Pour une de ses premières publications sur son propre label, Richard Kamerman (à l'ordinateur, aux objets et aux "moteurs") publie trois formes de duo sur quatre pièces: Dave Barnes à l'électronique avec Graham Stephenson à la trompette et au micro sur la première piste, Dave Barnes toujours accompagné de Kamerman sur les pistes 2 et 3, et enfin, Graham Stephenson aux côtés de Kamerman sur la dernière piste.
Durant ces quatres pièces, le dialogue est largement concentré sur des textures aux reliefs escarpés et abstraits, faits d'imperfections, de techniques étendues, de micro-contacts effleurés et éraflés, de bruits silencieux et de souffles, ou de sons stridents et de larsens agressifs. Quatre improvisations qui explorent des territoires hors-normes et aventureux, entre des silences suffoquants et des dialogues surchargés. Entre les instruments (enfin la trompette), l'électronique, les objets acoustiques et les ordinateurs, la palette sonore est très riche et variée et la dynamique d'exploration est constamment maintenue dans les extrêmes: exploration uniquement timbrale des propriétés physiques du son, et de l'interaction entre les sons. Un voyage radical dans un univers très singulier composé de fragments industriels, de déchets numériques, et d'imperfections électro-acoustiques, qui navique en plein dans la physicalité du son et fait pleinement abstraction de toutes les caractéritiques traditionnellement musicales pour ne s'intéresser qu' à la matière sonore en tant que telle.
Une musique tour à tour contemplative, agressive, attentive, individuelle, mais toujours extrême. Quatre pièces tellement abstraites qu'il devient difficile d'en parler: y'a-t-il une structure pré-établie? elle paraît plutôt spontanée et improvisée; des thèmes, des rythmes, des variations? vous voulez rire? Ces trois duos travaillent des textures sonores abstraites comme un peintre pourrait composer une oeuvre concentrée avant tout sur la matière du support. Ces quatre pièces ne composent pas de la musique à proprement parler peut-être, mais sculpte du son à travers différents matériaux, et peu importent lesquels - instrument, ordinateur, marteau-piqueur - du moment qu'ils produisent du son.
Mais ces sculptures abstraites sont toujours fabriquées à deux, et l'entente entre les deux "producteurs de sons", entre les deux artisans-artistes, est toujours profonde et fortement empreinte d'une attention et d'une concentration extrêmes, car le mariage entre les différentes sources sonores est constamment agencé avec un équilibre sensible, malgré l'hétérogénéité des sources. De plus, en dépit de l'aspect froid, abstrait et rebutant des matériaux de base, leur sculpture n'en est pas moins sensible, délicate et attentionnée, et ces quatre pièces ne laissent pas de marbre pour ainsi dire: à condition d'accepter les fondements sonores rebutants, l'intelligence de leur agencement et la sensible délicatesse de leur sculpture nous plongent dans quatre univers intriguant et envoutant, sensible et même parfois intense.