Si les premiers disques du compositeur et pianiste autrichien Peter Ablinger ont commencé à être édités il y a presque vingt maintenant, et s'il écrit depuis une trentaine d'années environ (je crois que ses premières pièces datent des années 80), il n'en reste pas moins que sa discographie n'est pas très fournie. C'est pourtant un compositeur passionnant, créatif et intelligent, qui évolue sans cesse sur de nouveaux terrains et ne rentre dans aucune case, tout en proposant des compositions très fines, profondes et riches. Il fallait un label comme GOD peut-être pour enfin éditer les Regenstücke, une série de pièces pour piano, percussion, installation sonore ou enregistrement. Car GOD se fout des étiquettes, et propose aussi bien des vinyles de métal que de musique contemporaine. Mais bref, parlons plutôt de ces fameuses Regenstücke proposées sur ces deux LP publiés en 2012 et 2013.
Sur le premier volume, le disque s'ouvre avec une magnifique pièce sans titre pour trois pianos qui ne jouent qu'une note à différentes octaves. Il s'agit d'une sorte de canon qui explore les micro-rythmes et les micro-intervalles entre les pulsations. Les trois musiciens jouent sur trois pulsations différentes, indiquées au quart de seconde près, et explorent un pattern rythmique répétitif. Une seule note, un seul rythme, mais trois pulsations. On pourrait croire qu'il s'agit de musique minimaliste, mais ce n'est pas du tout ce que l'on ressent à l'écoute de ce disque. On attend que les notes se rejoignent, ces notes courtes réduites à une seule attaque simple, mais cela n'arrive jamais. On se laisse seulement bercer par les subtils décalages qui ne cessent de varier et d'évoluer au fil des mesures, et c'est juste superbe.
La deuxième face propose une pièce similaire, en six parties, pour percussion. Les percussions sont ici des pièces aux hauteurs déterminées, proches du registre aigu d'un piano. Et là encore, le percussionniste joue une sorte de canon polyrythmique complexe avec seulement trois notes. Tout se joue là encore sur les micro-intervalles de temps, sur les mini cellules qui séparent chaque note et évoluent à chaque mesure en quelque chose de toujours différent. Il y a peu d'éléments encore, mais la musique reste cependant très riche, elle change constamment, tous les blocs diffèrent les uns des autres et on ne peut jamais prévoir ce qu'il va se passer, surtout pas les peaux très graves et profondes frottées à deux ou trois reprises durant ces vingt minutes, sans avertissement !
Le second volume se termine également avec une pièce qui utilise des matériaux aux couleurs proches, à savoir, huit tubes de verre. Chaque tube ne peut produire qu'une note, et elle est répétée à intervalles réguliers, mais seulement, ce sont ici les pulsations qui fluctuent sans cesse, qui ralentissent, accélèrent, se superposent et se décalent les unes par rapport aux autres. Car là encore, tout est joué sur une pulsation différente, l'intérêt est toujours, au-delà du timbre magique de ces tubes de verre, dans les surprises rythmiques constantes qui ornent cette polyrythmie virtuose et envoutante.
D'après ce que je comprend de l'allemand, on pourrait traduire Regenstücke par "morceaux de pluie". Et toutes ces pièces dont je viens de parler évoquent la pluie d'une certaine manière, elles évoquent la régularité et l'imprévisibilité des précipitations. Mais ce sont surtout les trois pièces de la première face de ce deuxième volume qui évoquent le mieux la pluie. Un orchestre est au loin, des cordes pizzicato sont entendues, quelques attaques cuivrées, régulières, aussi. Mais c'est orchestre est aussi présent que la ville, le trafic, et le son environnant. La pluie est ici évoquée en terme de rythme et de volume, son chaos et sa régularité sont toujours là, ses différentes densités aussi, en fonction du nombre d'instruments, mais elle est surtout évoquée en terme de volume puisqu'elle se fond dans l'environnement, elle le perturbe et le couvre à certains moments, mais sait aussi se faire discrète et à peine entendue lors des précipitations les plus douces.
Avec cette série de compositions, Peter Ablinger a superbement su s'inspirer d'un matériel naturel et bruitiste : la pluie, pour composer une série de pièces musicalement très riches, très finement composées et réalisées. La transposition instrumentale est très juste, les techniques de composition sont créatives, la réalisation est d'une précision ahurissante. Bref, bien sûr, deux disques grandement conseillés.
PETER ABLINGER - Regenstücke volume 1 (LP, God, 2012) : lien
PETER ABLINGER - Regenstücke volume 2 (LP, God, 2013) : lien
Takahiro Kawaguchi, Tim Olive, Makoto Oshiro - Airs
L'artiste canadien Tim Olive est installé au Japon depuis deux ou trois ans maintenant, et depuis, les collaborations avec toutes sortes de musiciens se multiplient sur son label, et la personnalité de Tim Olive, qui jouait de la guitare préparée sur table au début, se révèle de plus en plus, et laisse poindre une personnalité fraîche et originale. Quand je l'ai découvert, je n'étais pas passionné par son travail, mais aujourd'hui, je suis de plus en plus intrigué et curieux par chacune de ses propositions.
