
La deuxième face propose une pièce similaire, en six parties, pour percussion. Les percussions sont ici des pièces aux hauteurs déterminées, proches du registre aigu d'un piano. Et là encore, le percussionniste joue une sorte de canon polyrythmique complexe avec seulement trois notes. Tout se joue là encore sur les micro-intervalles de temps, sur les mini cellules qui séparent chaque note et évoluent à chaque mesure en quelque chose de toujours différent. Il y a peu d'éléments encore, mais la musique reste cependant très riche, elle change constamment, tous les blocs diffèrent les uns des autres et on ne peut jamais prévoir ce qu'il va se passer, surtout pas les peaux très graves et profondes frottées à deux ou trois reprises durant ces vingt minutes, sans avertissement !

Le second volume se termine également avec une pièce qui utilise des matériaux aux couleurs proches, à savoir, huit tubes de verre. Chaque tube ne peut produire qu'une note, et elle est répétée à intervalles réguliers, mais seulement, ce sont ici les pulsations qui fluctuent sans cesse, qui ralentissent, accélèrent, se superposent et se décalent les unes par rapport aux autres. Car là encore, tout est joué sur une pulsation différente, l'intérêt est toujours, au-delà du timbre magique de ces tubes de verre, dans les surprises rythmiques constantes qui ornent cette polyrythmie virtuose et envoutante.
D'après ce que je comprend de l'allemand, on pourrait traduire Regenstücke par "morceaux de pluie". Et toutes ces pièces dont je viens de parler évoquent la pluie d'une certaine manière, elles évoquent la régularité et l'imprévisibilité des précipitations. Mais ce sont surtout les trois pièces de la première face de ce deuxième volume qui évoquent le mieux la pluie. Un orchestre est au loin, des cordes pizzicato sont entendues, quelques attaques cuivrées, régulières, aussi. Mais c'est orchestre est aussi présent que la ville, le trafic, et le son environnant. La pluie est ici évoquée en terme de rythme et de volume, son chaos et sa régularité sont toujours là, ses différentes densités aussi, en fonction du nombre d'instruments, mais elle est surtout évoquée en terme de volume puisqu'elle se fond dans l'environnement, elle le perturbe et le couvre à certains moments, mais sait aussi se faire discrète et à peine entendue lors des précipitations les plus douces.
Avec cette série de compositions, Peter Ablinger a superbement su s'inspirer d'un matériel naturel et bruitiste : la pluie, pour composer une série de pièces musicalement très riches, très finement composées et réalisées. La transposition instrumentale est très juste, les techniques de composition sont créatives, la réalisation est d'une précision ahurissante. Bref, bien sûr, deux disques grandement conseillés.
PETER ABLINGER - Regenstücke volume 1 (LP, God, 2012) : lien
PETER ABLINGER - Regenstücke volume 2 (LP, God, 2013) : lien