en compose, il peint huit tableaux aux tendances descriptives plus qu'abstraites. La structure semble être toujours au service de la lente contemplation de paysages désolés, une contemplation très affectée par des souvenirs et de nombreuses émotions qui forment de magnifiques textures sonores.
Peut-être trop agréable ou facile d'écoute pour certains, trop proche de l'ambient façon easy-listening, Quiet Barrier offre des tableaux aux frontières de l'abstraction et de la description, en agençant de manière parfois improbables des lignes mélodiques atypiques, comme si Sigur Ros était aliéné par des débris post-industriels. Car Gomberg est seul à dépeindre ces restes de civilisations et ses souvenirs, seul dans un univers pas nécessairement hostile - les sons ne sont jamais agressifs ou saturés, mais toujours doux et ronds - mais néanmoins dépressif. En tout cas, Gomberg lui-même semble se laisser guider par les sons, la structure paraît ainsi émerger petit à petit grâce à l'attention et à la sensibilité du musicien new-yorkais. Une sensibilité puissante qui se laisse affecter par une matière sonore tout d'abord contemplative, puis extatique. Huit tableaux singuliers, huit plans-séquences intenses et poétiques; entre le post-rock et l'ambient, entre la poésie intimiste et l'aridité de Pedro Costa.
Tracklist: 01-Instants / 02-Partial to appearance / 03-Hearts in red / 04-Eyes a faint smile / 05-Night with cheap stars / 06-Sending whispers / 07-Snow / 08-The ends of breaths
Peut-être trop agréable ou facile d'écoute pour certains, trop proche de l'ambient façon easy-listening, Quiet Barrier offre des tableaux aux frontières de l'abstraction et de la description, en agençant de manière parfois improbables des lignes mélodiques atypiques, comme si Sigur Ros était aliéné par des débris post-industriels. Car Gomberg est seul à dépeindre ces restes de civilisations et ses souvenirs, seul dans un univers pas nécessairement hostile - les sons ne sont jamais agressifs ou saturés, mais toujours doux et ronds - mais néanmoins dépressif. En tout cas, Gomberg lui-même semble se laisser guider par les sons, la structure paraît ainsi émerger petit à petit grâce à l'attention et à la sensibilité du musicien new-yorkais. Une sensibilité puissante qui se laisse affecter par une matière sonore tout d'abord contemplative, puis extatique. Huit tableaux singuliers, huit plans-séquences intenses et poétiques; entre le post-rock et l'ambient, entre la poésie intimiste et l'aridité de Pedro Costa.
Tracklist: 01-Instants / 02-Partial to appearance / 03-Hearts in red / 04-Eyes a faint smile / 05-Night with cheap stars / 06-Sending whispers / 07-Snow / 08-The ends of breaths
Richard Kamerman - I'm Sick Of Coming Up With Titles (Pilgrim Talk, 2011)
Egalement parue sur le label de Nick Hoffman, Pilgrim Talk, cette cassette de Kamerman n'est pas là pour nous réconforter les oreilles. Peut-être que c'est un solo, peut-être que c'est très court (une dizaine de minutes), il n'empêche que l'écoute de ces deux faces est sensiblement douloureuse et excessivement intense. Tout commence par une première face de harsh noise très violente, douloureuse et puissante. Un souffle sourd, quelques bruits percussifs, puis le mur de son s'installe, une nappe proche du bruit blanc où chaque fréquence agit sur chaque autre, où des basses saturées empêchent quelques larsens d'émerger. Comme un grand NON à la musicalité, comme une peur du silence et du vide, l'espace sonore est submergé par des accidents électroniques, des textures synthétiques et des feed-backs agressifs. Tous ces éléments se succèdent, se croisent et se superposent parfois et le mur découvre petit à petit de nombreuses aspérités terrifiantes et de plus en plus profondes. Profondes de puissance et d'intensité, Kamerman occupe l'espace avec des textures peut-être déjà-entendues, même si elles paraissent plus artisanales que celles généralement produites par les sculpteurs bruitistes, mais surtout époustouflantes. La deuxième face est plus reposante, une étrange voix semblant provenir d'un magnétophone ou d'un gramophone émerge, le chant est décéléré, interféré. Interférences qui prennent la forme de buzz et de larsens. Le chant ne se trouve pas noyé mais voilé, les interférences lui donnent une consistance fantomatique qui le rend d'autant plus étrange et inquiétant. L'atmosphère est tendue, mais poétique en quelque sorte, comme si ces interférences et cette manipulation rendaient compte des émotions de Kamerman, rendaient également compte de ses inquiétudes et de ses intentions vis-à-vis de cette drôle de mélodie populaire qui est utilisée pour cette pièce. Encore deux pièces extrêmes, deux pièces qui interrogent la musicalité du bruit mais également la part de bruit contenue dans la musique notamment grâce aux manipulations de la chanson populaire traitée sur la deuxième face. Court, intense et extrême, une cassette aux confins de l'audible et de la musique.