Tout récemment, deux disques sont sortis sur 845 audio : Dominion Mills, duo composé de Tim Olive et Anne-F Jacques qui ne m'a pas plus intéressé que ça ; et Airs, une suite de quatre pièces composées par le trio formé par Tim Olive, Takahiro Kawaguchi et Makoto Oshiro. Les trois musiciens utilisent principalement des instruments fabriqués par eux-mêmes à partir d'objets usuels et quotidiens (métronomes, petits moteurs, etc.), des matériaux simples (bois, plastique), et des micro-contacts. Il s'agit de compositions proches de l'improvisation, des compositions qui n'indiquent que certains paramètres (sur les timbres, la densité, la durée) et laissent une grande place au choix, aux prises de positions, à l'écoute et à la spontanéité. Le trio utilise toutes sortes de matériaux sonores : doux, abrasifs, calmes, forts, linéaires, discontinus, pulsés, lisses, longs, courts, etc. La palette exploré par cette formation est large et innovante, une palette composée de "couleurs" mécaniques, instrumentales, motorisées, naturelles, fabriquées, silencieuses, et bruyantes. Si chaque pièce a sa propre cohérence, on ne sait jamais à quoi s'attendre dans leur succession, aucune des quatre ne se ressemble et elles explorent toutes des paramètres et des atmosphères différentes.
Ce trio propose une musique vraiment neuve et fraîche, une musique faite de recyclages et de bidouillages en tous genres, d'exploration d'univers sonores inédits, mais il propose surtout une grande diversité dans les réponses et les réactions, dans la construction d'une forme personnelle en somme. Et qu'elle soit composée, improvisée, ou les deux, n'y changent rien, le plus important reste que cette musique est créative. Très bon travail.
KAWAGUCHI/OLIVE/OSHIRO - Airs (CD, 845 Audio, 2014) : lien
Tout récemment, deux disques sont sortis sur 845 audio : Dominion Mills, duo composé de Tim Olive et Anne-F Jacques qui ne m'a pas plus intéressé que ça ; et Airs, une suite de quatre pièces composées par le trio formé par Tim Olive, Takahiro Kawaguchi et Makoto Oshiro. Les trois musiciens utilisent principalement des instruments fabriqués par eux-mêmes à partir d'objets usuels et quotidiens (métronomes, petits moteurs, etc.), des matériaux simples (bois, plastique), et des micro-contacts. Il s'agit de compositions proches de l'improvisation, des compositions qui n'indiquent que certains paramètres (sur les timbres, la densité, la durée) et laissent une grande place au choix, aux prises de positions, à l'écoute et à la spontanéité. Le trio utilise toutes sortes de matériaux sonores : doux, abrasifs, calmes, forts, linéaires, discontinus, pulsés, lisses, longs, courts, etc. La palette exploré par cette formation est large et innovante, une palette composée de "couleurs" mécaniques, instrumentales, motorisées, naturelles, fabriquées, silencieuses, et bruyantes. Si chaque pièce a sa propre cohérence, on ne sait jamais à quoi s'attendre dans leur succession, aucune des quatre ne se ressemble et elles explorent toutes des paramètres et des atmosphères différentes.
Ce trio propose une musique vraiment neuve et fraîche, une musique faite de recyclages et de bidouillages en tous genres, d'exploration d'univers sonores inédits, mais il propose surtout une grande diversité dans les réponses et les réactions, dans la construction d'une forme personnelle en somme. Et qu'elle soit composée, improvisée, ou les deux, n'y changent rien, le plus important reste que cette musique est créative. Très bon travail.
KAWAGUCHI/OLIVE/OSHIRO - Airs (CD, 845 Audio, 2014) : lien
Jean-Luc Guionnet & Eric La Casa - Home: Handover
Potlatch, comparé à d'autres labels, ne sort pas énormément de disques, mais quand ce label en sort un il se fait remarquer tout de suite généralement. Et en cette fin d'année, avec un coffret de quatre CD, composés par deux des plus remarquables musiciens français, Jean-Luc Guionnet et Eric La Casa, une fois encore, cette sortie ne passera pas inaperçue dans le milieu des amateurs de musique expérimentale. D'autant plus qu'à défaut d'être une très bonne initiative éditoriale, Home: Handover est un également un projet musical et conceptuel très surprenant.
