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idealstate no-number series [DL]

Il y a quelques mois, le musicien néozélandais Lee Noyes a choisi de créer une sous-section de son label idealstate avec les no-number series, une collection d'albums variés, proposés par beaucoup de proches de Noyes, en téléchargement gratuit sur bandcamp. Quelques extraits de cette série.

LEE NOYES & RADIO CEGESTE - If witness was an architect (Idealstate, 2013)
Sur le label idealstate, mon disque favori est sans aucun doute l'excellent duo de Lee Noyes et Radio Cegeste ("nom de scène" de Sally Ann McIntyre), et c'est donc avec un grand plaisir que j'au retrouvé cette formation au milieu de cette série. Lee Noyes est crédité ici aux percussions et feedback, tandis que la liste des outils utilisés par Radio Cegeste est excessivement longue (en gros, des petites radios, un 78 tours, un Theremine artisanal, une boîte à musique qui joue du Piaf et des field-recordings).

Encore une fois, la rencontre entre ces deux musiciens est une réussite. Et bien sûr, les boucles d'insectes et d'oiseaux et les fréquences radio discrètes de Radio Cegeste n'y sont pas pour rien. Le duo compose une pièce de vingt minutes assez calme, faite de percussions frottées, de larsens et de fréquences radio à faible volume, et de field-recordings détournés. L'atmosphère que produit ce duo est encore une fois unique : le chant des oiseaux se mêle facilement au caractère abrasif des radios et des transmetteurs, les instruments acoustiques dialoguent avec les perturbations électromagnétiques, etc. Un dialogue subtil et fin qui aboutit à une pièce qui joue sur des boucles, des entremêlements de sources, etc. Il n'y a pas de différence entre les instruments, les parasites électroniques abstraits et les enregistrements concrets, tout est sur le même plan : un plan poétique et musical, d'une finesse, d'une sensibilité et d'une créativité envoutantes. Vraiment conseillé, excellent travail.

http://idealstatenonumberseries.bandcamp.com/album/if-witness-was-an-architect

MATT EARLE/TIMOTHY GREEN/ADAM SUSSMANN/MASSIMO MAGEE - Opera (Idealstate, 2012)
Opera a été une des premières publications de cette série, durant l'été 2012. Il s'agit d'une pièce de vingt minutes réalisée par Timothy Green (cymbales & électronique), Massimo Magee (VCR), et le duo Stasis, soit Matt Earle & Adam Sussmann (électronique). Le quartet propose une longue improvisation assez calme et linéaire, avec quelques ruptures fortes et bruitistes par moment (des moments toujours très bien choisis). Mais de manière générale, les quatre musiciens évoluent sur un territoire très abrasif, fait d'électroniques bruts, sans trop d'effets, de l'électronique abstrait à partir de micro-contact et de modifications magnétiques. Des larsens très très aigus, des objets amplifiés, des fréquences instables, des buzzs, des silences et des perturbations électromagnétiques. Du noise réductionniste et abstrait, minimaliste et dur, qui joue sur le parasitage brut et pur, sur la simplicité et l'écoute. Pas mal du tout.

http://idealstatenonumberseries.bandcamp.com/album/opera

GIL SANSON & BRUNO DUPLANT - same place (Idealstate, 2014)
Je me rends compte que ça fait un bout de temps que je n'ai pas chroniqué un disque de Bruno Duplant, ça aurait bientôt fait un an, et c'est pourtant un des artistes que je connaisse les plus prolifiques en terme de publication. J'en chroniquerai d'autres bientôt, mais je profite de ce petit article sur le projet éditorial de Lee Noyes pour parler de la collaboration entre Bruno Duplant & Gil Sansón.

Comme pour les titres précédents, il s'agit toujours d'une seule pièce d'une vingtaine de minutes. Les artistes n'ont pas indiqué qui fait quoi, ni comment. Ce qu'on entend, c'est une sorte de field-recording ambiant, comme un espace vide dont on entendrait que des résonances minimalistes, quelques objets et percussions de temps à autres, et une fréquence ultra aiguë. L'atmosphère de cette pièce est vraiment particulière, il ne se passe pas grand chose, mais l'impression que quelque chose de grave ou de sombre va très vite arriver est constante. Une pièce sombre, minimale, austère, et radicale. Les deux musiciens proposent une sorte d'eai ultra minimaliste qui lorgne sur la composition, une pièce dure, hypnotisante et flippante ; en tout cas, ça vaut le coup d'y jeter une oreille. 

