Le compositeur américain Kim Cascone, connu pour ses musiques électroniques ambient et industrielles, nous livre ici une unique pièce d'une trentaine de minutes consistant en une succession narrative de tableaux sonores. Après quelques collaborations avec Keith Rowe, John Tilbury, Tony Conrad, Pauline Oliveros ou encore Scanner, Cascone est dorénavant plutôt concentré sur des performances "post-digitales" en solo. Pour The Knotted Constellation (Fourteen Rotted Coordinates), il invite tout de même quelques musiciens comme C. Spencer Yeh, Darius Čiuta, Guido Henneböhl ainsi que son fils Cage Cascone, et quelques autres.
Ce voyage cinématographique est vraiment surprenant et étrange, à partir de nombreux field-recordinds (cloches, enfants, annonce SNCF, hélicoptère, etc.) et de sons générés par systèmes digitaux ou synthétiques, Kim Cascone produit toute une suite de tableaux sonores qui se succèdent et sont entrecoupés de noirs digitaux. Un voyage halluciné et surréaliste où chaque ambiance, à tendance généralement assez sombre, surgit de manière complètement inattendue. On ressent facilement l'aspect narratif et descriptif des différentes scènes, mais aucune logique narrative à proprement parler n'apparaît, en fait les paysages s'enchainent comme dans un cadavre exquis. Seule l'ambiance pesante, noire et industrielle paraît se maintenir à travers les différentes scènes de ce film au titre énigmatique. En tout cas, on ne pourra pas reprocher à Cascone un quelconque manque d'imagination, chaque paysage créé ainsi que chaque manière d'aborder le son est toujours surprenant et créatif, aventureux et surréaliste, irréel et onirique, parfois cauchemardesque et parfois introspectif. Je m'en voudrais également d'oublier de souligner la virtuosité et l'ingéniosité de ce compositeur, les procédés numériques utilisés sont maniés avec talent et propreté, et toujours selon des fins précises (narratives), que les field-recordinds soient insérés tels quels dans une nappe sonore ou modifiés par ordinateur, la différence paraît complètement anecdotique, Cascone n'utilise pas un son pour ses qualités extrinsèques, mais le travaille toujours de l'intérieur et en déploie ses profondeurs symboliques.
Un voyage onirique court mais surprenant et intrigant, sombre sans être glauque ou malsain, industriel ou "post-digital" sans être bêtement nihiliste. The Knotted Constellation (Fourteen Rotted Coordinates) forme une sorte de composition hallucinée, et la succession des (très) différents tableaux/scènes/paysages sonores est plutôt envoutante, mais surtout très créative.