C'est le genre de projet à faire couler beaucoup d'encre, et il en fera couler je pense. C'est toute une méthode de travail, toute une approche du son, de la matière musicale, de la performance et de la perception (de ces éléments, mais aussi de manière générale) qui sont en jeu ici. Autant d'éléments théoriques et philosophiques sur lesquels on peut multiplier les gloses. Et pour dire la vérité, je n'ai pas très envie de rentrer dans ce jeu, et j'aimerais me contenter de parler uniquement de ce qu'il se passe sur ce disque, le plus simplement possible, car je pense que la mise en forme, les indications du livret, et les articles parus ou à paraître orienteront suffisamment la lecture de ce disque. C'est passionnant, perturbant, très perturbant comme projet, mais de quoi s'agit-il finalement.
Chacun des quatre disques est structuré de la même manière. La première piste est un enregistrement d'une personne dans son appartement, cette personne qui change à chaque disque décrit l'endroit idéal pour écouter de la musique, lit son morceau préféré in situ, puis commentent différentes choses sur l'expérience qu'elle vient de vivre, qu'est-ce qu'elle en penserait dans d'autres conditions, etc. La seconde piste est un enregistrement en situation de concert où cinq personnes interprètent à sa manière l'enregistrement précédent. Deux personnes parlent (imitation ou commentaire) et trois musiciens interprètent les mélodies, rythmes et bruits de l'enregistrement (Lucio Capece, Seijiro Murayama et Neil Davidson). La troisième piste est réalisée par un musicien (Keith Beattie sur chaque disque) qui propose une lecture différente des enregistrements en appartement. Il se situe dans une maison, joue un morceau de musique, parle librement et se déplace en intérieur comme en extérieur en accordant beaucoup plus de place à l'acoustique du lieu où il se trouve et à l'environnement sonore global. Quant à la dernière piste, qui ne fait pas partie de la commande originelle d'Arika, c'est une édition et un mixage des trois précédentes pistes qui ressemble beaucoup à ce qu'on peut attendre d'une pièce de musique concrète, avec ses rythmes et ses mélodies bruitistes et environnementaux.
Voilà. Il y aurait beaucoup à dire, mais je n'y tiens pas. Je pense que rien ne vaut l'expérience vraiment singulière de l'écoute de ce disque. Une expérience qui pose question sur l'écoute, sur la matière musical, sur la perception générale et musicale, sur l'audition dans un environnement intime ou public, sur l'interprétation et plein d'autres choses. Et c'est cette remise en question ainsi que le fait que les questions soient la matière musicale elle-même qui font que Home: Handover est une oeuvre si perturbante, une suite de pièces qui nous plonge dans la confusion la plus totale en faisant perdre tous les repères possibles. C'est pour cette raison que je trouve ce disque admirable, profond, et unique. Je n'ai pas envie de le commenter plus que ça, car je ne me sens pas de le faire, je me sens trop dépassé par cet univers qui s'ouvre, et c'est pour cette raison que je l'aime, car il ouvre réellement de nouvelles perspectives.
JEAN-LUC GUIONNET/ERIC LA CASA - Home: Handover (4CD, Potlatch, 2014) : lien
C'est le genre de projet à faire couler beaucoup d'encre, et il en fera couler je pense. C'est toute une méthode de travail, toute une approche du son, de la matière musicale, de la performance et de la perception (de ces éléments, mais aussi de manière générale) qui sont en jeu ici. Autant d'éléments théoriques et philosophiques sur lesquels on peut multiplier les gloses. Et pour dire la vérité, je n'ai pas très envie de rentrer dans ce jeu, et j'aimerais me contenter de parler uniquement de ce qu'il se passe sur ce disque, le plus simplement possible, car je pense que la mise en forme, les indications du livret, et les articles parus ou à paraître orienteront suffisamment la lecture de ce disque. C'est passionnant, perturbant, très perturbant comme projet, mais de quoi s'agit-il finalement.
Chacun des quatre disques est structuré de la même manière. La première piste est un enregistrement d'une personne dans son appartement, cette personne qui change à chaque disque décrit l'endroit idéal pour écouter de la musique, lit son morceau préféré in situ, puis commentent différentes choses sur l'expérience qu'elle vient de vivre, qu'est-ce qu'elle en penserait dans d'autres conditions, etc. La seconde piste est un enregistrement en situation de concert où cinq personnes interprètent à sa manière l'enregistrement précédent. Deux personnes parlent (imitation ou commentaire) et trois musiciens interprètent les mélodies, rythmes et bruits de l'enregistrement (Lucio Capece, Seijiro Murayama et Neil Davidson). La troisième piste est réalisée par un musicien (Keith Beattie sur chaque disque) qui propose une lecture différente des enregistrements en appartement. Il se situe dans une maison, joue un morceau de musique, parle librement et se déplace en intérieur comme en extérieur en accordant beaucoup plus de place à l'acoustique du lieu où il se trouve et à l'environnement sonore global. Quant à la dernière piste, qui ne fait pas partie de la commande originelle d'Arika, c'est une édition et un mixage des trois précédentes pistes qui ressemble beaucoup à ce qu'on peut attendre d'une pièce de musique concrète, avec ses rythmes et ses mélodies bruitistes et environnementaux.