Matthew Earle, Will Guthrie, Adam Sussmann - Bridges

EARLE/GUTHRIE/SUSSMANN - Bridges (Antboy, 2003)
Je sais que j'arrive avec plus de dix ans de retard puisque ce disque a été publié en 2003 (en cd-r sur le label de Will), mais ça me paraît tout de même intéressant d'écrire dessus avec du recul. Bridges est une suite de trois improvisations par le trio australien composé de Matt Earle (électronique), Will Guthrie (percussions) et Adam Sussmann (guitare acoustique préparée et guitare électrique). Trois australiens qui faisaient une musique radicale pour l'époque, une musique pas vraiment improvisée, pas vraiment drone, pas vraiment noise, mais tout ça aussi à la fois.

Avec Bridges, ce trio proposait trois pièces très linéaires et monolithiques proches de Sunn O))) par certains aspects je trouve. En effet, le trio n'est pas très loin de l'ambiance de groupes de sludge et drone, de l'ambiance qu'on trouve à la fin des résonances, 30 secondes après l'attaque de la basse.... Sauf qu'avec Bridges, il n'y a jamais d'attaque, ni de pulsation. Le trio évolue sur un terrain sombre et linéaire composé de trois couches distinctes (basse, médium et aigue) sans que l'on sache toujours qui fait quoi. La plupart du temps, Guthrie frotte des cymbales et des peaux de manière continue, tandis que Matt Earle joue sur des sinusoïdes aigues et que Sussmann évolue sur des nappes de son également continues.

Autant influencées par le drone pour l'aspect continu, sombre et dur, que par l'improvisation libre pour les techniques étendues et la noise pour l'utilisation de l'électronique, ces trois pièces évoluent sur un territoire radical, abstrait, et nerveux. Trois belles pièces électroacoustiques - avec une touche de sludge et de musique improvisée ! Conseillé (s'il reste encore des exemplaires).

[jason kahn]

JASON KAHN - For Angel (48 Laws, 2013)
For Angel, une seule et longue pièce par un des maîtres de la diffusion de fréquences massives et extrêmes à travers l'espace. Selon les notes de Jason Kahn mises en ligne sur le netlabel qui publie ce disque digital, il s'agit d'ailleurs d'une de ses dernières performances à utiliser cette installation dans cette optique. Une installation qui consiste depuis plusieurs années en quelques percussions (caisse claire ou un tom), amplifiées et modifiées par un set de micros, un synthétiseur analogique (comme ici) ou un ordinateur.

Pour ce concert enregistré dans un monastère, Jason Kahn a structuré sa pièce en une sorte de long crescendo où quelques fréquences se surajoutent les unes aux autres. Un continuum ininterrompu où chaque fréquence prend le temps de se déployer dans l'espace, de se répercuter et de revenir à son point de départ avant qu'une autre s'ajoute à son mouvement. Des fréquences qui vont de la sinusoïde ultrabasse au bruit rose, généralement statiques, et qui forment des blocs massifs. On a donc pas le temps de s'ennuyer devant cette suite de blocs continus et linéaires qui s'enchaînent et se superposent progressivement jusqu'au decrescendo final de dix minutes. Les successions et juxtapositions se font naturellement, quand les blocs ont fini d'investir l'espace, les différentes "parties" ne sont donc ni trop courtes ni trop longues, juste le temps qu'il faut pour bien investir l'espace de diffusion et pour assurer la continuité sans rupture entre chaque élément.

Des ondes, de l'électricité, des fréquences parasitaires, beaucoup d'énergie avec beaucoup de calme, un art subtil du micro-évènement et de l'immersion dans la masse sonore. J'adore.

[informations, présentation & téléchargement gratuit: http://48laws.org/release.php?id=10]

