d'incise/hennig/kocher/sciss - sans titre (Insubordinations, 2012)
Quartet étrange publié en téléchargement libre sur Insubordinations et en CDR, ce nouvel opus de d'incise (ordinateur et objets) réunit deux autres créateurs de textures sonores numériques, Ludger Hennig et Sciss (Hanns Holger Rutz de son vrai nom), ainsi que l'accordéoniste Jonas Kocher.
Étrange formation électroacoustique car on peut se demander ce qu'un accordéon vient faire au beau milieu de ces trois ordinateurs. Mais en fait, la distinction entre les sources informatiques et les sources acoustiques est la plupart du temps difficile à faire durant ces quarante minutes. Quelques objets (souvent percussifs, comme des cloches) sont triturés de mille manières par d'incise, l'accordéon joue principalement sur la dynamique des différentes textures possibles, et les différents traitements informatiques jouent des contrastes et des ruptures entre les couleurs. Le souffle des basses de l'accordéon, accords profonds et caverneux, s'opposent à des ondes sinusoïdales proches du larsens, tandis que des boucles surgissent et disparaissent. L'ambiance est étrange, souvent calme et linéaire, mais de nombreuses ruptures et fractures sont également là, le calme peut facilement être rompu par une boucle agressive, par un puissant accord d'accordéon ou par un traitement sonore virulent. Tout est affaire d'ambiance, d'opposition et de contrastes entre les textures et les dynamiques, affaire de narration et de fracture, d'interaction entre l'informatique et l'acoustique.
Une interaction et un dialogue surprenants entre les différentes sources sonores, pas toujours passionnant, mais qui parvient bien un créer une ambiance et un univers originaux, et à explorer des territoires escarpés et frais.
Album disponible sur le site d'Insubordinations à cette adresse: http://www.insubordinations.net/releasescdr11.html
Diatribes/Abdul Moimême/Eduardo Chagas/Ernesto Rodrigues/Nuno Torres - Brume (Creative Sources, 2011)
Autre disque de d'incise sous le nom de Diatribes cette fois, c'est-à-dire lui-même à l'ordinateur et aux objets avec son camarade Cyril Bondi, à la grosse caisse, aux objets et aux cymbales. Sur Brume, on trouve également en compagnie du duo quelques musiciens portugais habitués du label CS, Abdul Moimême à la guitare préparée, Eduardo Chagas au trombone, Ernesto Rodrigues au violon alto et Nuno Torres au saxophone alto.
Cinq improvisations sans titres et sans surprises où les textures se multiplient et s'agencent avec calme et quiétude. Une grande sensibilité aux couleurs, à l'interaction et aux mélanges des sons, mélanges indistincts de techniques étendues variées et multiples. Sans surprises par rapport à l'ambiance assez commune aux productions portugaises, mais tout de même, Brume est composé d'agencements de couleurs toujours surprenantes et particulières. Un album qui porte bien son nom, tant l'univers est justement brumeux, avec cette multitude de bruits qui fusionnent en une masse informe de sons. Une architecture sonore un peu vaporeuse où la source importe peu par rapport au son collectif, une musique de groupe, collective avant tout, qui joue énormément sur l'interaction et l'étirement du temps, car on ne trouve évidemment aucune pulsation, aucun rythme, ni aucune mélodie ou note. Le son du groupe est assez prenant et nous emmène sur des territoires connus de ces musiciens, mais tout de même peu communs, entre les micropolyphonies de Ligeti et la scène réductionniste. Les fans seront ravis, les néophytes déroutés, et les amateurs pourront naviguer entre le scepticisme et l'admiration. Quant à moi, je ne sais pas où me placer, je me balance entre ces sentiments et ces pensées contradictoires... A vous de voir.