Thomas Ankersmit - Homage to Dick Raaijmakers

Après quatre ans d'absence, Thomas Ankersmit revient enfin avec un nouveau solo à paraître durant septembre, un disque hautement recommandé pour n'importe quellle personne intéressée par la musique électroacoustique, la noise, ou les compositions pour synthétiseurs modulaires. Il s'agit d'une commande de Sonic Acts pour une composition électronique en hommage au compositeur Dick Raaijmakers, décédé en 2013, réalisée sur un système modulaire Serge, accompagné de micro contacts et d'un générateur de sinusoïdes et d'ondes carrées.



La pièce est composée de plusieurs parties distinctes qui forment des blocs plutôt homogènes. On traverse différents environnements qui peuvent être aussi bien des sortes de nuages sonores formés par le modulaire, des plages de fréquences simples qui se jouent des otoémissions acoustiques (ce pourquoi l'écoute au casque n'est pas conseillée), jusqu'au superbe climax atteint à la moitié de la composition, composé de fréquences abrasives et saturées, de larsens stridents et de brouillard analogique.



Je n'ai pas réécouté les précédents disques solo d'Ankersmit depuis pas mal de temps, mais j'ai l'impression que celui-ci est plus dépouillé, plus austère, et en même temps bien plus intense et superbement construit. Les différentes parties s'équilibrent très bien les unes les autres et forment une structure narrative cohérente et parfaite. Quant au son lui-même, c'est juste fantastique. Les premiers nuages forment des masses qui ressemblent à des field-recordings. On a plus l'impression d'entendre un enregistrement d'ambience qu'un synthétiseur. C'est organique, chaotique et rationnel comme la nature, une sorte d'atmosphère lourde et menaçante, monolithique et extrêmement vivante. Pour les passages plus axés sur des fréquences simples, je n'ai pas souvenir d'avoir entendu quelque chose d'aussi poussé depuis longtemps sur les recherches acoustiques. Avec deux ou trois fréquences (sine et pulse) et très peu de mouvement sonore, notre corps perçoit une multitude de phénomènes sonores illusoires selon notre place et nos mouvements. Puis vient ce climax monumental, une explosion de fréquences en tous genres, d'oscillateurs en larsens, de masses abrasives, de crépitements eléctriques et de distorsions.



La seconde partie du disque est moins claire et ces éléments se mélangent en plus de bandes manipulées et de micro-contacts manipulés assez discrètement. C'est plus calme, plus subtil et moins impressionnant à la première écoute mais c'est exactement ce qu'il fallait pour finir, reste une recherche de textures sonores plutôt hallucinante qui nous entraîne dans des contrées méconnues et inattendues.

En bref, voici un disque de musique électroacoustique monumental. Ankersmit développe un langage sonore inoui, dans une structure juste parfaite. On entend rarement un modulaire sonner de manière aussi vivante et abstraite en même temps, organique et austère, Ankersmit a su composer ici une musique unique au-delà du drone, de la noise et de l'électroacoustique, il s'agit d'une véritable composition musicale électronique, aussi puissante et organique que la meilleure des oeuvres pour orchestre.


THOMAS ANKERSMIT - Homage to Dick Raaijmakers (CD/LP, Shelter Press, 2018)