A la base, Phantom Limb est un collectif à géométrie variable qui regroupe Shawn Hansen, Jaime Fennelly, Chris Heenan et Chris Forsyth. Seuls les deux premiers sont présents sur In celebration ..., interprété par les deux compositeurs aux oscillateurs et à l'orgue Farfisa.
Durant les trois premières pistes, seul un drone lancinant et obsédant est présent. Un drone très grave, sous forme de vagues régulières et déterminées à nous emmener quelque part, sur lequel s'ajoute quelques bruits faibles, quelques frottements et ondes sinusoïdales. Le duo prépare le terrain, un terrain linéaire et narratif, une longue traversée d'un territoire sombre mais pas nécessairement inquiétant, un territoire qui peut même être rassurant grâce à sa continuité et à son caractère obsessionnel. Il faudra attendre quelques temps avant que ce drone prenne vraiment place, il faudra attendre qu'il atteigne les abysses les plus graves qu'il puisse atteindre pour que les orgues se greffent mélodiquement à ce voyage cinématographique. Car la volonté de Phantom Limb semble belle et bien être de composer la bande originale d'une sorte de film imaginaire, du relevé cinématique d'un subconscient fantasmé. Hansen & Fennelly nous plonge pendant 45 minutes dans les limbes d'un inconscient mélancolique et sombre, seul et déprimé, mais non pas désespéré, comme pourrait le laisser supposer la froideur des sinusoïdes et la profondeur vertigineuse des basses qu'atteignent le drone qui construit cette suite de huit pièces qui se suivent sans ruptures.
Car déjà avec les sinusoïdes, un semblant d'harmonie tend à émerger des accords qu'elles forment, accords qui malgré leur saturation et l’extrémité qu'ils atteignent tendent à nous rassurer et à nous offrir des points d'accroche et d'espoir pour ce voyage subliminal qui pourrait sinon paraître interminable et profondément angoissant. Mais c'est surtout l'apparition des orgues, lors de la deuxième partie de cette suite abstraite, qui va se montrer la plus rassurante. Et la plus entraînante. Le temps prend alors une consistance, des accroches mélodiques répétitives et simples nous entrainent viscéralement et organiquement dans ce long continuum sonore abstraitement imagé.Il n'y a plus de question à se poser, la mélodie nous entraîne dans un maelström sonore saturé et merveilleux, inattendu et fantastique. Une mélodie toujours aussi obsessionnelle en réalité mais moins oppressante que le drone qui la sous-tend, une mélodie aérienne qui vient équilibrer le caractère très terrestre des basses et permet ainsi à l'auditeur non plus de s'accrocher à un terrain sombre et hostile, lourd et grave, mais bien plutôt de survoler plus légèrement et avec facilité un espace gigantesque, formé d'une multitude d'éléments, éléments cohérents, qui s'équilibrent, s'opposent, et se soutiennent.
Magnifique voyage. Hautement recommandé.
http://unframedrecordings.net/uf/