CHARLEMAGNE PALESTINE + Z'EV - Rubhitbangklanghear Rubhitbangklangear (Sub Rosa, 2013) |
Si Charlemagne Palestine est connu pour ses compositions linéaires et statiques, Z'ev est quant à lui plutôt réputé pour ses longues pièces répétitives et hypnotiques, au bord du mysticisme transcendantal, et c'est plutôt de ce côté que penchent cette suite de six pièces. Certainement est-ce aussi l'utilisation du seul carillon qui a poussé Charlemagne Palestine à suivre son collaborateur dans son orientation plutôt que l'inverse. Ce que prouve d'ailleurs le court solo présent sur ce disque. Car outre trois pièces en duo, on peut également entendre un solo de Charlemagne Palestine et deux soli de Z'ev.
Bref, passons à la musique. Mais rapidement, car le plus intéressant n'est pas ce qui se passe, comment ça se passe, mais le vécu lui-même de cette musique, soit comment les musiciens et l'auditeur la perçoivent. Comme pour toute musique pourrait-on me dire, oui, mais beaucoup l'oublient. Quant à ces deux personnages, le vécu semble bien être pour eux la seule préoccupation au fondement de leur musique, et la seule finalité de leur musique. Toutes les pièces sont basées sur des cellules rythmiques et mélodiques simples, voire très simples. C'est au fur et à mesure de leur répétition, ainsi que lors des infimes variations de tempo ou les micro-changements d'attaque, que l'on perçoit la richesse de cette musique. Une musique contemplative et mystique peut-être, qui s'intéresse aussi à la vie sonore elle-même, aux mystérieux flux d'harmoniques qui s'entremêlent dans la durée jusqu'à former une nappe sonore fantastiques. Car en-dehors de l'aspect hypnotique et répétitif omniprésent, le plus marquant dans cette collaboration ainsi que durant les soli, c'est peut-être cette vie harmonique générée par la répétition, ce réseau incroyable tissé par les résonances.
Mais c'est aussi la méthode de composition que j'apprécie beaucoup sur ce disque, une méthode simple et radicale héritée de certaines musiques de transe de possession autant que de Terry Riley ou Tony Conrad. La répétition obsessive et radicale tisse en elle-même tout un réseau de significations dans lequel semblent pris les sons projetés et transmis. C'est bien l'aspect obsessionnel qui donne aussi cette sonorité fantastique et surprenante aux sons. Et pas seulement les flux de résonances.
Bref, il s'agit d'une musique assez attendue, surtout venant de Z'ev, mais toujours aussi belle et singulière.
[informations & extrait: http://www.subrosa.net/en/catalogue/soundworks/charlemagne-palestine--zev.html]