Car oui, luz azul est franchement et simplement magnifique. Le principe de base est simple, le duo a enregistré cette pièce dans un champ d'oliviers situé entre deux rails de trains de marchandises, une nuit de septembre 2010. On comprendra vite que l'environnement prend ici une présence et une signification importantes dans la structure de la pièce. Quant à la musique elle-même, il s'agit d'une pièce assez minimaliste mais tout de même riche en évènements. La même note est répétée à intervalles réguliers, ou le même accord, ou encore l'harmonique d'une cymbale frottée, mais si les sons sont linéaires et réguliers, ils ne sont pas lisses pour autant. Il y a d'une part une lente pulsation toujours présente, une pulsation pas forcément régulière, une pulsation organique, voire cosmique. Et d'autre part, l'environnement et les objets forment régulièrement des accidents, comme ces oiseaux que l'on entend, et bien sûr ces trains mugissants qui traversent la pièce selon une autre pulsation encore, mais de manière rationnelle toujours, et il s'agit pour le duo de répondre à cet environnement, d'y répondre aussi bien par le silence que de manière instrumentale.
Étrange sensation que cette musique procure, car bien qu'elle soit minimale, les nombreux accidents et les réponses envisagées et chaque fois renouvelées par le duo procurent à cette musique une forme de richesse qui semble inépuisable. Et c'est le minimalisme de cette richesse qui forme certainement la puissance de chaque partie de cette pièce merveilleuse, pièce qui forme une narration post-industrielle, qui tente de répondre esthétiquement à une machinerie industrielle oubliée. Bien sûr, la puissance de luz azul provient également de la prise en compte de l'environnement et du terrain d'enregistrement, terrain qui devient l'alter ego de Matt Davies, troisième membre d'i treni inerti entre 2001 et 2003. Car le duo entre véritablement en interaction avec l'environnement spatial et sonore de la performance, une interaction si sensible et réussie que cet environnement se personnalise et s'individualise, au point de quasiment accéder au statut de troisième musicien.
Poésie de l'espace, poésie du timbre, de la texture des notes répétées simplement jusqu'à ce que l'on parvienne à accéder à leur essence sonore, mais aussi approche sensible et poétique de l'environnement sonore, appréhendé avec sensibilité, précision, et intimité. luz azul est une pièce musicalement extrêmement forte, puissante, sensible, et poétique. Une pièce magnifique et onirique, qui parvient à intégrer l'industrie et l'espace au profit d'une poésie sonore exceptionnelle. Un voyage de cinquante minutes où l'on est bercé entre le bonheur et la jouissance, malgré les nombreuses teintes mélancoliques: hautement recommandé!