Voilà. Il y aurait beaucoup à dire, mais je n'y tiens pas. Je pense que rien ne vaut l'expérience vraiment singulière de l'écoute de ce disque. Une expérience qui pose question sur l'écoute, sur la matière musical, sur la perception générale et musicale, sur l'audition dans un environnement intime ou public, sur l'interprétation et plein d'autres choses. Et c'est cette remise en question ainsi que le fait que les questions soient la matière musicale elle-même qui font que Home: Handover est une oeuvre si perturbante, une suite de pièces qui nous plonge dans la confusion la plus totale en faisant perdre tous les repères possibles. C'est pour cette raison que je trouve ce disque admirable, profond, et unique. Je n'ai pas envie de le commenter plus que ça, car je ne me sens pas de le faire, je me sens trop dépassé par cet univers qui s'ouvre, et c'est pour cette raison que je l'aime, car il ouvre réellement de nouvelles perspectives.
JEAN-LUC GUIONNET/ERIC LA CASA - Home: Handover (4CD, Potlatch, 2014) : lien
Jake Meginsky - L'appel du vide
Paru en 300 exemplaires sur open mouth, le label du guitariste Bill Nace et déjà épuisé, L'appel du vide est le premier solo du percussionniste Jake Meginsky. Un seul disque a été publié avec ce musicien, c'était une collaboration avec le duo Nmperign, et c'est tout (ce qui est déjà pas mal!), mais je ne l'ai pas écouté. En tout cas, à écouter ce premier solo de musique électronique et non de percussions, je suis plus que curieux d'entendre les prochaines travaux de Meginsky.
Il s'agit d'une suite de beats défragmentés, déphasés et déstructurés. Des beats profonds, ronds, lourds, qui forment des patterns carrés ? et bien non, des patterns qui ne sont pas linéaires, des patterns qui évoluent par ruptures, par évolutions constantes, des patterns sinueux ou triangulaires plutôt. D'une certaine manière, la musique de Meginsky se rapproche de celle d'Evol, pour son approche minimaliste et hypnotisante. Mais c'est pas tout à fait ça. Déjà, il n'y a pas de référence à la techno et aux raves (ni à la BO de rencontre du troisième type...), ça sonne moins analogique. Meginsky aborde un territoire plus abstrait, plus parasitaire, plus noise en somme. Et ses beats sont régulièrement en interaction avec des fréquences de toutes sortes, des sinusoïdes simples mises en action par les beats, des sinusoïdes hachées, découpées et arrondies par les pulsations et les battements graves irréguliers.
Un disque vraiment surprenant qui ne ressemble à aucun autre et s'écoute facilement. Composées et découpées finement, ces pièces forment des territoires électroniques nouveaux, qui renouent avec le rythme et la mélodie d'une certaine manière, mais des rythmes et des mélodies mises en pièces. Recommandé.
JAKE MEGINSKY - L'appel du vide (LP, open mouth, 2014) : lien
Il s'agit d'une suite de beats défragmentés, déphasés et déstructurés. Des beats profonds, ronds, lourds, qui forment des patterns carrés ? et bien non, des patterns qui ne sont pas linéaires, des patterns qui évoluent par ruptures, par évolutions constantes, des patterns sinueux ou triangulaires plutôt. D'une certaine manière, la musique de Meginsky se rapproche de celle d'Evol, pour son approche minimaliste et hypnotisante. Mais c'est pas tout à fait ça. Déjà, il n'y a pas de référence à la techno et aux raves (ni à la BO de rencontre du troisième type...), ça sonne moins analogique. Meginsky aborde un territoire plus abstrait, plus parasitaire, plus noise en somme. Et ses beats sont régulièrement en interaction avec des fréquences de toutes sortes, des sinusoïdes simples mises en action par les beats, des sinusoïdes hachées, découpées et arrondies par les pulsations et les battements graves irréguliers.
Un disque vraiment surprenant qui ne ressemble à aucun autre et s'écoute facilement. Composées et découpées finement, ces pièces forment des territoires électroniques nouveaux, qui renouent avec le rythme et la mélodie d'une certaine manière, mais des rythmes et des mélodies mises en pièces. Recommandé.
