Edité en vinyle (500 exemplaires) avec une superbe pochette, ce solo de Peter Evans est une très bonne surprise. Beyond Civilized and Primitive présente six pièces plutôt courtes, de deux à douze minutes, mais six pièces virtuoses, intelligentes et variées. Tout commence avec une trompette aérienne, légère, Peter Evans débute cet enregistrement avec de courtes notes, subtiles, riches et délicates. Des notes qui se resserrent et se frottent de plus en plus aridement au fil de ces cinq minutes tendues, comme pour annoncer la seconde et plus longue pièce de cette suite. Et celle-ci, n'est pas sans rappeler un Evan Parker en grande forme. Car ici, Peter Evans développe un long continuum en souffle continu, un flux polyphonique où les notes se mêlent aux inspirations nasales, où les variations de la colonne d'air ponctuent et donnent du relief à cette ligne sans fin. En bref, tout commence en beauté pour ainsi dire. Toute la technique de Peter Evans et les potentialités de la trompette sont déjà mises au service d'une musique intense, dense, et puissante. Une musique qui prend toujours autant aux tripes et pourrait faire danser n'importe quel mélomane le plus réticent aux musiques improvisées.
C'est donc après ces deux pièces pour trompette simple que Peter Evans commence à utiliser le studio et ses possibilités. Réenregistrements et boucles rentrent donc en compte: pour des drones bien sûr, mais de manière plus étonnante et moins conventionnelle, pour une sorte de duo gestuel et énergique entre deux enregistrements où les techniques étendues, la voix, des attaques et des intonations franches et violentes se confrontent en un dialogue éloquent et puissant. Des voix qui se coupent, s'entrechoquent et se brutalisent pour finir en un très surprenant thème joué à l'unisson! La pièce suivante explore un nombre assez impressionant de possibilités liées uniquement au jeux de souffles sur l'embouchure et aux potentialités sonores des pistons. Puis vient cette conclusion aussi surprenante que le reste des pièces: une mélodie aérée comme l'introduction, mais cette fois, d'un aspect très solennel, encore plus harmonieux. Une conclusion triste et mélancolique, puissante et nasillarde, à l'image de la trompette qui aura été explorée ici sous nombre de ses coutures.
Voilà quelques années que je pense que Peter Evans est un des trompettistes les plus talentueux de sa génération: ce solo ne fait que me réconforter. Un solo qui sait allier la virtuosité technique et la créativité au niveau des idées. Surprenant, éclectique, et singulier: recommandé.
(informations: http://dancingwayang.com/my_portfolio/peter-evans/)