Pascal Battus - Simbol / L'Unique Trait D'Pinceau (Herbal International, 2011)


Pour ce double CD publié par le label malaisien Herbal International, l'artiste Pascal Battus nous livre deux albums assez différents mais, selon les notes du musicien, guidés par le même geste heuristique. Ce geste consiste en une exploration électroacoustique du son, faite entre autres de détournements d'instruments, de sélections de fréquences, et de techniques étendues.

Ainsi, le premier album, Simbol, réunit trois pièces basées sur l'utilisation de la cymbale. Pascal Battus utilise des enregistrements de cymbales et sélectionne des fréquences pures et des harmoniques stables issues de ces enregistrements. Sur ces trois magnifiques pièces, les frontières sont complètement brouillées entre l'électronique et l'acoustique: on reconnait autant les cymbales que l'impossibilité d'obtenir naturellement un tel son, mais aussi entre l'improvisation et la composition: si l'évolution paraît spontanée, l'organisation des sons n'en semble pas moins nécessaire. Une technique surprenante qui nous amène dans un territoire très riche, entre noise et minimalisme, où la texture prend une ampleur et une profondeur démesurées et envoutantes. Car Pascal Battus sait disséquer le son avec une habileté singulière et surprenante, les fréquences choisies sont très justement sélectionnées et très intelligemment agencées. L'échantillonnage du son prend très vite une dimension spatiale et architecturale, les différentes textures sonores qui se succèdent, s'opposent et s'enchevêtrent, se soutiennent et se confrontent, se déploient toujours de manière optimale et atteignent dans ce déploiement une dimension sacrée et rituelle. Il y a comme une teinte de mysticisme et de spiritualité dans cet album, comme si ce geste heuristique était motivé par une sorte de panthéisme sonore ritualisé à travers une sacralisation du timbre.

Le deuxième CD, L’Unique Trait D'Pinceau, réunit cinq pièces beaucoup plus hétérogènes, mais aussi plus confuses et moins réussies. Les notes ne précisent pas quels instruments ou procédés sont utilisés, et il est souvent très difficile d'identifier les sources sonores: qu'elles soient mécaniques, numériques, acoustiques. Les frontières sont encore plus brouillées entre les différentes manières d'obtenir, de travailler et de créer un son quelconque. Par contre, les cinq pièces sont beaucoup plus clairement axées sur l'improvisation en tant que réaction spontanée, Battus prend des risques,explore et travaille de nombreux univers sonores de manière très singulière et personnelle, à travers des vents, des percussions, une guitare, des installations, et il semble réagir à un résultat incertain ou même inattendu parfois. Beaucoup moins profond que Simbol, ce deuxième disque réunit certainement trop de matières, ou bien travaille des idées floues pour l'auditeur. Ceci-dit, il y a des moments très riches, telle la première pièce qui explore un son proche d'un cuivre extraterrestre dans un jeu de dynamismes plutôt intense, ou la dernière qui travaille l'interaction entre le timbre de la guitare, le silence et le larsen, ces trois éléments étant apparemment indépendants l'un de l'autre durant cette piste. Mais ce qui se trouve entre ces deux pièces est plutôt inégal, parfois même ennuyeux, le ton n'est pas toujours assuré, et la recherche sonne comme un travail incertain, mal assumé. Pendant ces pièces, j'ai souvent été frustré, car il y a de nombreuses trouvailles riches et passionnantes, mais elles sont malheureusement trop peu développées et ne prennent pas assez de consistance, hormis sur la dernière piste.

Comme Frans de Waard (Vital Weekly 786), on peut prendre le deuxième disque comme un bonus, car il est certain que Simbol est LE véritable bijou de cette publication, un chef d’œuvre d'une profondeur et d'une richesse hors du commun, qui sait développer et déployer une texture sonore de manière abyssale grâce à des outils et des procédés assez réduits. Du coup, je trouve vraiment dommage que l'inventivité et le talent de Pascal Battus perdent en consistance durant L'Unique Trait D'Pinceau, aussi riche qu'évanescent. Difficile d'écrire sur ces pièces, un premier disque magnifique et merveilleux, proche de la perfection, et un deuxième groupe de pièces très originales certes, mais plutôt appauvries par des réflexes spontanées, par cette spontanéité à laquelle Battus accorde certainement trop d'importance. En tout cas, je recommande vraiment l'écoute de ce disque, au moins le premier, qui nous offre un paysage sonore absolument splendide, intense, spirituel, chaleureux, aventureux et inventif.

Tracklist:
CD1-01-Limb / 02-Mobil / 03-Soil
CD2-01-L'unique trait d'1 / 02-Percussion verticale / 03-L'unique trait d'2 / 04-Percussion horizontale / 05-Bouteille magnétique