Abrahams/Capece, un duo étrange et minimaliste, qui peut laisser perplexe ou envouter complètement. Un synthétiseur DX-7 (un des premiers numériques, typique des années 80) pour Chris Abrahams d'un côté, et une clarinette basse, un saxophone soprano, une shruti box et des préparations pour son acolyte, Lucio Capece.
Le duo Abrahams/Capece parsème un espace très aéré d'interventions étranges et inattendues, qui se répondent sans jamais vraiment fusionner. Sur les trois pièces, les jeux de chacun s'opposent souvent, Capece pose la plus grave note de la clarinette basse pendant un long souffle ou produit une nappe continue et grave également à la shruti box, alors que Abrahams y répond avec de très courtes notes ultra aiguës, de manière pointilliste et minimaliste. Hormis sur la dernière piste, le silence fait partie intégrante des deux autres pièces, mais aussi la répétition et les modes de jeux réductionnistes. Des silences longs et pesants, des notes et des souffles parfois à peine audibles, autant d'éléments qui réclament de l'attention et de la disponibilité, mais qui donnent surtout un poids d'une intensité magique à chaque intervention et à chaque réponse qui ont le temps d'être savamment calculées et préparées avant d'être jouées. En cela, nous reconnaissons la présence de Lucio Capece, ami et proche collaborateur de Radu Malfatti.
Mais outre la structure, c'est le dialogue entre le synthétiseur numérique et des instruments et préparations acoustiques qui me paraît aussi intéressant et beau que la consistance de chaque intervention. Si les éléments s'opposent, le dialogue est néanmoins très sensible et attentionné. Abrahams et Capece parviennent à produire un dialogue cohérent et précis, sans fusionner, où le silence, considéré comme une troisième source sonore, médiatrice entre le numérique et l'acoustique, paraît unir les deux sources opposées. Mais c'est également en assumant pleinement l'altérité et l'opposition de chaque instrument, et en en jouant de manière radicale et parfois exagérée, que le duo Abrahams/Capece parvient à former un discours unifié tout en étant le produit d'oppositions, d'oppositions entre la musique et le silence déjà, mais aussi entre les registres (infra-basses/ultra-aigus), les intensités (pianissimo/forte), les densités (sinusoïdes/bruits issus de préparations motorisés), les durées (pointillisme/drone), etc.
Trois pièces où chacun fait réellement preuve d'inventivité et de créativité, notamment au niveau des textures, mais également au niveau de l'engagement, car les réponses sont souvent inattendues et très surprenantes, tant elles sont nouvelles et s'opposent à ce à quoi elles répondent. Une musique autre et nouvelle, précise, radicale et minimaliste, tout en restant intense et puissante. Recommandé.
Informations et extrait: http://mikroton.net/site/index.php?mikroton-cd-13,170