Entre improvisation libre et électroacoustique, jazz et sound painting, ces trois pièces du quartet réuni par le contrebassiste Adam Linson sont avant tout des improvisations collectives. Avant de syncrétiser procédés électroniques et improvisations acoustiques aux côtés de Rudi Mahall à la clarinette basse, Axel Dörner à la trompette et Paul Lytton à la batterie, ce quartet publié sur le label d'Evan Parker renoue avec une grande tradition qui va du double quartet d'Ornette au Globe Unity Orchestra en passant par la musique cosmico-télépathique du Celestrial Communication Orchestra d'Alan Silva.
Cependant, la réduction de l'orchestre à quatre musiciens ne réduit pas pour autant l'intensité de la musique ni la masse sonore, elles sont au contraire décuplées par l'immensité des modes de jeu possibles grâce à l'électronique, aux techniques étendues de Dörner, aux envolées énergiques de Mahall autant qu'aux flux ininterrompus de Paul Lytton. Quatre personnalités fortes qui conservent et maintiennent leur individualité à l'intérieur de ces improvisations collectives intenses, massives et puissantes. Quand il n'est pas en train d'agresser sa contrebasse à coup d'archets, Linson explore le territoire informatique en créant des matières sonores, en modifiant celles émises par les instruments, et joue constamment sur la spatialisation du son ainsi que sur l'intensification et la densification du vocabulaire musical. Dans sa volonté d'explorer l'intersection entre le jazz et la musique pour ordinateur, comme il le dit sur le site de Psi, Linson ouvre un paysage qui arbore la richesse des potentialités numériques et la chaleur de l'improvisation interindividuelle acoustique. Le quartet crée un dialogue pointilliste où chacun se répond et laisse la place à l'autre sans jamais céder en rien au son collectif: esquisses de phrases et fragments de discours se succèdent et rebondissent les uns contre les autres pour aboutir à une musique pleine de relief. La réactivité, l'attention, la spontanéité et la richesse des propos et des interventions surprennent et envoutent par leur force émotionnelle, leur richesse structurelle et texturale, ainsi que par leur caractère aventureux.
Un dialogue à quatre intense et profond, qui laisse place au jeu de chacun, qui laisse une ouverture à chaque type de jeu: mélodique, abstrait, froid, chaleureux, rythmé, textural, etc. Si l'utilisation du silence et les jeux de volumes sont plutôt restreints, l'espace sonore reste tout de même ouvert et aéré tout en étant dense et riche. Trois improvisations qui paraissent parfois libres, parfois dirigées (certains passages sonnent comme des game pieces), très peu écrites en tout cas, mais qui restent toujours concentrées et axées sur cette brêche ouverte par l'interaction du jazz et de l'informatique. Spontanée, chaleureuse, intense et profonde, une musique très énergique qui accèdent à des territoires riches et nouveaux.
Tracklist: 01-Swanp delta to the sky / 02-City dissolved in light / 03-Invisible mornings