The Berlin series no.1 (Another Timbre, 2013) |
Inframince est la plus longue des deux propositions, du haut de ses 45 minutes presque. Une longue improvisation continue où se succèdent des plages sonores composées à partir d'objets acoustiques frappés ou frottés sur une table par Olivier Toulemonde, et accompagnées par la clarinette de Michael Thieke qui joue également avec l'étirement du temps, des sons continus, ainsi qu'avec de nombreuses techniques étendues. Une grande plage abstraite où se succèdent des bruits hétéroclites et surprenants, dans un dialogue qui se fait dans la continuité, de manière intime et réactive, un dialogue entre l'abstraction froide des objets (en plastique, métal, verre, etc.) et la chaleur de la clarinette. Il y a de très beaux moments, surtout lorsque les rôles s'inversent et que les objets deviennent chaleureux par rapport à l'abstraction des techniques étendues à la clarinette, lorsque les objets deviennent plus présents, intenses et riches. Mais c'est malheureusement un peu long, et j'ai un peu de mal à rester attentif durant plus de quarante minutes. Une pièce qui manque de continuité ou de rupture, je ne sais pas, mais qui a parfois du mal à retenir l'attention malgré des passages superbes. Après, pour ce qui est des seules interventions d'Olivier Toulemonde, je conseillerais quand même cette pièce où il fait preuve d'énormément de créativité.
Le second duo est un peu plus particulier, et prend de l'intérêt surtout au vu du contexte. Car Jamie Drouin est un musicien qui pratique avec des musiciens sur de longues durées, et ce duo est un enregistrement de sa première rencontre avec Lucio Capece (clarinette basse et objets). De plus, Drouin commençait tout juste lors de cet enregistrement à explorer le synthétiseur modulaire Serge qu'il utilise ici avec une radio. Tout ceci pour dire que même si Immensity est principalement constitué de longs sons continus souvent statiques et d'interventions minimalistes, on ressent en même temps une certaine fragilité et parfois même un manque d'assurance durant cette trentaine de minutes. Le dialogue est très serré entre les musiciens, il y a souvent des jeux d'imitations et de questions-réponses, un dialogue serré comme pour se rassurer. Mais en même temps, cette fragilité produit une certaine tension, et permet de dépasser l'improvisation électroacoustique statique telle qu'on l'entend souvent. La fragilité du duo dépasse l'abstraction des sons pour revenir à quelque chose de plus humain et de plus sensible. Il s'agit en gros d'un témoignage imparfait, mais c'est cette imperfection et cette fragilité qui rendent aussi ce témoignage intéressant, qui laisse parfois présager une collaboration qui pourrait très bien marcher.
Pour ce premier volume, la scène berlinoise n'offre rien de vraiment imprévu, mais propose tout de même deux pièces aventureuses et singulières qui valent le coup d'oreille.
[informations, présentations, interviews (olivier toulemonde/jamie drouin) & extraits: http://www.anothertimbre.com/inframince.html]