ILIA BELORUKOV - Tomsk, 2012 04 20 (live) (Intonema, Akt-Produkt, 2013) |
La première partie, la plus abstraite, n'est pas sans rappeler le travail d'Heddy Boubaker sur le saxophone. Ilia Belorukov souffle dans son alto sans bec. Un travail où la respiration retrouve la première place, et où le corps de l'instrument n'est plus qu'un filtre pour le souffle. Modifications de la colonne d'air, des positions de la langue et des lèvres, et intrusion d'objets dans le pavillon construisent cette pièce de manière équilibrée et variée jusqu'à l'apparition d'harmoniques. Une exploration profonde et consistante du souffle et de la respiration, mais également du bruit en tant que tel, et des différentes manières de le mettre en forme. La suite sera plutôt consacrée aux notes elles-mêmes, à leur construction et leur déconstruction, au spectre qui les compose, à travers un travail sur les harmoniques, mais aussi sur les variations microtonales, et les préparations toujours. Une partie qui est plus minimaliste et répétitive, mais qui n'en est que plus envoûtante. Et enfin, pour conclure cette espèce de longue conquête de la mélodie, Ilia Belorukov propose une pièce qui part du souffle toujours, vers des sons qui ressemblent de plus à des notes, en passant tout de même par des harmoniques multiphoniques, jusqu'à devenir des phrases mélodiques (malgré un growl très rauque qui distord complètement le son), courtes au début, avec deux ou trois notes, puis de plus en plus longues, riches et intenses, jusqu'à ressembler aux phrasés d'Evan Parker et ainsi quitter le terrain du réductionnisme.
Excellent solo très prometteur qui propose trois improvisations pas forcément très originales au niveau sonore, mais qui laissent présager le meilleur pour ce saxophoniste qui prend bien soin d'ordonner ses pièces avec équilibre et diversité, et qui semble avoir pour volonté de ne pas trop s'ancrer dans une seule esthétique. Une attention minutieuse est portée aussi bien à la forme qu'aux techniques étendues, ce qui ne fait pas de mal au réductionnisme, qui a souvent tendance à privilégier le contenu. Conseillé.
DMITRIY KROTEVICH - olgoi-khorkhoi (Intonema, 2013) |
Sur cette suite de quatre pièces assez courtes, Krotevich n'utilise qu'une table de mixage bouclée sur elle-même. Et même si l'on trouve du bruit blanc et des distorsions, ces quatre pièces sont beaucoup plus calmes de la noise. Elles sont plutôt construites en fonction de leur atmosphère que de leur intensité ou de leur puissance. Krotevich utilise peu d'éléments (quelques larsens immuables, des bruits plus mouvementés, et des drones), il les superpose pour créer des ambiances sombres et contemplatives, lentes et équilibrées. Les sons utilisés sont assez simplistes, beaucoup entendus pour la plupart, mais la construction et les ambiances sont déjà plus singulières. De la noise cinématographique, pourrait-on dire. Krotevich dessine des paysages et des atmosphères d'origine mythologique, mais mis au goût du jour grâce à un instrument qui, malgré sa nouveauté et sa modernité, tend à s'inscrire dans une certaine tradition.
Un travail intéressant sur la forme et les ambiances, mais sans rien d'exceptionnel non plus.