Tracklist: A-When I hear that song "There is a light that never goes out" I cry like a bitch, man. / B-This wooden ridge (for Robert, Tyler, Travis, and Mozz)
Tracklist: A-When I hear that song "There is a light that never goes out" I cry like a bitch, man. / B-This wooden ridge (for Robert, Tyler, Travis, and Mozz)
Graham Stephenson - Defiantly Not (Pilgrim Talk, 2011)
Graham Stephenson est un trompettiste proche de Nick Hoffman ainsi que de Richard Kamerman et Dave Barnes, un trompettiste que j'avais déjà pu entendre sur un disque assez extrême en compagnie des deux derniers musiciens cités, Three Duos. Si vous connaissez ces gars, vous vous imaginez facilement qu'il s'agit encore ici de musique expérimentale et extrême, d'une forme de "non-musique" ou de "musique abstraite" comme on peut dire... Defiantly Not est le premier disque solo de Graham, un CDr de trois pièces publié par le label américain Pilgrim Talk. Graham Stephenson s'inscrit donc dans ce renouveau de la trompette avec une conception singulière du solo. Performance musicale d'un côté, mais également performance technologique; car le principe de ces pièces est d'enregistrer les sons à leur puissance maximale, sans se soucier de la saturation, et même en la cherchant parfois, un peu comme si le son était capturé par des micro-contacts...
Graham Stephenson déploie une nouvelle dimension de la trompette, une dimension purement physique où chaque son/bruit prend une ampleur et une consistance à peine soupçonnées auparavant, que ce soit un bruit métallique où la simple circulation de l'air à l'intérieur du cuivre, tout ici devient une source de bruit féconde et parfois oppressante. Stephenson tente un enregistrement microscopique prenant chaque élément de la trompette et chaque technique comme une source sonore singulière et autonome, souvent indifférente à toute forme de compromis et même de beauté. Car seule le déploiement d'un timbre exalté et exacerbé dans une durée donnée intéresse ici le trompettiste chicagoan. L'espace où s'étale le temps peut être complètement saturé par un souffle inquiétant et puissant, ou dilaté par des interventions pointillistes et minimales proches de cliquetis aléatoires et indistincts. Sans tomber dans une approche bruitiste gratuite et provocatrice (ce que paraît laisser sous-entendre le titre de l'album), Stephenson semble plutôt tenter d'explorer une matière sonore nouvelle, et de construire une durée avec ce matériau singulier sans tenir compte de son histoire instrumentale; car il ne s'agit pas que d'un solo de trompette, dans la mesure où la technique d'enregistrement est aussi importante que la source sonore, qu'elle participe de la musique de la même manière que la source instrumentale.
Defiantly Not possède certainement des qualités sonores, créatives et imaginaires indéniables, mais l'expérimentation ne marche pas à tous les coups. On peut parfois se lasser de ces bruits étranges et difficilement identifiables, qui se déploient dans un temps dont on ne saisit la structure qu'avec peine. Il n'en reste pas moins que Stephenson a su créer un univers singulier grâce à sa prise de son, un univers original malgré des prédécesseurs qui ne sont pas sans créativités (Evans, Dörner, Berio). Une expérimentation pas toujours facile d'accès, qui demande pas mal d'attention, mais qui possède néanmoins des éléments intenses et puissants malgré un aspect (peut-être trop) extrême et radical, brut et sauvage.
