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Giuseppe Ielasi - Rhetorical Islands

GIUSEPPE IELASI - Rhetorical Islands (Senufo, 2013)
Je ne connais pas très bien Giuseppe Ielasi, et j'ai l'impression qu'il oscille facilement entre des productions radicales de recherche sonore complètement abstraite et des disques plus faciles d'accès, genre ambient electronica ou electronica indus, mais dans chaque cas, la musique proposée est toujours unique et très originale. 

Sur Rhetorical Islands, on se situe un peu dans l'entre-deux. Ielasi utilise des field-recordings, des moteurs, peut-être un peu de synthé analogique aussi. Et au fil des pièces, on passe facilement de l'un à l'autre de ses champs d'expérimentations. Plusieurs pièces par exemple semblent être constituées par des enregistrements de grosses machines à air comprimé, genre presse industrielle, et n'est pas sans rappeler le dernier vinyle des field-recordings indus de Pali Meursault. Parfois, il s'agit de recherche sonore pure, sans référent, avec un ou deux sons très simples, comme on en entend rarement, mais qui trouvent leurs racines dans un imaginaire unique. Ceci-dit, la plupart du temps, les recherches sont pulsées, Ielasi n'est jamais très loin des beats, mais des beats concrets, sans référents musicaux, des beats qui ne se soutiennent qu'eux-mêmes, une pulsation qui n'est là que pour se mettre en avant, pour explorer l'attaque, le decay, et la répétition. Il y a beaucoup de sonorités proches de l'indus, mais c'est moins abrasif, plus lisse façon electronica. On est encore une fois un peu entre les deux. Et c'est aussi ce qui fait toute l'originalité de Ielasi : faire de la musique dure avec des textures plutôt lisses, ou faire de la musique douce avec des pulsations et des couleurs assez corrosives. 

Rhetorical Islands fait suite à une commande de Jérôme Noetinger pour un festival principalement axé sur la musique électroacoustique qui se déroulait en 2011. Et le résultat est une suite assez courte (à peine trente minutes) de 10 miniatures d'enregistrements industriels filtrés, équalisés, coupés et assemblés de manière à former de vrais "morceaux", au sens pop du terme. Ielasi propose une version populaire de la musique électroacoustique, tout en travaillant le son et l'expérimentation de manière aussi sérieuse que n'importe qui - voire plus. C'est plus accessible certes, mais tout aussi fin et unique que n'importe quelle expérimentation abstraite. Vivement conseillé. 

Giuseppe Ielasi

Giuseppe Ielasi est pas mal connu pour ses innombrables masterings de musique électronique sur tous types de format. Mais il est également reconnu comme un guitariste et musicien électronique accompli depuis maintenant une quinzaine d'années. L'année dernière, cet artiste milanais a inauguré une série de cd-r autoproduits très courts sur lesquels il présente différentes facettes de son travail en solo. Vous trouverez ici les chroniques des deux premiers volumes.

GIUSEPPE IELASI - (or a set of models) (2013)
Pour (or a set of models), Ielasi propose une courte suite d'une vingtaine de minutes composée de douze vignettes sonores qui durent entre trente secondes et 4 minutes 30. Réalisées en une journée, ces miniatures présentent chacune un objet/ustensile usuel et quotidien capté par un microphone et travaillé en direct sur un Revox. On est loin de la musique concrète, et la musique de Ielasi n'a rien d'asbtraite non plus. Ces vignettes forment des paysages sonores très musicaux en fait, des paysages soit rythmiques, soit à moitié harmoniques ou mélodiques. Ielasi ne se contente pas de révéler certaines caractéristiques sonores d'objets non-musicaux, il va beaucoup plus loin et travaille des sons non-musicaux de manière à révéler une musicalité propre à ces sons et ces objets. A partir d'une abstraction et grâce au Revox, Ielasi compose douze belles pièces abstraites d'une certaine manière, mais qui font toute preuve d'une grande musicalité dans le contenu. Très beau travail, intriguant, ingénieux, bricoleur et envoutant, qui démontre encore une fois la maîtrise totale du son de Ielasi.

GIUSEPPE IELASI - untitled (DC motor) (2013)
Quant à la première publication de cette série, elle pourrait être présentée par un simple question : vous êtes-vous déjà imaginé le son que rendrait un moteur s'il était contrôlé par un LFO défaillant ? J'imagine que non, et moi non plus, mais en tout cas, c'est la question que s'est posé Ielasi et à laquelle il a répondu pour nous. Le LFO (oscillateur de basse fréquence) est le signal de base des synthétiseurs analogiques, mais ici, le signal électrique est envoyé dans une machine à courant continu et est transofrmé en énergie motrice. Le résultat ressemble à un moteur chaotique et plein de variation, avec des bruits proches de la céramique parfois, proches de la pierre et d'autres minéraux, mais aussi de plastiques entrechoqués à intervales irréguliers. Il n'y a qu'une pièce de vingt minutes, avec deux éditions différentes du même enregistrement sur chaque enceinte. Cette fois, il ne s'agit pas tant de musicalité que de recherche beaucoup plus pragmatique et expérimentale. Il y a un aspect vraiment pratique et bricoleur fou dans cette pièce qui ressemble plus à une installation sonore qu'à une composition. Tout l'intérêt réside dans l'exploitation des défaillances électriques chaotiques et dans la transformation du signal (de l'électricité simple à l'énergie motrice, mais également dans l'édition des deux canaux de diffusion). Une pièce dure et austère, mais encore plus intriguante et pragmatique.

