and/also - like also and any (idealstate, 2012)
and/also est un duo totalement acoustique, une forme instrumentale mille fois entendue déjà dans le free jazz: un duo saxophone/percussions, avec respectivement Stuart Porter à l'alto et Lee Noyes. Je parle de free car and/also adopte certaines caractéristiques de ce mouvement, l'instrumentation d'une part, et surtout le phrasé serré à la Ornette (qui semble même cité à la fin de la première piste), lyrique et mélancolique comme Ayler, de l'alto de Porter. Cependant, le duo va plus loin en intégrant d'autres éléments aussi importants durant ces quatre pièces et en éliminant certaines propriétés essentielles et/ou omniprésentes dans ce courant musical. On peut très vite se perdre dans ce paysage sonore qui n'évoque pourtant que des éléments déjà connus de beaucoup: Porter répète certains riffs parfois très swinguant, mais Noyes reste systématiquement à l'écart, joue à contretemps ou réduit la rythmique à une seule grosse caisse frappant les deux premiers temps de manière monotone et neutre, sans parler de l'absence notable de crescendo et d'énergie furieuse pourtant propres au free. Et d'un autre côté, on ne peut pas non plus réellement parler de réductionnisme à cause des éléments rythmiques et mélodiques déjà évoqués malgré l'utilisation constante du silence, d’interactions décalées et de techniques étendues (archet sur cymbales, multiphoniques, etc.).
Du free jazz réductionniste? Peu importent les étiquettes, la musique proposée sur ce fantastique like also and any nous offre de vastes étendues sonores puissantes et originales, des espaces très aérés et poétiques, et une large palette de timbres et de formes d'interactivité utilisés avec parcimonie, sensibilité, et attention. Un duo simple et accessible, au-delà des genres et des étiquettes, très intense; en bref, un beau rafraîchissement et renouvellement de certaines musiques. Vraiment réjouissant, voire plutôt jouissif!
Tracklist: 1-also and any like / 2-and any like also / 3-any like also and / 4-like also and any
Lee Noyes - Xiàzhì (idealstate, 2012)
Premier enregistrement solo aux larsens, Xiàzhì rassemble deux pièces enregistrées en studio plus une longue pièce live d'une demi-heure. Les deux premières jouent sur une succession de fréquences uniques qui varient selon les hauteurs, intensités, textures, volumes. Des fréquences autonomes et invariables en elles-mêmes, séparées par des silences ou des souffles numériques qui s'enchaînent sans logique apparente, car chaque son surgit de manière autonomisée sans ordre logique. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces deux morceaux ne m'ont pas vraiment enchanté, on dirait une analyse abstraite des sons, une analyse froide où chaque bruit surgit de manière inattendue certes, mais aussi irrationnellement et dépourvue de tout sentiment comme de toute intention. Un peu comme si on avait extériorisée la création sonore dans un programme numérique produisant des larsens aléatoirement et chaotiquement.
Reste ce live qui prend tout de même la moitié du temps de ce disque. Un live beaucoup moins froid, abstrait et minimaliste que les deux enregistrements studio, où on peut agréablement entendre les textures se superposer de temps à autre, mais également les entendre moduler à l'inverse des fréquences générées au début. Une demi-heure plus vivante et moins austère, peut-être minimaliste, mais plus proche de Toshimaru que d'une copie médiocre de Sachiko. Xiàzhì génère des sons minimaux, réduits à presque rien, de manière austère. Un album dur, radical et extrême qui conviendra peut-être aux férus d'avant-garde et d'expérimentations électroniques mais qui, personnellement, m'a laissé aussi froid qu'une expérimentation creuse.
Lee Noyes & Radio Cegeste - to orient themselves with coastlines (idealstate, 2012)
Sans aucun doute, to orient themselves with coastlines est le plus réussi de cette nouvelle fournée néo-zélandaise. Aux côtés de Lee Noyes à l'électronique et à quelques percussions très légères et extrêmement sporadiques, on trouve l'artiste sonore Sally Ann McIntyre (alias Radio Cegeste), qui travaille principalement ici, comme à son habitude, sur des fréquences radios et l'électromagnétisme. Sur cet album, on trouve quatre pièces qui ont en commun de toutes être basées sur une trame tissée par les fréquences radios, AM et FM forment une sorte de bourdon et de ligne directrice sur lesquelles se greffent de multiples sources sonores toujours bienvenues, comme par exemple des percussions discrètes, des vieux vinyles, des enregistrements d'accordéon défectueux et de chants d'oiseaux, ou encore un thérémine. Il y a une profusion de sonorités et de textures qui s'emmêlent, se superposent, s'enchevêtrent et se structurent, mais cette profusion est organisée avec parcimonie et attention, jamais rien de chaotique malgré la richesse des matériaux. Les couleurs se superposent sans se mélanger, une grande attention est portée au déploiement de chaque texture et de chaque couleur durant cette espèce de collage au rythme contemplatif plutôt qu'épileptique. LN et RG développent chacun une texture globale pleine d'aspérités, ils déploient des paysages granuleux aux reliefs profonds et aux couleurs multiples, mais toujours à partir de fonds sonores corrosifs. En soi, les sons ont quelque chose d'agressif, du fait de leur grain, mais la délicatesse apportée à leur déploiement et la finesse de leur tissage font de ces broderies électroniques une musique délicate et poétique, sensible et envoûtante, belle et précieuse - ce que je ne mettrai pas sur le compte de la présence d'une artiste féminine...
En bref, quatre pièces évocatrices et poétiques, aux couleurs claires et multiples. Modulations de fréquences et collages sonores granuleux, parasites technologiques et détournements médiatiques forment une suite sonore et narrative riche en textures. Des photos magnifiques, des notes intéressantes, quatre pièces magnifiques: Recommandé!