JASON KAHN - in place: daitoku-ji + shibuya crossing (winds measure, 2013)
Une fois de plus, je crois encore avoir affaire ici à un enregistrement plus intéressant pour l'idée que pour le résultat. Mais quel concept! Jason Kahn s'intéresse toujours à la perception de l'espace et à la sculpture sonore, que ce soit à travers sa pratique instrumentale, les compositions graphiques ou les field-recordings. Mais cette interrogation et cet intérêt pour la perception étant devenus des projets assez convenus, Jason Kahn a choisi avec la série in place de renverser les méthodes habituelles d'investigation. Sur cette cassette où sont réunis deux enregistrements de la série in place et relatifs à la perception de deux lieux à Kyoto et Tokyo, Jason Kahn remplace les enregistrements de terrain ou les installations sonores par le simple récit de sa propre perception. Après plusieurs heures de présences sur un lieu très marqué par les traditions religieuses japonaises et un lieu urbain ultra-moderne, Jason Kahn récite ses notes d'impression. Tout ce que l'on peut entendre durant ces cinquante minutes, c'est JK qui, d'une voix assez monocorde, lit des notes sur les sons qu'il perçoit, mais aussi sur les lieux, sur leur signification sociale et leur structure historique ou urbaine, comme sur ce qu'ils signifient pour lui, ce qu'ils lui rappellent, ou ce qu'il imagine à travers eux.

Peut-être parce que les sons musicaux, électroniques, électroacoustiques ou concrets sont devenus trop connotés et dirigés musicalement, Jason Kahn renverse tout ce système de signifiants en proposant une exploration aussi personnelle qu'objective. Personnelle parce qu'elle ne renvoie qu'à la perception de Kahn, mais objective, parce qu'à travers l'absence de signifiants et de signes sonores et musicaux, on ne peut que se retrouver, de manière très brute et frontale, devant la perception de Jason Kahn, et c'est tout notre système subjectif de référence qui se retrouve nier par ce processus. Un exemple de cette série avait déjà été publié sur une compilation du  même label, un exemple que j'avais qualifié de "musique indirecte libre". Car avec ce dispositif, Jason Kahn ne présente plus une pièce sonore, mais présente seulement le processus d'écoute et de perception avant même de le mettre en forme. Du côté théorique je trouve que ce procédé a quelque chose de renversant et de radical, mais du côté pratique, je ne vois pas comment cette idée pourrait être explorer à long terme, il ne faudrait pas qu'elle devienne systématique surtout. Mais pour l'instant, cette idée fraîche est vraiment réjouissante pour les questions et la nouvelle forme de perception qu'elle suscite.

[informations, extraits & présentation de la série par Jason Kahn: http://windsmeasurerecordings.net/catalog/wm33/
une interview de JK sur ce dispositif a déjà été publié sur le site de winds measure pour une compilation sur la phonographie: http://windsmeasurerecordings.net/catalog/wm30/kahnf/]

JASON KAHN - Open Space (Editions, 2013)
Editée en double vinyle dans une pochette peinte à la main, Open Space est une composition graphique de Jason Kahn commandée par le festival australien nowNOW. Ici encore, c'est donc une toute autre approche de l'espace, de la musique et de la composition que propose JK. La composition est écrite pour huit musiciens australiens et le compositeur lui-même, tous issus de la musique improvisée, et dans la mesure où il s'agit d'une partition graphique, donc ouverte par définition, interprétée par des improvisateurs, le résultat est évidemment un subtil mélange d'improvisation et de composition, une oeuvre entre les deux, avec une structure claire et une forme limpide qui ne laissent cependant pas pressentir ce qui peut se passer à l'intérieur.

 Ce que je remarquerais en premier lieu avec cette partition de Jason Kahn (qui l'interprète ici à l'électronique), c'est la connaissance intime des musiciens pour qui il écrit. Car cette composition n'est pas écrite pour tel ensemble d'instruments, mais pour cet ensemble spécifique de musiciens: Chris Abrahams (piano), Laura Altman (clarinette), Monika Brooks (accordéon), Matt Earle & Adam Sussmann (électronique), Rishin Singh (trombone), Aemon Webb (guitare) et John Wilton (percussion). La connaissance du style de chaque musicien, de ses habitudes et de ses affinités esthétiques, a permis à Jason Kahn d'écrire une partition dont la forme prend en compte la personnalité de chacun, et il résulte de ce procédé une interaction intime entre la forme et le contenu, entre l'écriture et l'improvisation, entre la structure et l'interprétation.

Mais le plus remarquable réside dans l'écriture elle-même, dictée d'une part par la connaissance des musiciens mais également par l'intérêt de Jason Kahn pour l'espace. Durant cette pièce en quatre parties qui durent entre 15 et 20 minutes, on ne retrouve jamais les neuf musiciens jouant simultanément. Il s'agit de parties très aérées, de longues plages sonores qui dessinent toutes un paysage particulier, en fonction des interprètes. En fonction des dessins proposés par le compositeur, les interprètes improvisent sur de longues notes continues, sur des répétitions massives mais calmes, sur des bruits imperceptibles, sur des micro-évènements et des progressions très minimales. L'espace est transformé par le compositeur et les improvisateurs en de longues sculptures sonores, des sculptures poétiques et sensibles, des sculptures aux effets plastiques presque tangibles.