Tomek Chołoniewski + Michel Doneda/Jonas Kocher/Tomaž Grom/Tao G. Vrhovec Sambolec

Tomek Chołoniewski - Un (Mathka, 2012)

Premier album solo du percussionniste polonais Tomek Chołoniewski, Un est un enregistrement assez court, riche et plutôt énergique. Une batterie, des cloches, des gongs, un gamelan, TC navigue entre les différents idiophones durant cinq pièces assez diverses. Et même si l'on entend de nombreux instruments d'origine javanaise ou sundanaise, il ne s'agit surtout pas de world ou de quoique ce soit de folklorique, TC manie le gamelan comme une batterie, mais une batterie étendue. Cloches et gongs augmentent seulement les possibilités dynamiques et timbrales de ces polyphonies complexes et belles mais aussi très intenses. Intensité redoublée sur la deuxième piste par les déclamations incompréhensibles de TC, sortes de psalmodies spontanées qui ne sont pas sans rappeler certaines des performances de Diego Chamy. Une belle profusion de timbres (peaux percutées et frottées, cloches, archets sur cymbales et gongs), d'idées, de rythmiques éclatées et enchevêtrées, et surtout: une énorme profusion d'énergie.

Une sorte de free gamelan solo, Un est aussi et surtout une belle suite d'improvisations pour percussions, improvisations inspirées, riches, complexes et bien structurées, où TC parvient à gérer les différentes couleurs possibles des percussions sans jamais oublier leur aspect rythmique. Très bon boulot, juste un poil trop court.


Michel Doneda/Jonas Kocher/Tomaž Grom/Tao G. Vrhovec Sambolec - Udarnik (Zavod Sploh/L'innomable, 2011)


Coproduit par deux labels slovènes, Udarnik est une suite de quatre improvisations électroacoustiques. On y retrouve le célèbre Doneda au soprano, certainement un des saxophonistes qui a le plus contribué à l'extension des techniques et des couleurs propres au soprano et au sopranino, notamment dans les années 90. A ses côtés sont présents l'accordéoniste suisse Jonas Kocher, collaborateur régulier de Doneda, ainsi que deux musiciens slovènes: Tao G. Vrhovec Sambolec à l'ordinateur et Tomaž Grom à la contrebasse. 

Pour ceux qui ont entendu le duo Grom/Murayama ainsi que le solo de Kocher, vous vous douterez bien que la notion d'espace et le jeu sur les différentes dynamiques possibles sont primordiales durant cette session. Quelques passages sont d'une puissance surprenante, chacun joue fort dans des registres très intenses; mais à ces passages peuvent succéder des sortes de nappes très étirées, calmes et silencieuses où chacun joue de manière très retenue (souffle, soufflets, crépitements discrets). Moments de contemplations et d'attention/tension extrêmes, avec des interventions très espacées sur une nappe très lisse et fine. Et ce sont ces moments qui requièrent le plus d'attention, les yeux fermés et les oreilles dans le casque, le quartet nous amène dans des territoires plats aux couleurs insoupçonnées. Parties pleines de tension, mais aussi reposantes par rapport aux parties fortes, vis-à-vis des climax où la contrebasse devient percussion en explosant chaque corde sur le manche, tandis que Doneda explore des registres suraigus à peine concevables. Dynamique accentuée par les interventions fracturées de Kocher et par la discrétion de Sambolec, l'ordinateur que l'on cherche toujours mais que l'on trouve pleinement que dans les moments d'accalmie.

La cinquième et dernière pièce est un remix que l'on doit à Giuseppe Ielasi, basé sur les enregistrements de cette session qu'il a lui-même mastérisé. Pas ou peu de transformations des sources sonores, Ielasi manipule ces fragments par collage, bouclage, déconstruction/reconstruction: un remix fidèle et plutôt réussi qui joue cependant beaucoup moins sur les dynamiques que sur les couleurs.

Véritable jeu de dynamiques où la violence la plus extrême et la plus saisissante succède aux accalmies les plus contemplatives, où la présence la plus entière ne laisse que rarement préfigurer ces nappes fantomatiques, Udarnik est aussi un sommet d'écoute et de liberté, chaque musicien pouvant régulièrement jouer en petites formations (duo & trio) sans être happer par le son collectif.