JAKE MEGINSKY - L'appel du vide (LP, open mouth, 2014) : lien
Margarida Garcia - The Leaden Echo
Bassiste, contrebassiste et guitariste qui œuvre principalement dans les musiques improvisées depuis plus de dix ans maintenant, Margarida Garcia est une musicienne que je connais peu et dont on ne parle pas beaucoup malgré ses collaborations avec des artistes de renom (Mattin, ALfredo Costa Monteiro, Andrew Lafkas, Ernesto Rodrigues, Ferran Fages et même Thurston Moore tout récement). C'est Manuel Mota, sur son label Headlights, qui publiait le premier solo de cette musicienne en 2012, une seule face d'un LP intitulé The Leaden Echo.
Pour cette suite de deux pièces d'environ dix minutes chacune, Margarida Garcia utilise une contrebasse électrique seule, sans effets ni techniques étendues. Il pourrait s'agir de réductionnisme, mais ce serait réducteur d'en parler ainsi. Margarida Garcia a développé ici un langage simple, mélodieux, lancinant, et mélancolique. A l'archet sur la première pièce ou en pizzicato sur la seconde, Garcia développe un chant d'une beauté ensorcelante. Des notes simples, espacées, distantes, et surtout intenses se suivent les unes les autres dans un timbre proche de ce que beaucoup d'entre nous imaginent en pensant au chant d'une baleine. De longues notes résonantes, graves, profondes, des cris doux qui envoutent, bercent, émerveillent. Margarida Garcia propose une suite de deux pièces où la contrebasse se fait le médium d'un chant unique, un chant primitif et animal 'une certaine manière, mais également subtilement poétique et raffiné.
Solo de longues notes qui se répondent, d'harmoniques qui résonnent et forment un espace imaginaire et poétique, d'une femme et d'un instrument qui chantent la poésie du monde, d'un espace, et d'une espèce. Le chant lancinant d'une femme qui fait de la poésie subtile avec son instrument. Le chant d'une artiste qui veut chanter le monde, la contrebasse, et soi-même. Un travail très original sur la contrebasse, un travail voluptueux et poétique, subtil et profond, mais surtout beau et envoutant. Vivement conseillé.
MARGARIDA GARCIA - The Leaden Echo (LP, Headlights, 2012) : lien
Pour cette suite de deux pièces d'environ dix minutes chacune, Margarida Garcia utilise une contrebasse électrique seule, sans effets ni techniques étendues. Il pourrait s'agir de réductionnisme, mais ce serait réducteur d'en parler ainsi. Margarida Garcia a développé ici un langage simple, mélodieux, lancinant, et mélancolique. A l'archet sur la première pièce ou en pizzicato sur la seconde, Garcia développe un chant d'une beauté ensorcelante. Des notes simples, espacées, distantes, et surtout intenses se suivent les unes les autres dans un timbre proche de ce que beaucoup d'entre nous imaginent en pensant au chant d'une baleine. De longues notes résonantes, graves, profondes, des cris doux qui envoutent, bercent, émerveillent. Margarida Garcia propose une suite de deux pièces où la contrebasse se fait le médium d'un chant unique, un chant primitif et animal 'une certaine manière, mais également subtilement poétique et raffiné.
Solo de longues notes qui se répondent, d'harmoniques qui résonnent et forment un espace imaginaire et poétique, d'une femme et d'un instrument qui chantent la poésie du monde, d'un espace, et d'une espèce. Le chant lancinant d'une femme qui fait de la poésie subtile avec son instrument. Le chant d'une artiste qui veut chanter le monde, la contrebasse, et soi-même. Un travail très original sur la contrebasse, un travail voluptueux et poétique, subtil et profond, mais surtout beau et envoutant. Vivement conseillé.
MARGARIDA GARCIA - The Leaden Echo (LP, Headlights, 2012) : lien
Tetuzi Akiyama, Jason Kahn, Toshimaru Nakamura - ihj / ftarri
Sur ihj / ftarri (références aux deux lieux qui ont accueilli les performances présentées sur ce disque), on se retrouve face à trois figures dorénavant légendaires des musiques électroniques et improvisées : Tetuzi Akiyama (guitare), Jason Kahn (synthétiseur analogique), et Toshimaru Nakamura (table de mixage bouclée sur elle-même). Donc, il n'est certainement pas besoin de présenter ces monstres des musiques réductionnistes et électroniques, je pense que tous les lecteurs de cette page les connaissent.
En 2012, Jason Kahn faisait une tournée au Japon, durant laquelle il en a profité pour rencontrer de nombreux musiciens, ou rejouer avec de nombreux autres, collaborations qui sont présentées sur plusieurs disques récents (Yugue, Two Sunrises). Ainsi, durant cette résidence au Japon, c'était l'occasion pour l'artiste suisse d'origine américaine de retrouver deux collaborateurs avec qui il avait déjà joué, Akiyama et Nakamura, deux des principales figures du mouvement onkyo. Et c'est avec plaisir que j'ai découvert cette rencontre très fertile.
