ROVA Saxophone Quartet - Planetary (United One/SoLyd Records, 2011)


Bruce Ackley: soprano & tenor saxophones
Steve Adams: alto saxophone
Larry Ochs: tenor saxophone
Jon Raskin: alto & baritone saxophones

Je reçois toujours les disques du RSQ avec une impatience qui ne tarde jamais à être teintée de déception, jusqu'à ce que la compréhension de certains éléments obscurs ou opaques revigore mon enthousiasme initial. Qu'est-ce qui me déçoit systématiquement? Je crois que c'est ce son immuable et clinquant entre big-band et musique de chambre qui stagne depuis la création de ce quator, tout comme la manière de gérer des oppositions pas toujours très heureuses et d'équilibrer improvisation et composition, horizontalité et verticalité, etc...

Toutefois, les pièces du RSQ savent toujours être saisissantes, notamment grâce à de nombreux procédés peut-être connus mais efficaces qui sont utilisés pour prendre l'auditeur au corps. Il y a tout d'abord la virtuosité des instrumentistes qui peuvent facilement naviguer sur de nombreux registres: du baryton rond et dansant au soprano swinguant et anguleux, en passant par un alto rauque et acerbe ou un ténor virulent. Mais il y a aussi des procédés d'écriture à prendre en compte, comme l'écriture de phrases rythmiques jouées à l'unisson et sur lesquelles viennent se greffer un ou des solistes: impossible dans ce cas de refuser l'invitation, la joie est communicative, on ne peut réagir que de deux manières, sourire ou danser, la musique prend nos émotions d'assaut, et même plus globalement, notre corps. Ce qui me paraît aussi enthousiasmant, c'est cette imbrication et ce dialogue permanent entre l'improvisation et la composition, les frontières se brouillent et s'équilibrent (mais ne s'annulent jamais) entre les deux manières d'aborder la création musicale (qui n'ont pas nécessairement à être opposées).

J'ai bien conscience d'avoir dit au début de cette chronique que cette imbrication faisait partie de ce qui me décevait, car en fait, le plus énervant, c'est l'impression que le RSQ utilise systématiquement les mêmes procédés d'équilibre entre les mêmes oppositions parce qu'ils savent qu'ils sont efficaces. Bien sûr, au premier abord, tout est parfaitement équilibré: le temps lisse succède au temps strié, l'improvisation s'insère dans la composition, l'écriture horizontale par nappes entrelacées contrebalance l'écriture verticale qui joue sur des décalages ou des cellules rythmiques basées sur les temps faibles ou les contretemps; sans parler du magnifique son d'ensemble ni de la virtuosité de chacun. Mais je reste gêné car cette voie moyenne, ce compromis entre les traditions noires américaines et la musique savante occidentale, n'évolue pas vraiment tout en continuant de se réclamer de l'avant-garde ou des musiques créatives. Alors que toutes leurs influences sont parfaitement assimilées et utilisées de manière cohérente et rationnelle, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a tout de même un manque criant d'innovation dans leur utilisation.

Ceci dit, il reste des pièces absolument jouissives ou des dialogues vraiment saisissants de par leur construction s'établissent, aussi bien dans l'improvisation que dans l'écriture, et je ne crois pas que les fans du RSQ seront déçus ou s'ennuieront.

01-Parallel Construction #1 / 02-S / 03- Flip Trap / 04-Glass Head Concretion / 05-Planetary / Parallel Construction #2