The Necks - Open

THE NECKS - Open (ReR, 2013)
Près de vingt ans d'existence et 17 albums publiés, le groupe australien The Necks a eu le temps de se faire connaître et reconnaître sur toutes les scènes minimalistes, rock, jazz, et expérimentales. Pas besoin de présenter ce trio avec toujours les mêmes personnalités : Chris Abrahams aux piano et claviers, Lloyd Swanton à la basse, et Tony Buck à la batterie.

Le son et le style de The Necks sont uniques et indémmodables : une instrumentation qui fait irrémédiablement penser au jazz, une forme inspirée du rock, et des phrases et des phrasés qui touchent plus directement aux musiques minimalistes. Avec Open, il n'y a pas de grand changement, et en même temps, c'est peut-être un des plus beaux de leurs enregistrements. Ce dernier volume n'a plus grand chose à voir avec le rock, ni avec le jazz, mais à tout à voir avec l'essence de The Necks. Pour cette longue, très longue pièce, le trio s'est épuré au maximum, il s'agit toujours de la répétition d'une idée, mais cette idée met maintenant des dizaines de minutes à se mettre en place. Les trois musiciens prennent leur temps, et toute la beauté de cette pièce réside justement dans cette retenue constante et omniprésente. Pas de précipitation, allons-y lentement, et la tension sera à son comble.

Evidemment, le son d'ensemble est très espacé, puisqu'il faut attendre des minutes et des minutes avant qu'une ligne de basse arrive, avant qu'un pattern se constitue, et je ne parle même pas de la construction des lignes mélodiques. Mais ce n'est pas tant cet espace et cette aération que je trouve beaux. C'est surtout cette manière de gérer la progression, de faire de la retenue le principe de la construction. Le résultat est que sans que l'on s'en aperçoive, on passe d'une basse qui fait une note toutes les trente secondes, accompagnée d'une charleston, à une mélodie polyphonique accompagnée par une batterie polyrythmique, et tout ça sans vraiment s'en rendre compte. Du coup, le moindre changement est un signe précurseur de l'évolution de la pièce, et c'est ainsi que l'attention se maintient toujours durant ces 68 minutes. Il y a beau n'y avoir pas grand chose souvent, mais le peu que l'on entend a toujours son importance, et est vital dans la progression de cette improvisation.

La gestion de la tension à travers une épuration maximale, la maîtrise de l'intensité dans l'écriture minimaliste sont extrêmement bien maîtrisées. Et en plus, il y a ce son cristallin propre à Abrahams, ces sublimes lignes mélodiques modales et sensuelles, l'efficacité et la rondeur de Swanton, la précision et la virtuosité de Tony Buck, autant d'éléments qui ont forgé la réputation de The Necks, qui n'ont pas vraiment changé, mais qui s'affinent de plus en plus et acquièrent au fil des années une beauté de plus en plus subtile et impressionnante. Il faut se laisser emporter par ce long et fin torrent : Open est un moment de grâce peut-être lent et long, mais qui est d'une beauté ravissante et rare.