Tracklist: 01-Just cause / 02-Had had / 03-Percy Jaguars
Graham Stephenson déploie une nouvelle dimension de la trompette, une dimension purement physique où chaque son/bruit prend une ampleur et une consistance à peine soupçonnées auparavant, que ce soit un bruit métallique où la simple circulation de l'air à l'intérieur du cuivre, tout ici devient une source de bruit féconde et parfois oppressante. Stephenson tente un enregistrement microscopique prenant chaque élément de la trompette et chaque technique comme une source sonore singulière et autonome, souvent indifférente à toute forme de compromis et même de beauté. Car seule le déploiement d'un timbre exalté et exacerbé dans une durée donnée intéresse ici le trompettiste chicagoan. L'espace où s'étale le temps peut être complètement saturé par un souffle inquiétant et puissant, ou dilaté par des interventions pointillistes et minimales proches de cliquetis aléatoires et indistincts. Sans tomber dans une approche bruitiste gratuite et provocatrice (ce que paraît laisser sous-entendre le titre de l'album), Stephenson semble plutôt tenter d'explorer une matière sonore nouvelle, et de construire une durée avec ce matériau singulier sans tenir compte de son histoire instrumentale; car il ne s'agit pas que d'un solo de trompette, dans la mesure où la technique d'enregistrement est aussi importante que la source sonore, qu'elle participe de la musique de la même manière que la source instrumentale.
Defiantly Not possède certainement des qualités sonores, créatives et imaginaires indéniables, mais l'expérimentation ne marche pas à tous les coups. On peut parfois se lasser de ces bruits étranges et difficilement identifiables, qui se déploient dans un temps dont on ne saisit la structure qu'avec peine. Il n'en reste pas moins que Stephenson a su créer un univers singulier grâce à sa prise de son, un univers original malgré des prédécesseurs qui ne sont pas sans créativités (Evans, Dörner, Berio). Une expérimentation pas toujours facile d'accès, qui demande pas mal d'attention, mais qui possède néanmoins des éléments intenses et puissants malgré un aspect (peut-être trop) extrême et radical, brut et sauvage.
Tracklist: 01-Just cause / 02-Had had / 03-Percy Jaguars
Duplant / Noyes / Chagas - The Bias of the Things (Ilse, 2011)
De plus en plus de collaborations par mail voient dorénavant le jour. Une pratique virtuelle étrange qui peut d'une certaine manière paraître déshumanisante, mais qui est aussi une façon d'interroger la pratique de l'improvisation. Peut-on encore parler d'improvisation en effet? C'est toute la spontanéité propre à l'improvisation qui semble ici artificielle, comme dans les films de Cassavetes où l'impression de spontanéité résulte en fait de séquences reprises à n'en plus finir jusqu'à ce qu'une certaine forme d'énergie précise apparaisse. De la même manière, cette pratique s'effectue sans la prise de risque propre à l'improvisation, car chacun peut retravailler sa prise autant de fois qu'il le souhaite, et surtout, chacun peut prendre le temps de réfléchir aux formes de ses interventions avant même de participer, ce qui n'est pas sans remettre en cause la liberté et la spontanéité tant vantées par certains. Pratique ambiguë où se confrontent deux principes, une annihilation de la spontanéité, mais également et surtout une négation radicale de toute forme de hiérarchie. Cette négation va encore plus loin que les précédentes dans la mesure où le fait d'enregistrer seul empêche chaque musicien de se soumettre à une quelconque personnalité, le jeu des affects au sein du collectif semble ainsi annihilé au profit d'une donation totale à la musique seulement. Une nouvelle forme de liberté paraît ainsi apparaître à l'encontre des principes de spontanéité.
