Luftwurzeln est une pièce de musique improvisée pour un duo de cordes: cordes frappées, frottées, pincées, préparées, caressées, triturées, saccagées, manipulées, écrasées. Un duo qui regroupe Sebastien Lexer au piano+ et Christoph Schiller à l'épinette. Au total, 137 touches. Soit un nombre incalculable de cordes (tout dépend si l'épinette de Schiller comporte une, deux ou trois cordes par note, le piano en comportant généralement environ 3 par touche) - et donc autant de possibilités sonores offertes aux deux explorateurs de cordes.
Et le duo Lexer/Schiller s'en donne à cœur joie. Chacun utilise tout au long de ces quarante minutes les possibilités offertes traditionnellement par son instrument, explore les différents modes de jeux, les différentes résonances, les pédales, et l'interaction entre les deux instruments qui ont souvent tendance à devenir indissociables l'un de l'autre. Mais chacun va encore plus loin en utilisant de nombreuses préparations: cordes frottées par des fils, moteurs actionnés dans la caisse de résonance à même les cordes, bois tapé et percuté, etc, cordes étouffées ou modifiées par différents matériaux. Et les timbres produits ici ont quelque chose d'onirique, d'inédit souvent même, chacun fait vraiment preuve de créativité et l'interaction est très intime.
Pour décrire plus formellement cette musique, et c'est là où je suis le moins convaincu, disons qu'il s'agit d'une longue pièce plutôt linéaire qui progresse par micro-évènements et micro-évolutions. Une musique plutôt lente et calme, très lisse, qui laisse une grande place aux silences et à des résonances spectrales. Je n'ai rien contre cette forme, mais je trouve seulement qu'ici, Luftwurzeln manque de relief, ou de profondeur. Même si la connexion entre les deux musiciens est sensible et intime, seuls quelques moments paraissent vraiment intenses et puissants (mais quelle puissance quand ils atteignent ces séquences!).
Une improvisation certes très aventureuse et créative, mais qui parvient difficilement à m'accrocher dans son intégralité. Une pièce trop lisse et stagnante par moments malgré ses trouvailles sonores pourtant saisissantes la plupart du temps. Je reste mitigé...