The Ames Room - Bird Dies (Clean Feed, 2012)


Ces dernières années, The Ames Room a écumé les festivals et salles de concerts, notamment en Europe où ils ont eu de nombreuses fois l'occasion de (re)présenter leur musique. Je ne vous apprendrai certainement pas grand chose en vous disant que ce trio est constitué de Jean-Luc Guionnet (saxophone alto), Clayton Thomas (contrebasse) et Will Guthrie (batterie) et qu'il a déjà eu l'occasion de se faire remarquer l'année dernière avec un (très bon) LP publié par Monotype; mais sait-on jamais, peut-être une âme égarée lira-t-elle cette chronique...

Pour Bird Dies, le trio Guionnet/Thomas/Guthrie propose un enregistrement live d'une longue pièce de 45 minutes. Du free jazz, The Ames Room en a conservé l'énergie et la virulence peut-être, mais le trio évolue sur une forme beaucoup plus personnelle. Il s'agit bien plus de l'imbrication de cellules et de motifs souvent répétitifs et obsessionnels, trois modules sont simultanément exploités jusqu'à l'épuisement, trois modules qui s'enchevêtrent, se superposent et dialoguent en même temps. Il ne s'agit pas de monter le volume, d'augmenter la densité ou l'intensité, pas de crescendo ni d'accélération; il s'agit avant tout de puiser toute l'énergie possible d'une formule donnée, que ce soit une note, un motif, une rythmique, une pulsation. Il ne s'agit pas non plus de transe, The Ames Room exploite la musique de manière musicale et non rituelle, si un motif s'épuise, le trio n'attend pas non plus l'épuisement du spectateur, mais renouvelle constamment sa formule et l'énergie transmise et exploitée.

Répétitif? Bird Dies l'est à première vue peut-être, mais les lignes tracées par chaque musicien évoluent continuellement. L'impression de répétition est similaire à celle d'un cœur ou de n'importe quel organe, chaque partie suit un mouvement qui paraît répétitif, mais qui s'adapte constamment au tout dans lequel elle s'insère, les motifs organiques et répétitifs évoluent au gré du corps que représente The Ames Room. Un corps solide et sans âme supérieure et directive, un corps où chaque partie est intimement connectée à chaque autre, où les organes sont reliés par une écoute extrêmement sensible, plus une énergie et une volonté communes. Et c'est certainement cette profonde connexion entre Guionnet, Thomas et Guthrie qui permet une précision dans les réponses apportées à chaque situation ainsi que dans l'évolution énergique et dynamique de chaque partie qui compose cette pièce.

Mais ce qui me semble le plus incroyable dans ce nouvel opus, c'est cette tension toujours maximale, cette énergie inépuisable. The Ames Room ne s'arrête jamais sur Bird Dies, le trio ne se repose pas et évolue toujours dans la même dynamique ultra énergique, mais jamais fatigante. Une pulsation massive, bétonnée, des phrases mélodiques puissantes et intenses, des ostinatos véhéments, autant d'éléments qui plongent l'auditeur dans un maelstrom sonore incendiaire d'une rare puissance et d'une rare intensité.

Un rare chef d'oeuvre, exceptionnellement marquant!