C'est dans cette lignée que semble s'inscrire ce trio publié par le label Ilse où se sont rejoint trois musiciens qui n'en sont pas à leur première collaboration; il s'agit du contrebassiste et percussionniste français Bruno Duplant (ici à la contrebasse, au gramophone, à la radio et à différentes sources sonores étranges), du pianiste néo-zélandais Lee Noyes et du saxophoniste et clarinettiste portugais Paulo Chagas. Et comme je l'évoquais à l'instant, cette manière d'enregistrer à distance et en décalage offre plusieurs opportunités. Tout d'abord, elle permet une écoute et une compréhension profondes de chaque intervention et de chaque musicien, une intuition beaucoup plus précise que dans un studio; mais également et surtout une exaltation de l'individualité au sein du collectif et un refus radical et extrême d'une quelconque hiérarchie (entre les musiciens, les personnes, les instruments, les techniques et les modes de jeux, etc.). On se retrouve alors face à une musique très singulière, où les personnalités se superposent les unes aux autres, où de courtes phrases mélodiques, par exemple, rejoignent des fréquences radios, tandis qu'un saxophone virulent explose en cris viscéraux. Les formes de discours sont nombreuses et leur agencement complexe, la basse de Duplant est souvent assez minimaliste tout en étant généreuse, de longues notes rondes enveloppent le tout, mais ce dernier peut tout aussi bien étendre son vocabulaire avec différents éléments parfois très surprenants, comme la diffusion d'un vieil enregistrement de tango sur un gramophone très granuleux. A côté, par-dessus, ou à l'intérieur, Paulo Chagas crie, éructe et creuse ce qui finit par devenir une nappe sonore hétéroclite sans structure apparente. Mais à côté de l'étonnante étendue de timbres proposées par Duplant et du relief creusé par Chagas, le plus surprenant est peut-être la performance de Noyes qui parvient à équilibrer les tensions entre sons, bruits et notes, en parsemant quelques courtes phrases mélodiques délicates ou en disséminant des frottements et des raclements du bois et des cordes de son piano, dans un territoire qui hésite entre la filiation de John Tilbury et de Magda Mayas.
Mais par-dessus tout, ce qui surprend, c'est la cohésion du groupe comparée à l'exaltation d'individualités qui paraissent au premier abord ne pas tenir compte du collectif. Chaque intervention est plus que singulière, elle est complètement individuelle, au sens substantiel, l'intention de chacun est exploitée et déployée sans concession. Cependant, la musique est aussi collective, et le groupe se maintient, presque miraculeusement tant il est hétéroclite, dans une attention particulière et intense. La sensibilité et la connaissance des participations de chacun semblent extrêmement intenses et pleines, si l'individualité est exaltée, c'est toujours en réponse au son du trio, il reste toujours une attention constante au collectif qui parvient à maintenir une individualité entière au sein d'une communauté musicale cohérente et également entière. L'équilibre entre toutes ces tensions se trouve ainsi magiquement géré et manipulé, que ce soit l'équilibre entre individualité et communauté, mélodie et bruit, tonalité et atonalité, temps strié et temps lisse, etc. Quatre improvisations complexes et originales qui se déploient dans un paysage hétéroclite et escarpé, mais surtout intense et puissant. Recommandé!
Tracklist: 01-Sappho's remembrance / 02-As its name indicates / 03-The opposite of remembrance is invitation / 04-Tango for small things of every day of life
C'est dans cette lignée que semble s'inscrire ce trio publié par le label Ilse où se sont rejoint trois musiciens qui n'en sont pas à leur première collaboration; il s'agit du contrebassiste et percussionniste français Bruno Duplant (ici à la contrebasse, au gramophone, à la radio et à différentes sources sonores étranges), du pianiste néo-zélandais Lee Noyes et du saxophoniste et clarinettiste portugais Paulo Chagas. Et comme je l'évoquais à l'instant, cette manière d'enregistrer à distance et en décalage offre plusieurs opportunités. Tout d'abord, elle permet une écoute et une compréhension profondes de chaque intervention et de chaque musicien, une intuition beaucoup plus précise que dans un studio; mais également et surtout une exaltation de l'individualité au sein du collectif et un refus radical et extrême d'une quelconque hiérarchie (entre les musiciens, les personnes, les instruments, les techniques et les modes de jeux, etc.). On se retrouve alors face à une musique très singulière, où les personnalités se superposent les unes aux autres, où de courtes phrases mélodiques, par exemple, rejoignent des fréquences radios, tandis qu'un saxophone virulent explose en cris viscéraux. Les formes de discours sont nombreuses et leur agencement complexe, la basse de Duplant est souvent assez minimaliste tout en étant généreuse, de longues notes rondes enveloppent le tout, mais ce dernier peut tout aussi bien étendre son vocabulaire avec différents éléments parfois très surprenants, comme la diffusion d'un vieil enregistrement de tango sur un gramophone très granuleux. A côté, par-dessus, ou à l'intérieur, Paulo Chagas crie, éructe et creuse ce qui finit par devenir une nappe sonore hétéroclite sans structure apparente. Mais à côté de l'étonnante étendue de timbres proposées par Duplant et du relief creusé par Chagas, le plus surprenant est peut-être la performance de Noyes qui parvient à équilibrer les tensions entre sons, bruits et notes, en parsemant quelques courtes phrases mélodiques délicates ou en disséminant des frottements et des raclements du bois et des cordes de son piano, dans un territoire qui hésite entre la filiation de John Tilbury et de Magda Mayas.
