Un étrange objet sous vide qui demande à être déchiré pour être ouvert, sans plus aucune possibilité de le refermer. Par peur et fétichisme, on attend le dernier moment avant d'ouvrir la pochette, pour ne pas l'abimer. Une fois ouverte, elle l'est pour toujours, et tant mieux! Car une fois qu'on pénètre l'univers de cette formidable trompettiste, il est difficile d'en ressortir: peut-être qu'on ne peut pas refermer l'emballage du disque, mais qui s'en soucie, personne ne voudrait le refermer, car Hochdruckzone, troisième album solo de Birgit Ulher (qui le dédicace au trompettiste Bill Dixon), peut être écouté constamment, le plaisir dure toujours.
L'univers de Birgit est très particulier, un peu comme celui de Capece avec qui elle a récemment publié un duo chez Another Timbre. Si particulier qu'elle semble difficilement intégrer des grosses formations, pour privilégier les duos (avec Lucio Capece, Gino Robair, Heddy Boubaker) et les trios (avec Mazen Kerbaj, Ernesto Rodrigues, Sharif Sehnaoui, Roger Turner, etc.). Ou encore, les solos, tel Hochdruckzone. Une suite de huit pièces miniatures pour trompette avant tout, mais aussi de nombreuses préparations, objets, radio, haut-parleurs, etc. Avant tout, Birgit se concentre sur les textures, sur la couleur du son, et sur sa dynamique. Aucune mélodie, aucun rythme, aucune note, la musique de Birgit Ulher est sans concession: une musique extrême, radicale, mais tout de même extrêmement belle, sensible, profonde. Car les couleurs sont agencées avec intelligence et sensibilité, un long souffle succède au déclenchement de pistons, une note métallisée surgit d'un silence, des mécaniques sont activées par des moteurs manuels.
Musique de débris, avec objets usuels, où une trompette amplifiée active une radio branchée sur les mêmes haut-parleurs, dans une démarche où le souffle organique gère les bruits et parasites de ce qu'il reste d'industriel, une musique qui peut faire penser à une démarche post-industrielle, à une musique de science-fiction où après le déclin de l'industrie et de l'informatique, l'acoustique est la seule survivance humaine, le salut de l'espèce. Car avant tout, la musique de Birgit est organique et sensible, il s'agit d'approfondir et d'explorer le son en tant que tel, au-delà de la musique mais tout en y restant. Il ne s'agit pas de théoriser la musique, mais de l'explorer avec son corps, sa sensibilité et ses émotions. Et la recherche est présente, sur la trompette avec l'utilisation d'un maximum de techniques étendues, constante et omniprésente, mais également à travers l'installation de nombreux objets qui s’emboîtent de manière sonore et architecturale. Tous les sons se superposent avec finesse pour produire des masses sonores ou des traits soniques. Mais ces volumes sonores ne sont ni froids ni monotones, ils sont toujours emplis d'une dynamique et d'une intensité exceptionnelles; Birgit Ulher parvient ainsi à explorer les propriétés dynamiques du son à la manière de Kandinsky ou des futuristes qui exploraient les propriétés dynamiques ou spirituelles des formes et des couleurs.
Une suite de miniatures soniques et dynamiques très intense et profonde. Une exploration minutieuse de terrains sonores sensibles et fantastiques. Vivement conseillé!
Informations et extrait: http://www.entracte.co.uk/project/birgit-ulher-e134/