Il y a maintenant dix ans, les éditions Mego publiaient déjà Sheer Hellish Miasma, qui reste à ce jour mon disque préféré de Kevin Drumm. Ce dernier revient aujourd'hui à la charge sur le même label avec Relief, une pièce de 36 minutes éditée en vinyle et en version digitale.
Certains se rappelleront certainement de Consume Red par Ground Zero, un disque de noise furieuse, hypnotique, fondée sur un crescendo terrifiant et interminable ainsi que sur une ritournelle obsédante tirée d'un enregistrement du shamane coréen Kim Suk Chul. Sur Relief, Kevin Drumm ne prend pas la peine de faire monter la pression, l'assaut commence dès les premières minutes et l'intensité restera la même tout au long de la pièce. Mais comme sur l'album de Ground Zero, une mélodie obsédante et fantomatique sera constamment présente. Une mélodie immuable, interminable, hypnotique. Sur laquelle Kevin Drumm balance un feu d'artifice de fréquences en tout genre. Bruits blancs, roses, sinusoïdes, ondes triangulaires, un mur terrifiant et immense se dresse sur cette mélodie. Un mur incassable, une forteresse bruitiste, à laquelle seule notre mélodie semble résister. Une mélodie qui ne bougera pas et ne sera pas intimidée. Contrairement à l'auditeur qui peut facilement succomber à ce mur d'une densité et d'une puissance infernales. Vous imaginez une explosion de plus de trente minutes, comme un tonnerre qui ne cesserait pas. Tout est fait pour repousser l'auditeur, pour le décourager, sauf ces trois courtes notes littéralement envoutantes. Trois notes qui obsèdent, qui envoutent, qui nous maintiennent magiquement en place malgré la torture infligée par un mur de bruit d'une intensité certainement trop éprouvante pour beaucoup. Car le mur est construit sur de courtes fréquences en tout genre qui se superposent, qui éclatent, disparaissent, reviennent, s'emmêlent, s'agitent, des fréquences qui font augmenter une pression qui en est déjà au maximum de sa puissance. Un fracas sonore constant et éprouvant, mais aussi créatif et virtuose.
Relief est certes violent et éprouvant. Mais il y a comme un aspect dramatique qui nous retient, toujours grâce au côté hypnotique du sample mélodique. Qui nous force à admirer cet assaut sonore comme une musique à part entière, qui nous pousse à ressentir le bruit blanc avec nos émotions et non avec notre corps. Je ne sais pas, peut-être le relief en question est-il celui donné par l'opposition entre le bruit et les notes, entre la noise et la mélodie, une opposition qui donne une profondeur dialectique et musicale à cette pièce unique et obsédante, dense et extrêmement forte. Recommandé.