Ici, trois artistes que je ne connaissais pas: Barbara Romen au hammered dulcimer (sorte de cymbalum), Kai Fagaschinski à la clarinette, et Gunter Schneider à la guitare acoustique. Il s'agit d'une suite de six pièces improvisées, calmes, lentes, axées sur des longues notes et des nappes interminables qui évoluent par micro-variations. Il n'y a pas vraiment de techniques étendues, il s'agit avant tout de notes qui forment des accords sans rapport hiérarchique ni structurel. Les notes sont jouées pour leur qualité sonore et acoustique, avec une grande attention portée sur les attaques, l'intensité et les propriétés acoustiques propres à chaque instrument. Un jeu sur une texture faite de notes frappées, soufflées et pincées. Une musique assez sensible mais qui ne retient pas forcément l'attention, car les textures ne sont pas beaucoup développées dans la durée et l'ambiance reste sensiblement similaire tout au long des pièces. Reste un timbre et un univers sonore singuliers, notamment du fait de l'instrumentation. Pour les curieux et amateurs d'improvisation minimaliste et contemplative.
Alessandro Bosetti / Chris Abrahams - We Who Had Left (Mikroton, 2012)
Je ne crois pas qu'il y ait besoin ici de présenter Chris Abrahams et Alessandro Bosetti, j'en ai déjà parlé plusieurs fois au cours de ces chroniques. Sur Who Who Had Left, également publié par le label russe Mikroton, le premier est crédité au piano et le second à l'électronique et à la voix sur deux pistes. J'ai parfois quelques réticences vis à vis des derniers travaux de ce dernier, mais je dois avouer que cette collaboration est plutôt une réussite. Six pièces, improvisées en partie mais clairement structurées par un canevas généralement assez simple, où les deux personnalités semblent s'échanger leur rôle. Quelques fois, c'est Chris Abrahams qui semble jouer son grand piano en calquant son phrasé sur le langage, puis sur la piste suivante, c'est Alessandro Bosetti qui semble s'intéresser à de longues nappes de sons improvisées, qui produit des textures uniques et surprenantes comme sait si bien le faire Abrahams. Les morceaux sont tour à tour jazz, électro, noise, réductionnistes, sans jamais n'être rien de tout ça. Il s'agit d'une musique personnelle, où l'improvisation est basée sur quelques notes, une structure simple qui se complexifie dans la répétition et le décalage la plupart du temps. Une musique personnelle et sensible, mais aussi variée: chaque piste, chaque pièce, révèle un univers sonore et une ambiance uniques tout en restant cohérente avec le reste. La rencontre entre ces deux musiciens est la bienvenue, les deux personnalités s'accordent dans la créativité et la clarté des structures "déconstructivistes", mais aussi dans le timbre et les textures. Un accord dans le contenu comme dans la forme pour une rencontre surprenante, réussie, inventive et riche.
[extraits: https://soundcloud.com/mikrotonrecs/sets/alessandro-bosetti-chris]