Sergio Merce - be nothing


Après un premier essai en solo paru sur Potlatch, Sergio Merce revient avec be nothing : une nouvelle proposition pour saxophone microtonal toujours (un saxophone modifié par lui-même à l'aide d'eau, de gaz et d'air comprimé à la place des mécanismes habituels), accompagné cette fois d'électronique et de synthétiseur analogique. Il y a plus d'instruments que sur son premier solo, mais ça ne veut pas dire que Sergio Merce part dans le noise ou l'impro, au contraire, sa musique est encore plus posée que précédemment, et l'ajout d'instruments lui permet de mieux se concentrer sur chaque son, d'être plus précis et moins contraint pour une musique encore plus fantomatique que la première fois. 



C’est franchement dur de résister à la tentation de comparer ces deux disques. Il y a bien des différences entre Microtonal Saxophone et be nothing, mais ils restent fondamentalement assez proches. Sergio Merce explore le même intérêt pour les superpositions de différentes couches, et surtout pour les intervales microtonaux. Pourtant, be nothing est moins une démonstration de force que son précédent disque. Il ne s’agit plus ici d’une suite de variations offertes par son instrument, le saxophone n’est plus un prétexte à la musique, Sergio Merce semble s’être avant tout concentré sur la structure.

Une structure qui lui a permis d’être publié par Wandelweiser peut-être, puisqu’il s’agit d’une longue piste d’une heure où les superpositions de couches sonores sont entrecoupées de longs silences. Quant aux couches en elles-mêmes, elles évoluent progressivement et sont plus riches que sur son précédent solo. Enfin, « riches » d’une certaine manière. Les couches ne sont pas aussi complexes, mais l’électronique et le synthétiseur analogique permettent tout du moins à Sergio Merce d’élargir le registre à certaines fréquences (basses et aigues) qui n’auraient pas été possibles avec le saxophone seulement.

Tous les fragments sonores explorent des intervales qui se frottent, on retrouve souvent des battements harmoniques et des tensions qui confèrent à cette musique quelque chose de spectral et fantomatique, mais aussi de poétique. Sergio Merce joue sur les relations entre les sons, entre les harmoniques, sur les résonances et les durées, sur les répétitions et les oublis, il joue une musique unique faite de fréquences simples aux relations complexes.

Be nothing est vraiment complémentaire à Microtonal Saxophone, si vous avez aimé le premier, vous ne serez pas déçus. Et si vous le n’aviez pas déjà écouté, c’est l’occasion de découvrir ce saxophoniste argentin hors norme avec ces deux disques aussi beaux l’un que l’autre.


SERGIO MERCE - be nothing (CD, wandelweiser, 2016) : http://www.wandelweiser.de/_e-w-records/_ewr-catalogue/ewr1604.html