Jonas Kocher - duos 2011 (Flexion, 2012)
Pour ce troisième album proposé sur son propre label, l'accordéoniste suisse Jonas Kocher nous présente ici une suite de six pièces avec différents collaborateurs. Il s'agit pour Jonas de mettre à jour l'essence de sa musique à travers les différentes mises en situation qu'offrent les multiples interactions possibles. Car si le changement de musicien génère des réactions différentes, il y a aussi un style, ou une méthode, ou une forme, qui restent présents quoiqu'il arrive, la marque de l'individualité.
Pour ouvrir ce disque, "l'exception qui confirme la règle" comme on dit, Jonas Kocher forme un trio avec le clarinettiste basse Hans Koch et la violoniste Patricia Bosshard. (Le reste ne sera qu'une suite de duos.) Une pièce très aérée et espacée où les interventions sont rares, subtiles et sporadiques. Comme sur une large partie du disque, une place prépondérante est accordée au silence et aux dynamiques des modes de jeux. Vient ensuite une pièce plus lente et moins réactive, une sorte de drone ou les extrêmes de l'accordéon se mélangent aux cymbales frottées de Christian Wolfarth. La pièce suivante est peut-être la plus radicale et la plus extrême: un duo accordéon/électronique en compagnie de Gaudenz Badrutt, où les interventions deviennent de plus en plus minimalistes et faibles, où le silence devient noble et génère une tension surprenante (peut-être la meilleure pièce de cette "compilation"). Les trois dernières pièces en compagnie d'Urs Leimgruber (saxophone soprano qu'on a déjà pu entendre dans la formation OM), Christoph Schiller (espinette) et Christian Müller (clarinette contrebasse) sont peut-être les plus claires quant à ce qu'il ressort de Jonas Kocher: un intérêt pour les extrémités de l'ambitus, pour explorer les zones les plus reculées de l'instrument, mais aussi un intérêt pour la dynamique que génère tel ou tel type de jeu. Si l'on ajoute la place accordée au silence et l'intérêt porté à l'espace acoustique, on a là la plupart des éléments qui caractériseront l'individualité musicale de l'accordéoniste Jonas Kocher. En tout cas, les six pièces présentées ici révèlent chacune une personnalité sensible et une recherche constante d'un son précis et neuf. Beau travail.
(informations & extrait: http://www.flexionrecords.net/?page_id=608)
Jonas Kocher / Gaudenz Badrutt - Strategy of behaviour in unexpected situations (Insubordinations, 2012)
Le duo Kocher/Badrutt présenté sur la compilation de duos avec Jonas Kocher m'avait déjà interpelé et c'est donc plutôt avec joie que j'ai reçu cette autre pièce d'une trentaine de minutes, improvisée par ce même duo accordéon/électronique.
Le même registre est exploité, dans un contexte aussi minimaliste et très interactif. Kocher continue d'explorer les registres extrêmes de l'accordéon, des registres qui s'entremêlent facilement avec l'électronique (notamment les aigus proches du larsen, mais aussi les bourdons très graves, constants et légers). De son côté, Badrutt tisse des fils très ténus, sensibles et délicats, des drones aigus ou très graves irrégulièrement rompus par des brusques interventions sonores qui peuvent paraître acoustiques: sortes d'interventions bruitistes qui pourraient faire penser à des objets lourds entrechoqués après un calme de plusieurs minutes. On retrouve énormément de bourdons légers, à peine perceptibles, des bourdons qui laissent parfois "entrevoir" des sons extérieurs et étrangers. Mais aussi le même intérêt pour les dynamiques propres aux timbres et aux modes de jeux, ainsi qu'un intérêt pour la tension et l'intensité propres au silence et au calme. Car ce sont bien ces deux termes qui peuvent qualifier la majeure partie de cette improvisation: un calme constant malgré des irruptions violentes sporadiques, ainsi qu'un silence toujours sous-jacent et tendu. Encore une fois: du beau travail - recommandé.
(informations, écoute & téléchargement gratuit: http://www.insubordinations.net/releasescd07.html)
Hans Koch / Gaudenz Badrutt - social insects (Flexion, 2012)
Premier enregistrement du duo Hans Koch (clarinette basse)/Gaudenz Badrutt (électronique, ordinateur, live-sampling), social insects est un disque prometteur qui m'a révélé un duo admirable. Même si c'est leur première publication, il faut quand même savoir que ce duo est formé et actif depuis maintenant plusieurs années - ce qui s'entend et se ressent assez facilement tout au long de ces douze pièces.
Concrètement, Hans Koch et Gaudenz Badrutt développent chacun des nappes linéaires et arythmiques, principalement basées sur la texture: des drones discrets et légers, de longues harmoniques, un chalumeau interminable,. Pour varier, les deux musiciens utilisent également sur quelques pièces des dynamiques plus tendues, rythmiques et donc moins linéaires, faites de slaps, de bruits de clés, de techniques étendues diverses, de larsens, et d'interventions analogiques noise - pièces qui correspondent assez bien à l'évocation des insectes. Mais le plus important à mes yeux reste l'interaction entre chacun, plutôt que les inventions sonores individuelles.
Un duo qui tient avant tout et parvient très bien à explorer l'interaction entre les instruments et la confusion des sources sonores. Les sons s'échangent grâce aux techniques de live-sampling, les timbres s'entremêlent et les registres se télescopent. Durant une heure, Koch et Badrutt nous proposent un jeu musical où les rôles s'échangent, s'inversent, se mélangent, s'identifient, se recoupent et se copient. D'où l'interrogation constante sur la source sonore: combien de fois me suis-je demander si j'entendais bien une clarinette, son imitation électronique ou son détournement par le biais de sample et de live-recordings? L'interaction est si profonde et réussie qu'elle ne peut générer que la confusion. Mais une confusion agréable puisqu'elle est toujours équilibrée par un fil conducteur, une idée musicale qui dirige chaque pièce (que ce soit un mode de jeu, une dynamique, une ambiance, etc.).
Et pour la dernière fois: conseillé.
(informations & extraits: http://www.flexionrecords.net/?page_id=662)