Tout un art de la sculpture sonore, de la composition musicale et de l'interaction se retrouvent mis au service de cette pièce, un art que l'on doit d'ailleurs autant au compositeur qu'à chaque interprète. Une sorte de magnifique nuage sonore en transformation permanente, un nuage où se brouillent les frontières entre l'art sonore et la musique, entre la composition et l'improvisation, entre l'interprétation et l'écriture, mais aussi entre l'espace et le temps, la durée et la perception spatiale. Une longue pièce linéaire et monolithique, toute en finesse et en poésie, une pièce superbe. Vivement conseillé.

[présentation, informations, chroniques, extrait & partition: http://jasonkahn.net/editions/catalog/open_space.html]

[Jason Kahn] échos océaniens

Matt Earle / Jason Kahn / Adam Sussmann - Daught (consumer waste, 2012)

Peut-être certains d'entre vous ont déjà entendu ce trio paru l'année dernière en édition gratuite sur le label Avant Whatever (que vous pouvez trouver ici si ça vous intéresse). Sinon, pour les présenter rapidement, il s'agit d'un côté des deux membres du duo Stasis, soit Matt Earle (aka Muura) & Adam Sussmann, accompagnés ici par l'artiste sonore et improvisateur Jason Kahn. Sur ces deux pièces enregistrées à l'occasion d'une tournée en Australie, les trois artistes sonores utilisent tous différentes installations électriques et électroniques (tables de mixage en circuit fermé, radio, synthétiseurs analogiques, etc.).

Il s'agit donc de deux pièces pas évidentes à décrire, deux pièces où tout le monde se répond par des bruits parasites souvent, par des larsens, des grésillements, crépitements, fréquences radio, infrabasses, etc. Quarante minutes d'improvisation électronique glitch et minimale, où les défauts techniques des machines et les résidus sonores occupent le tout premier plan. L'originalité de ce duo est de parvenir à créer une musique dense et riche, tout en étant calme et espacée. Ils ne jouent que rarement fort, tout le monde ne joue pas en même temps, et seuls quelques éléments sonores simples s'imbriquent et se superposent. Une accumulation épurée de matériaux crades, en constante évolution et mutation. On ne sait jamais trop où est-ce qu'on est ni ou est-ce qu'ils vont nous emmener. Le trio parvient à surprendre et à déjouer l'agression sonore pour produire une musique simple et dense, intense et calme simultanément. Deux bonnes performances plutôt singulières.

Richard Francis / Jason Kahn / Bruce Russell - Dunedin (CMR, 2012)

Quittons l'Australie pour Dunedin en Nouvelle-Zélande où a eu lieu cette étonnante rencontre en janvier 2011. Un court (mais excellent!) enregistrement live en compagnie de Richard Francis (synthétiseur modulaire, ordinateur), Jason Kahn (synthétiseur analogique, radio, table de mixage) et Bruce Russell (électronique analogique).

Cette fois, nous n'avons qu'une seule pièce, où les trois univers électriques s’accommodent merveilleusement. Une strate de boucles obsédantes qui donneront le tempo tout au long de la pièce, tissant ainsi un fil conducteur difficilement perturbé, une autre de larsens, une de crépitements radiophoniques, quelques fractures momentanées de bruit blanc, rose, etc. La pièce improvisée ici se fait dans un équilibre étonnant, il s'agit d'un long flux continu qui n'est cependant pas exempt de ruptures (sautes d'intensités, puissance réduite ou augmentée brutalement), les trois musiciens et leur univers sonores respectifs sont différents et variés, mais ils parviennent tout de même à créer une entité sonore qui a quelque chose de monolithique. Le continu et le discontinu, l'un et le multiple, le divisible et l'indivisible, l'ordre et le chaos: voici une manière sensible et musicale de répondre à des dilemmes métaphysiques. Musicale et bruitiste car le trio joue là aussi avant tout sur les imperfections de chaque machine, sur les défauts, les détritus et les défaillances techniques et acoustiques des instruments apportés.

Une très bonne performance plutôt dense et riche, où l'on s'immerge facilement dans cet univers sonore particulier et envoutant, mais aussi très intense. Recommandé.