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Luciano Maggiore & Enrico Malatesta

Enrico Malatesta et Luciano Maggiore sont deux jeunes artistes italiens qui œuvrent dans les domaines des musiques improvisées (Malatesta surtout, aux percussions) mais aussi et surtout dans les installations sonores et les recherches expérimentales sur le son à travers une grande variété de médias.

Enrico Malatesta & Luciano Maggiore viennent aussi de lancer un label (triscele registrazioni) avec pour première publication, une suite de miniatures sonore réalisée par eux-mêmes et intitulée talladura.

A première vue, cette suite de quatorze pièces d'neviron deux minutes semble fortement influencée par Maggiore surtout. Un système de diffusion utilise des boucles de parasites minimalistes et les exploitent en toute simplicité, sans collage, ni effet, ni suramplification. Mais Malatesta apporte aussi une touche acoustique et plus aléatoire avec des objets en tous genres qu'il laisse vivre par eux-mêmes. Des balles de pingpong tombent à terre, du bois est déplacé, etc. Malatesta & Maggiore jouent sur des courtes durées, avec seulement un ou deux sons, des sons quotidiens, simples, banals, des sons de tous les jours qu'on a oublié depuis longtemps, mais que les deux musiciens mettent ici en forme d'une manière surprenante.

La musique de ce duo est très étrange. Ce n'est pas vraiment électroacoustique, et ce n'est pourtant pas acoustique ni électronique. La source n'a pas tellement d'intérêt, le son est posé tel quel, sans fioritures ni artefacts. Luciano Maggiore & Enrico Malatesta explorent ici un environnement sonore banal, et ils l'explorent dans toute sa simplicité. Et de par cette simplicité et cette banalité, ces sketches paraissent ainsi tour à tour bruts, drôles, incongrus, austères, riches, ou pauvres. Mais toujours, la simplicité de ces sketches est déroutante et elle étonne.


Quelques mois (au plus) avant cette sortie, le label consumer waste publiait la première collaboration entre Luciano Maggiore et Enrico Malatesta. Il s'agissait de talabalàcco, une longue pièce encore plus surprenante de 40 minutes et des poussières. Cette fois, les musiciens sont crédités aux synthétiseurs et aux objets acoustiques, mais comme sur l'autre opus, les sources s'effacent toujours derrière le son en tant que tel.

Sur ce disque les phénomènes sonores, acoustiques ou synthétiques, sont utilisés de la même manière : une approche brute, directe, et minimaliste. Par certains aspects, je trouve que la musique de ce duo ressemble beaucoup à de la musique concrète ou acousmatique, de par l'utilisation de phénomènes et d'objets sonores quotidiens, mais aussi dans sa manière d'user des sons de manière brute. Mais il s'agirait d'une musique concrète hyper minimaliste. Comme si Pierre Henry réalisait une partition d'Antoine Beuger. C'est d'autant plus flagrant dans ce disque composé également sous forme de vignettes sonores qui se succèdent. Des vignettes simples et archaïques, à très bas volume, et séparées ci par de longs silences qui doivent remplir entre un quart et un tiers du disque. Ces silences informels rendent la structure très opaque et confèrent à chaque phénomène ou idée sonore une dimension épiphanique. Les sons ne sont presque rien, mais après un silence de plusieurs dizaines de secondes, ils prennent une dimension complètement autre, et c'est ce qui fait l'intérêt de ce disque. Car ici aussi, Maggiore et Malatesta utilisent des sons qui paraissent usuels, banals et quotidiens, mais au sein de ce disque, ils parviennent à offrir à ces phénomènes sonores une dimension qu'on n'aurait jamais imaginé.

LUCIANO MAGGIORE & ENRICO MALATESTA - talladura (CDr, Triscele Registrazioni, 2014) : lien
LUCIANO MAGGIORE & ENRICO MALATESTA - talabalàcco (CDr, Consumer Waste, 2014) : lien

1000füssler

GUNNAR LETTOW/GREGORY BÜTTNER - Flakes (1000füssler, 2014)
Gregory Bütnner continue sa série de publications au format mini-cdr (3") avec trois nouveaux disques. Le premier est un duo composé de Gregory Büttner lui-même (objets, ventilateur, haut parleur) & Gunnar Lettow (basse électrique, objets, field-recordings). Ce dernier utilise sa basse de manière plus électroacoustique que préparée, il place de nombreux objets dessus, joue avec les microcontacts, et place en plus des field-recordings qu'on a du mal à distinguer. Quant à Büttner, il met des objets en résonance grâce à un haut parleur basse en cône qui diffuse une fréquence sinusoïdale basse inaudible, haut parleur au sein duquel il met des objets, en plus d'autres objets mis en mouvement sur un ventilateur d'ordinateur. En gros, il s'agit de deux pièces de musiques électroacoustiques assez abstraites et très marquées par le bricolage, la réalité sonore des objets, et la physicalité du son. C'est court (18 minutes), et j'ai un peu de mal à évaluer la pertinence de ce projet. Ca me paraît très inventif, très créatif, Büttner & Lettow produisent des sons comme on en entend rarement, et j'imagine que les performance live doivent vraiment valoir le coup ; mais je n'arrive pas à savoir si ça tiendrait sur la longueur étant donné qu'ils ne semblent pas trop se soucier de la forme. On est proche de l'improvisation électroacoustique, mais complètement en-dehors des instruments : Büttner & Lettow fabrique du son pur, abstrait, et corrosif, et ça vaut le détour.