Mais par-dessus tout, ce qui surprend, c'est la cohésion du groupe comparée à l'exaltation d'individualités qui paraissent au premier abord ne pas tenir compte du collectif. Chaque intervention est plus que singulière, elle est complètement individuelle, au sens substantiel, l'intention de chacun est exploitée et déployée sans concession. Cependant, la musique est aussi collective, et le groupe se maintient, presque miraculeusement tant il est hétéroclite, dans une attention particulière et intense. La sensibilité et la connaissance des participations de chacun semblent extrêmement intenses et pleines, si l'individualité est exaltée, c'est toujours en réponse au son du trio, il reste toujours une attention constante au collectif qui parvient à maintenir une individualité entière au sein d'une communauté musicale cohérente et également entière. L'équilibre entre toutes ces tensions se trouve ainsi magiquement géré et manipulé, que ce soit l'équilibre entre individualité et communauté, mélodie et bruit, tonalité et atonalité, temps strié et temps lisse, etc. Quatre improvisations complexes et originales qui se déploient dans un paysage hétéroclite et escarpé, mais surtout intense et puissant. Recommandé!
Tracklist: 01-Sappho's remembrance / 02-As its name indicates / 03-The opposite of remembrance is invitation / 04-Tango for small things of every day of life
Grutronic & Evan Parker - Together in zero space (Psi, 2011)
Sur ce nouvel album publié par PSI, Evan Parker collabore avec un étrange quartet que je n'avais encore jamais entendu: Grutronic. Aux claviers analogiques, oscillateurs, radios, samplers, ordinateurs, etc., on retrouve donc Stephen Grew, Richard Scott, Nick Grew et David Ross; et bien sûr, Evan Parker, l'inépuisable, au saxophone soprano - pour un enregistrement live datant de 2009 durant un festival à Bratislava.
Projections soniques, lignes de fuite saturées, beats déconstruits et instables, se trouvent mêlés aux longs flux continus et polyphoniques d'Evan Parker. Cette collaboration révèle un véritable art du contrepoint, contrepoint rythmique, mélodique et esthétique. Des lignes se mélangent avant d'être fracturées par un mur de bruit blanc, un beat chancelant tente d'émerger d'un feu d'artifices analogiques; très vite il devient difficile de reconnaître le territoire sur lequel évolue ces cinq musiciens: breakcore, EAI (ElectroAcoustic Improvisation), IDM (Intelligent Dance Music), improvisation libre? C'est bien sûr un peu de tout cela, mais surtout le tout ensemble et indifféremment. Les origines et les influences s'entremêlent sans complexe, les styles et les personnalités s'articulent les uns aux autres sans hiérarchie ni principe esthétique rigide. Il s'agit en fait d'une musique libre et décomplexée, à l'esthétique complètement hors-norme et surtout hostile à tout principe esthétique. Evan Parker semble complètement à son aise dans cet univers extraterrestre, le timbre multiphonique et métallique de son soprano s'intègre parfaitement aux phrases excentriques et hallucinées du quartet Grutronic qui fait tout de même l'effort d'insérer quelques lignes jazzistiques et d'aménager des espaces propices à un instrument acoustique. Quant à Grutronic, comment décrire ce quartet qui ne ressemble à rien mais semble tout de même s'inspirer de nombreux prédecesseurs: une sorte de Thomas Lehn à huit mains (et quatre personnalités...), de Venetian Snares décomplexé ou d'un Bad Plus déconstruit qui aurait mal digéré sa dose de speed...