Akiyama, avec une simple guitare folk, produit des notes et des accords disséminés, espacés et distants, Jason Kahn, au synthé analogique, fabrique régulièrement des nappes ou des formes de bourdons en mouvement, du bruit de fond hautement imprégné de vie, de motifs aléatoires et de filtrages constants, et Nakamura agite sa table de mixage pour produire des interventions hachurées, découpées, soudaines et brusques, des interventions corrosives et dures. Trois langages personnels et créatifs s'entremêlent pour former des mélodies, des boucles, des échantillonnages, des interruptions ; en langage plastique, on parlerait peut-être de formes circulaires, linéaires, longilignes et de points. Et si on continue dans ce sens, on pensera toujours à Kandisky et une sorte une sorte d'entrelacement très équilibré de formes et de couleurs.
La musique de ce trio n'est pas réductionniste, ni électroacoustique au sens académique. Bien sûr, ça ressemble à de l'improvisation électroacoustique, c'est d'ailleurs de l'eai, mais de l'improvisation régie pour une écoute très attentive et qui prend pleinement en compte les personnalités de chacun, et surtout de l'improvisation régie par des idées musicales fortes, des langages bien ancrés, dirigée par une virtuosité incontestable et un sens de l'à-propos indéniable. Bref, deux excellentes improvisations électroacoustiques, riches, denses, intenses et créatives. Conseillé.
TETUZI AKIYAMA, JASON KAHN, TOSHIMARU NAKAMURA - ihj / ftarri (CD, winds measure, 2014) : lien
En 2012, Jason Kahn faisait une tournée au Japon, durant laquelle il en a profité pour rencontrer de nombreux musiciens, ou rejouer avec de nombreux autres, collaborations qui sont présentées sur plusieurs disques récents (Yugue, Two Sunrises). Ainsi, durant cette résidence au Japon, c'était l'occasion pour l'artiste suisse d'origine américaine de retrouver deux collaborateurs avec qui il avait déjà joué, Akiyama et Nakamura, deux des principales figures du mouvement onkyo. Et c'est avec plaisir que j'ai découvert cette rencontre très fertile.
Akiyama, avec une simple guitare folk, produit des notes et des accords disséminés, espacés et distants, Jason Kahn, au synthé analogique, fabrique régulièrement des nappes ou des formes de bourdons en mouvement, du bruit de fond hautement imprégné de vie, de motifs aléatoires et de filtrages constants, et Nakamura agite sa table de mixage pour produire des interventions hachurées, découpées, soudaines et brusques, des interventions corrosives et dures. Trois langages personnels et créatifs s'entremêlent pour former des mélodies, des boucles, des échantillonnages, des interruptions ; en langage plastique, on parlerait peut-être de formes circulaires, linéaires, longilignes et de points. Et si on continue dans ce sens, on pensera toujours à Kandisky et une sorte une sorte d'entrelacement très équilibré de formes et de couleurs.
La musique de ce trio n'est pas réductionniste, ni électroacoustique au sens académique. Bien sûr, ça ressemble à de l'improvisation électroacoustique, c'est d'ailleurs de l'eai, mais de l'improvisation régie pour une écoute très attentive et qui prend pleinement en compte les personnalités de chacun, et surtout de l'improvisation régie par des idées musicales fortes, des langages bien ancrés, dirigée par une virtuosité incontestable et un sens de l'à-propos indéniable. Bref, deux excellentes improvisations électroacoustiques, riches, denses, intenses et créatives. Conseillé.
TETUZI AKIYAMA, JASON KAHN, TOSHIMARU NAKAMURA - ihj / ftarri (CD, winds measure, 2014) : lien
Rudolf Eb.er - Brainnectar
Rudolf Eb.er est un artiste éminent du field recording, des installations sonores, et des performances psychoacoustiques, au même titre que Dave Philips certainement. Ce dernier, d'ailleurs, a été publié en double CD il y a très peu de temps sur le label de ces deux artistes : schimpfluch associates. C'était homo animalis, une sublime collection de field recordings activistes, réfléchis, et ultra intenses. Et très peu de temps après, voire en même temps, Rudolf Eb.er publiait également Brainnectar, un double CD regroupant de nombreux enregistrements de lui-même, avec la compagnie de la chanteuse/hurleuse membre de Hijokaidan Junko par moments (9 titres sur 42 pour être précis).
