Dimitra Lazaridou-Chatzigoga est une jeune musicienne athénienne qui joue habituellement dans le duo Ap'strophe avec Ferran Fages (à qui l'on doit un très bon mastering de ces enregistrements). Impossible de comparer ce premier solo avec le dernier disque d'Anne Guthrie, quand bien même ces deux œuvres furent composées par des femmes et enregistrées toutes fenêtres ouvertes sur la rue, la comparaison ne peut pas aller plus loin. Car Stroke By Stroke s'attache bien plus à explorer les textures possibles de la cithare qu'à travailler sur les liens entre l'architecture et le son.
Dimitra Lazaridou-Chatzigoga est grecque et a choisi un instrument grec plus qu'ancestral, un instrument antique pour ainsi dire, mais l'utilisation de cette cithare n'en est pas moins expérimentale et complètement étendue. Sur ces 21 pistes assez courtes, voire très courtes, la cithare est exploitée comme l'intérieur d'un piano, seule sa caisse de résonance et sa table d'harmonie semblent être prises en compte, l'attaque des cordes étant la plupart du temps imperceptible. Différents objets servent à activer les sons, des objets qui frottent, qui raclent et qui caressent l'instrument mythique des poètes. Seulement, il n'y a plus aucune fonction accompagnatrice ou lyrique, l'utilisation de la cithare est entièrement axée sur le timbre et la couleur. Et les couleurs qui surgissent sont parfois d'une richesse et d'une originalité surprenantes, d'une profondeur envoutante. Mais - et je suis désolé pour ce mais, pourtant incontournable - la durée si courte de ces pièces est complètement inadéquate au développement et au déploiement de ces trouvailles sonores. La texture du son ne peut pas parvenir à exister véritablement en un temps si réduit, et ce disque laisse malheureusement un sentiment trop fort d'évanescence et de formalisme, du à l'inadaptation de la durée en comparaison de la richesse timbrale.
Une œuvre pleine de bonnes idées mais qui laisse malheureusement trop sur sa faim, qui laisse constamment un sentiment d'inachèvement. Vraiment dommage, car les idées entraperçues sont très riches et singulières, mais on n'a pas le temps de s'immerger dans les différents territoires sonores explorés et trouvés. Il n'en reste pas moins que Dimitra Lazaridou-Chatzigoga est une instrumentiste plutôt virtuose et très talentueuse qui mérite certainement d'être suivie de plus près.