En tout cas, ce qui ressort de cette collaboration est plutôt saisissant: l'inventivité ahurissante de Grutronic, qui réussit constamment à surprendre avec des phrases toujours inattendues et souvent incongrues, ainsi que l'intensité et la puissance propres au jeu d'Evan Parker, notamment au soprano, font de ce live une performance inouïe et intense. La musique électroacoustique, dans sa forme traditionnelle (instrument plus nouvelles technologies séparées), semble encore en pleine forme et paraît surtout avoir encore des choses à dire. Car cette formation propose quelque chose de neuf dans son contenu malgré une construction formelle entendue mille fois, un contenu débridé, contrapuntique et hystérique, où n'importe quoi peut surgir à n'importe quel moment: une phrase héritée du jazz-rock, une nappe d'harmonica, des larsens, des slaps, un beat inopportun, du bruit blanc, des cercles analogiques percés de lignes synthétiques, etc.
Près de cinquante minutes d'intensité maximale, de déconstructions irrationnelles et de références surprenantes et inattendues, mais surtout de créativité intarissable et d'écoute attentionnée. Recommandé!
Tracklist: 01-Filigree and circuitry / 02-Mesomerism in rhythm
Projections soniques, lignes de fuite saturées, beats déconstruits et instables, se trouvent mêlés aux longs flux continus et polyphoniques d'Evan Parker. Cette collaboration révèle un véritable art du contrepoint, contrepoint rythmique, mélodique et esthétique. Des lignes se mélangent avant d'être fracturées par un mur de bruit blanc, un beat chancelant tente d'émerger d'un feu d'artifices analogiques; très vite il devient difficile de reconnaître le territoire sur lequel évolue ces cinq musiciens: breakcore, EAI (ElectroAcoustic Improvisation), IDM (Intelligent Dance Music), improvisation libre? C'est bien sûr un peu de tout cela, mais surtout le tout ensemble et indifféremment. Les origines et les influences s'entremêlent sans complexe, les styles et les personnalités s'articulent les uns aux autres sans hiérarchie ni principe esthétique rigide. Il s'agit en fait d'une musique libre et décomplexée, à l'esthétique complètement hors-norme et surtout hostile à tout principe esthétique. Evan Parker semble complètement à son aise dans cet univers extraterrestre, le timbre multiphonique et métallique de son soprano s'intègre parfaitement aux phrases excentriques et hallucinées du quartet Grutronic qui fait tout de même l'effort d'insérer quelques lignes jazzistiques et d'aménager des espaces propices à un instrument acoustique. Quant à Grutronic, comment décrire ce quartet qui ne ressemble à rien mais semble tout de même s'inspirer de nombreux prédecesseurs: une sorte de Thomas Lehn à huit mains (et quatre personnalités...), de Venetian Snares décomplexé ou d'un Bad Plus déconstruit qui aurait mal digéré sa dose de speed...
En tout cas, ce qui ressort de cette collaboration est plutôt saisissant: l'inventivité ahurissante de Grutronic, qui réussit constamment à surprendre avec des phrases toujours inattendues et souvent incongrues, ainsi que l'intensité et la puissance propres au jeu d'Evan Parker, notamment au soprano, font de ce live une performance inouïe et intense. La musique électroacoustique, dans sa forme traditionnelle (instrument plus nouvelles technologies séparées), semble encore en pleine forme et paraît surtout avoir encore des choses à dire. Car cette formation propose quelque chose de neuf dans son contenu malgré une construction formelle entendue mille fois, un contenu débridé, contrapuntique et hystérique, où n'importe quoi peut surgir à n'importe quel moment: une phrase héritée du jazz-rock, une nappe d'harmonica, des larsens, des slaps, un beat inopportun, du bruit blanc, des cercles analogiques percés de lignes synthétiques, etc.
Près de cinquante minutes d'intensité maximale, de déconstructions irrationnelles et de références surprenantes et inattendues, mais surtout de créativité intarissable et d'écoute attentionnée. Recommandé!
Tracklist: 01-Filigree and circuitry / 02-Mesomerism in rhythm
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