Brainnectar compile une série de miniatures soniques étranges. Un mélange d'enregistrements naturels et quotidiens, d'insectes et de machines industriels, d'animaux, d'éléments naturels (feu, eau) et de bruits banals associés à des instruments de traditions chamaniques, des voix ou des vieux enregistrements instrumentaux ralentis, ou à des bruits électroniques primitifs et forts (comme des buzzs par exemple). Eb.er ne joue pas sur l'aspect angoissant ou inquiétant des sons, il ne joue pas sur leurs effets les plus forts, mais plutôt sur le collage et l'assemblage d'éléments disparates. Les différentes pièces présentées sur ce disque, courtes et nombreuses, peuvent s'apparenter à une sorte d'art sonore proche du lettrisme ou du situationnisme. Rudolf Eb.er juxtapose des éléments mondains pour les perturber, mais aussi pour perturber l'expérience des auditeurs. Il propose ainsi une expérience et une perception déroutantes du monde, flippantes et agressives en présence des hurlements de Junko, possessives et contemplatives dans les pièces qui utilisent les éléments les plus banals, intrigantes aussi quand on n'arrive pas à reconnaître les sources, mais toujours décalées.
Une expérience et une perception décalées du monde car les sources et les éléments utilisés ne sont pas faits pour aller ensemble. Et pourtant, Rudolf Eb.er parvient à composer avec et à les assembler en maintenant une cohérence totale, il compose avec ces éléments de manière à ce qu'ils conservent toujours un intérêt, même pour les éléments les plus fins et les plus imperceptibles, et surtout de manière à ce qu'ils agissent toujours sur la conscience de l'auditeur, sur sa perception du monde, et sur l'expérimentation nouvelle de l'environnement sonore que propose cette suite de miniatures psychoacoustiques. Très bon travail.
RUDOLF EB.ER - Brainnectar (2CD, schimpfluch associates, 2014)
Brainnectar compile une série de miniatures soniques étranges. Un mélange d'enregistrements naturels et quotidiens, d'insectes et de machines industriels, d'animaux, d'éléments naturels (feu, eau) et de bruits banals associés à des instruments de traditions chamaniques, des voix ou des vieux enregistrements instrumentaux ralentis, ou à des bruits électroniques primitifs et forts (comme des buzzs par exemple). Eb.er ne joue pas sur l'aspect angoissant ou inquiétant des sons, il ne joue pas sur leurs effets les plus forts, mais plutôt sur le collage et l'assemblage d'éléments disparates. Les différentes pièces présentées sur ce disque, courtes et nombreuses, peuvent s'apparenter à une sorte d'art sonore proche du lettrisme ou du situationnisme. Rudolf Eb.er juxtapose des éléments mondains pour les perturber, mais aussi pour perturber l'expérience des auditeurs. Il propose ainsi une expérience et une perception déroutantes du monde, flippantes et agressives en présence des hurlements de Junko, possessives et contemplatives dans les pièces qui utilisent les éléments les plus banals, intrigantes aussi quand on n'arrive pas à reconnaître les sources, mais toujours décalées.
Une expérience et une perception décalées du monde car les sources et les éléments utilisés ne sont pas faits pour aller ensemble. Et pourtant, Rudolf Eb.er parvient à composer avec et à les assembler en maintenant une cohérence totale, il compose avec ces éléments de manière à ce qu'ils conservent toujours un intérêt, même pour les éléments les plus fins et les plus imperceptibles, et surtout de manière à ce qu'ils agissent toujours sur la conscience de l'auditeur, sur sa perception du monde, et sur l'expérimentation nouvelle de l'environnement sonore que propose cette suite de miniatures psychoacoustiques. Très bon travail.
RUDOLF EB.ER - Brainnectar (2CD, schimpfluch associates, 2014)
maxi 45 tours
Retour du duo Fujako, deux musiciens belge et portugais qui officient dans une sorte de dub/hip hop expérimental depuis quelques années. Et pour ce nouvel EP, ils s'adjoignent les services d'un rapeur nommé MC Black Saturn, laconique et virulent. La formule n'a pas changé, mais reste toujours aussi efficace. Fujako mélange le dub et le hip hop à l'indus et au noise. Un mélange détonant qui redonne toute la puissance et l'intensité initiales de ces genres qui peuvent paraître galvaudés aujourd'hui.
Avec Fujako, les beats lourds et gras sont soutenus pour des larsens stridents, par des résonances métalliques, par des basses caverneuses et organiques, mais aussi par des samples de voix mis en boucles et réverbérés un maximum. C'est laconique comme du dub, lancinant et rituel comme de l'indus, intense comme du noise et puissant comme du rap. Fujako a trouvé la formule parfaite pour ne pas faire danser, mais pour mettre par terre ses auditeurs non avertis. Le duo explore des territoires sombres, durs, crades, il explore les bas fonds, et avec génie s'il vous plaît.
Et quand on parle d'EP, je pense tout de suite au label autrichien Dry Lungs, qui s'est spécialisé dans l'édition d'EP noise et grind après un premier vinyle de Merzbow. Le second était donc un court EP d'une face à lire en 33 tours. Un disque sans titre du duo belge Bruital Orgasme, coproduit avec Hirntrust Grnid Media.
