Michael Johnsen & Pascal Battus - Bitche Session (Organized Music From Thessaloniki, 2011)

Sur cette cassette publiée par le label grec Organized Music From Thessaloniki, nous nous retrouvons face à un étrange duo électro-magnétique radical, extrême et très aventureux. Enregistrée dans les locaux de Bitche à Nantes, cette session est l’œuvre de Michael Johnsen, artiste sonore américain qui compose à partir d'un système électronique fait maison, et du français Pascal Battus, qui n'utilise ici que des micro-contacts magnétiques.

Ce n'est rien de dire que la musique jouée ici est expérimentale, autant dire qu'elle est même exempte de toute référence musicale, et qu'une personne non-initiée se demanderait facilement si cette session ne relève pas plutôt d'une performance avant-gardiste incompréhensible. Si l'on considère les idiomes présents, ce n'est ni de la noise, ni de l'ambiant, ni de la musique improvisée; il s'agit d'une exploration sonore sur des territoires radicalement inhabituels certes, mais l'approche même du dialogue et de l'interaction ne ressemble à rien de commun. On ne sait pas s'il se passe quelque chose d'extraordinaire ou s'il ne se passe rien, si un ou deux musiciens jouent, ni s'ils ont réellement quelque chose à dire, et s'ils le disent avec assurance. En jouant, le duo semble questionner autant l'interaction entre les musiciens eux-mêmes que l'interaction entre les joueurs et leurs outils, ainsi qu'avec l'environnement. Une musique étrange qui n'a pas l'air très sûre d'elle, et c'est peut-être ce manque d'assurance qui lui donne son charme en même temps. Très difficile d'accès, cette musique n'est rien d'autre que des souffles, des larsens, des bruits magnétiques étranges et inhabituels, ainsi que des silences bien sûr, elle n'utilise aucune structure connue, ne se calque sur aucune démarche habituelle: une musique radicalement autre en somme, aussi bizarre qu'étrangère, aussi extrême qu'aventureuse.

Si la musique elle-même peut être parfois ennuyeuse, ou incompréhensible, le geste musical est beau par son attention extrême aux interactions, et par son esprit plutôt innovateur. Je ne veux pas vous le cacher, mais cette musique est tellement radicalement autre qu'elle peut être chiante lorsque l'on ne se montre pas assez disponible, et il est parfois difficile de trouver les conditions nécessaires à sa réception. Ceci-dit, les textures déployées émerveillent par leur nouveauté et le dialogue entre les deux musiciens se situent dans un très bon équilibre et une attention très sensible à l'environnement sonore (et visuel, ou autre? car le son à lui-seul ne semble pas tout guider). Je ne sais pas si je recommanderais ce disque dans l'absolu, mais tout même, avis aux amateurs et aux professionnels de sensations et de musiques extrêmes.