LUCIANO MAGGIORE - Onagro (1000füssler, 2014)
Six pièces provenant de field-recordings réalisés dans le sud de l'Italie, et 22 minutes d'une musique vraiment étrange. Avec Onagro, l'artiste sonore italien Luciano Maggiore propose encore une fois un disque comme on en aurait jamais imaginé. Si c'est bien fait à partir d'enregistrements de terrain travaillés ensuite sur un Revox, c'est vraiment difficile d'imaginer la source tellement le résultat semble abstrait. Maggiore nous convie ici à un voyage imaginaire au pays d'instruments inimaginables. On a l'impression d'entendre des percussions par moments, ou des clés de saxophone, puis des battons de pluie dans une chambre anéchoïque. Mais il s'agit d'une impression floue, on sait que ce n'est rien de tout ça, mais on ne sait pourtant pas à quoi à s'accrocher. Maggiore a composé ici six sketches sonores vraiment intrigants, très austères et abstraits, avec beaucoup d'espace, des textures qui interrogent, un volume faible, et surtout une imagination et une créativité qui sont propres à Luciano Maggiore. Très bon travail (encore une fois trop court peut-être).

AMPTEXT - Seeds of erasure (1000füssler, 2014)
Gary Rouzer est un musicien américain basé à Washington, qu'on trouve ici sous le pseudonyme de Amptext. Et pour ce mini-disque de vingt minutes tout rond, il nous propose deux belles pièces composées à partir d'objets, de cassettes, de field-recordings et de violoncelle. Sur Seeds of erasure, on commence par entendre les field-recordings, des enregistrements d'espace sonore comme ceux d'Anne Guthrie par exemple, des enregistrements de ventilateurs à air conditionné superposés. Et par-dessus ces belles bandes, Amptext agite et fait résonner divers objets (métalliques, motorisés, etc.) avant de jouer quelques notes de violoncelle enfantines sur la seconde piste. L'ambiance est aérienne, lumineuse, et espacée. Les éléments soniques présents sont simples, Amptext ne se précipite pas et propose deux pièces proches du drone dans la forme, mais plus créatives dans le contenu. Comme souvent sur ce label, on a affaire ici à un artiste qui a su accorder une large place au développement d'un langage personnel, et abstrait. C'est le première fois que j'entends ce musicien, et ça s'annonce plutôt bien. J'aime beaucoup cette superposition d'enregistrements abstraits et profonds, avec des objets incongrus et un instrument classique joué de manière tradtionnelle surtout. En soi, chaque élément n'est pas tellement neuf, mais leur superposition sensible et fine, par contre, l'est assurément. Conseillé.

[luciano maggiore]

LUCIANO MAGGIORE - Intersezioni di Vortici, Studi Ritmici e False Chimere (Senufo, 2012)
Premier disque solo de Luciano Maggiore après plusieurs CD-R et EP, en solo aussi, ou en compagnie de Francesco Brasini. Maggiore est également un collaborateur constant du  percussionniste Enrico Malatesta. Si Maggiore est surtout connu pour son intérêt pour les systèmes de diffusion complexe comme la quadriphonie et les sources statiques comme les walkmans, il s'agit ici d'une courte suite de dix miniatures pour synthétiseur analogique.

Sur cette suite, il n'est pas question de virtuosité et de démonstration de force, Luciano Maggiore se concentre principalement sur le déphasage des boucles. Chaque pièce explore une courte boucle analogique, un léger bug électrique avant de la déphaser progressivement. Les textures sont pauvres, austères et simples,  mais c'est le mouvement du son qui est intéressant ici. Maggiore propose dix séquences d'un évènement sonore analogique quelconque mis en mouvement. Comme autant d'études du rythme propre aux fréquences acoustiques. Des textures simples, mais une approche profonde et immersive du son, car Luciano Maggiore s'emploie ici à mettre en évidence ce qui ne l'est pas, le mouvement même des ondes dans l'air. Une suite qui demande de l'attention et une immersion complète, qui demande à vraiment rentrer dans chaque phénomène sonore comme dans un tableau. C'est parfois dur, mais ça en vaut le coup, car l'expérience est vraiment singulière.

[présentation & extraits: http://www.senufoeditions.com/wordpress/?page_id=577]

LUCIANO MAGGIORE - Yellow (Villa Romana, 2010)
45 tours publié par la Villa Romana, Yellow est une suite de quatre courtes pièces composées par Luciano Maggiore à l'occasion d'une installation sonore. Je ne connais rien de cette installation, hormis que ces quatre pièces ont été enregistrées dans le but d'être diffusées à travers un casque dans un lieu précis.

En elles-mêmes, ces pièces qui durent entre une et quatre minutes flirtent de très près avec la musique concrète. De nombreux objets sont frottés et le geste est également rendu par une spatialisation du son à travers la stéréo. Dans cette suite intense et sombre, presque oppressante par moments, Maggiore s'intéresse déjà à la diffusion du son dans l'espace, ou à l'espace comme structure temporelle. Car c'est le geste et le déplacement qui donne forme à la musique ici. Et non l'inverse.

Quant aux sons en eux-mêmes, c'est strident, oppressant, intense, extrêmement tendu, et Luciano Maggiore s'y plonge à corps perdu. Comme du polystyrène frotté, et enregistré de très très près, avec en arrière-plan des soubresauts granuleux. Une manipulation de bande assez jouissive en somme. De toute façon, il s'agit bien là d'un disque aussi court que réjouissant. Excellent travail.