Pour ceux qui aiment le harsh noise, mais à petite dose, ce disque est parfait. Une dizaine de minutes de bruits déconstruits, de murs de larsens psychoacoustiques, où l'électricité devient une suite ininterrompue de sensations extrêmes : peur, panique, orgasme, illumination, obsession, angoisse et autres s'entremêlent dans le flux incessants de signaux sonores : du bruit, des voix, des samples.
Les accalmies sont rares, Bruital Orgasme joue surtout sur les climax, avec toujours plus de densité, de puissance, et d'intensité. C'est mouvementé, extrêmement mouvementé, et violent. J'adore, mais heureusement que c'est court.
Egalement coproduit par Dry Lungs, cette fois avec trois autres labels, A comprehensive guide to dismantling the weapons of mass destruction est un EP dont la singularité est qu'il faut plus de temps pour lire le titre que pour l'écouter.
Mais c'est aussi un disque de Raven, un artiste/activiste serbe qui propose ici deux pièces de cinq minutes chacune. Il s'agit de noise toujours, dans une version plus ambient, dark-ambient que harsh. Raven utilise à souhait de longues basses continues, sur lesquelles s'ajoutent progressivement des strates de bruit blanc.
Un disque sombre, abrasif, glauque et moite, qui ravira les amateurs de noise underground, de noise du fond de l'Europe, là où les musiciens ont connu le bruit ar le biais de la guerre, et non au conservatoire. C'est plus intime, personnel, plus morbide aussi, mais plus créatif que de nombreux disque de noise.
FUJAKO - Soul Buzz (EP/téléchargement, Angstrom, 2014) : lien / bandcamp
BRUITAL ORGASME - sans titre (EP, Dry Lungs/Hintrust Grind Media, 2011) : lien
RAVEN - A comprehensive guide to dismantling the weapons of mass destruction (EP, Dry Lungs/Underground Pollution/Rauha Turva/NHDIYSTREC) : lien
Avec Fujako, les beats lourds et gras sont soutenus pour des larsens stridents, par des résonances métalliques, par des basses caverneuses et organiques, mais aussi par des samples de voix mis en boucles et réverbérés un maximum. C'est laconique comme du dub, lancinant et rituel comme de l'indus, intense comme du noise et puissant comme du rap. Fujako a trouvé la formule parfaite pour ne pas faire danser, mais pour mettre par terre ses auditeurs non avertis. Le duo explore des territoires sombres, durs, crades, il explore les bas fonds, et avec génie s'il vous plaît.
Et quand on parle d'EP, je pense tout de suite au label autrichien Dry Lungs, qui s'est spécialisé dans l'édition d'EP noise et grind après un premier vinyle de Merzbow. Le second était donc un court EP d'une face à lire en 33 tours. Un disque sans titre du duo belge Bruital Orgasme, coproduit avec Hirntrust Grnid Media.
Pour ceux qui aiment le harsh noise, mais à petite dose, ce disque est parfait. Une dizaine de minutes de bruits déconstruits, de murs de larsens psychoacoustiques, où l'électricité devient une suite ininterrompue de sensations extrêmes : peur, panique, orgasme, illumination, obsession, angoisse et autres s'entremêlent dans le flux incessants de signaux sonores : du bruit, des voix, des samples.
Les accalmies sont rares, Bruital Orgasme joue surtout sur les climax, avec toujours plus de densité, de puissance, et d'intensité. C'est mouvementé, extrêmement mouvementé, et violent. J'adore, mais heureusement que c'est court.
Egalement coproduit par Dry Lungs, cette fois avec trois autres labels, A comprehensive guide to dismantling the weapons of mass destruction est un EP dont la singularité est qu'il faut plus de temps pour lire le titre que pour l'écouter.
Mais c'est aussi un disque de Raven, un artiste/activiste serbe qui propose ici deux pièces de cinq minutes chacune. Il s'agit de noise toujours, dans une version plus ambient, dark-ambient que harsh. Raven utilise à souhait de longues basses continues, sur lesquelles s'ajoutent progressivement des strates de bruit blanc.
Un disque sombre, abrasif, glauque et moite, qui ravira les amateurs de noise underground, de noise du fond de l'Europe, là où les musiciens ont connu le bruit ar le biais de la guerre, et non au conservatoire. C'est plus intime, personnel, plus morbide aussi, mais plus créatif que de nombreux disque de noise.
FUJAKO - Soul Buzz (EP/téléchargement, Angstrom, 2014) : lien / bandcamp
BRUITAL ORGASME - sans titre (EP, Dry Lungs/Hintrust Grind Media, 2011) : lien
RAVEN - A comprehensive guide to dismantling the weapons of mass destruction (EP, Dry Lungs/Underground Pollution/Rauha Turva/NHDIYSTREC) : lien
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