Miguel A. Garcia (qui se faisait encore récemment appeler Xedh), est un jeune artiste espagnol originaire du Pays Basque, que j'ai déjà chroniqué sur cette page à plusieurs reprises. Très actif dans les domaines des musiques électroniques expérimentales et lo-fi aussi bien que dans l'art sonore, on a pu le retrouver sur des cassettes, des cd-r, des CD, des sorties digitales aussi bien que des mini cd-r aux côtés de Nick Hoffman, Noish, Lali Barrière, Lee Noyes, Heddy Boubaker et d'autres. Il fait partie de cette nouvelle génération d'artistes sonores qui a su développer son instrumentarium en même temps que son propre langage, où la technologie est étroitement liée à la création esthétique. Le DIY élevé à l'art du langage musical en somme, car ce sont bien les trouvailles technologiques, ou le technologie elle-même, qui semblent avec ce genre d'artiste dicter la pratique musicale.
Le récent mini cd-r Hiztun! (Attenuation Circuit, 2013), où Miguel A. Garcia est en solo, est un assez bon exemple du lien entre la technologie utilisée et le langage musical. Il ne s'agit pas d'objets vraiment détournés au sens du circuit bending, mais plutôt d'une manière de faire la musique propre aux objets utilisés. Ici Miguel A. Garcia n'utilise que des microphones, des radios, des cassettes et des haut-parleurs. Il propose ainsi neuf courtes pièces qui se basent chacune sur une utilisation particulière de ces objets. L'enregistrement de voix diffusées ensuite sur des petits haut-parleurs, l'utilisation des fréquences radio, le bruit du magnétophone, etc. Il s'agit de créer à chaque fois un univers sonore particulier avec peu d'éléments. Miguel A. Garcia ne fonde pas sa musique ici sur le travail (technologique et manuel, DIY ou circuit bending) des objets, mais plutôt sur le détournement artistique de ces derniers, ou sur une utilisation artistique et esthétique des parasites technologiques.
Une pratique que Miguel A. Garcia avait déjà entamé avec un autre solo intitulé armiarmak, publié sur RMO en 2008. Sur ce disque, l'équipement est également réduit : quelques micros, une table de mixage, et un générateur d'ondes sinusoïdales - sans compter quelques additions de sons faits par des amis de Garcia (comme sur la plupart de ses disques où on retrouve souvent des samples d'amis et de compagnons musiciens) : Carlos Valverde, Escola Freta et Rafael Flores. Sur ce CD de près d'une heure et composée de huit pièces, Miguel A. Garcia utilise ses outils de manière épurée encore, mais sur de plus longues durées. C'est pourquoi ce disque se rapproche plus de l'ambient pour l'atmosphère, mais qui n'en est pas vraiment. Le principe est le même en fait, Miguel A. Garcia explore ici les parasites propres aux outils technologiques qu'il utilise : l'interférence des fréquences, les larsens de table et de micro, le tout étant manipulé par l'équaliseur de la table de mixage, sans effets. Une musique un peu austère mais sure d'elle, qui explore méthodiquement certains phénomènes électriques et acoustiques propres à ces outils. armiarmak propose d'explorer divers phénomènes sonores issus des parasites électroniques et forme de longues plages de basses sourdes, d'interférences bruitistes, de sinusoïdes aigües, de saturation pulsée, avec quelques samples pour redonner quelques couleurs plus "musicales" à l'ensemble. Une musique épurée et austère jouée à des volumes variés, qui explore autant le son dans de très longues durées, tout aussi bien que le silence, les textures harsh et les ruptures dynamiques.
Mais revenons à aujourd'hui. Car si Miguel A. Garcia est beaucoup influencé par les technologies qu'il utilise, s'il les utilise dans une sorte de mode contemplatif et abstrait, il les a aussi parfaitement intégré et a su développé au fil des années un langage nouveau, utile pour faire des travaux plus "musicaux" aussi, moins abstraits en tout cas. Sur RMO toujours, en 2013, Garcia publiait ainsi un CD intitulé La Axacra. De tout ce que j'ai pu entendre jusqu'à présent de ce musicien, ce dernier est certainement le travail le plus "musical" qu'il ait accompli - non que ses autres travaux ne soient pas musicaux.... Je dis musical dans le sens où c'est peut-être le seul qui intègre autant d'éléments rythmiques et même parfois harmoniques. C'est aussi le plus long que j'ai du entendre : plus de 70 minutes, ce qui peut faire penser que c'est aussi le plus abouti ou le plus travaillé. Quoi qu'il en soit, six pièces sont présentées ici. Six pièces de noise toujours, principalement basées sur du larsen de table et de micro, mais aussi sur du field-recording, et quelques instruments acoustiques manipulés - par Garcia lui-même, ou à partir de samples ajoutés comme souvent (de Kjetil Hansen notamment, et Soinu Mapa). Même si Garcia s'intéresse ici toujours au bruit et aux parasites technologiques, il n'empêche qu'il fait en sorte de les utiliser de manière pulsée souvent. La troisième piste par exemple n'est pas sans rappeler les manipulations indus de Pali Meursault sur des enregistrements de presse à imprimer. Mais dès le début du disque, Garcia utilise le bruit en faisant attention à sa fréquence prédominante et à jouer avec ces fréquences comme s'il s'agissait de notes, à l'image - pour continuer les comparaisons qui n'ont pas grand chose à voir - de White Metal de Pisaro. Passons, le plus important je pense, c'est que Garcia manie avec ce disque les parasites dans une approche plus active. Il ne s'agit plus de jouer avec eux, mais de les mettre en forme musicalement - qu'il soit question seulement de forme, mais aussi de rythme ou même d'harmonie. Garcia se asert de parasites et de déchets technologiques comme de samples et d'instruments. Il les utilise non pas de manière abstraite et contemplative, mais de manière musicale (au sens traditionnel) et active. Les parasites deviennent ici une vraie matière musicale que Garcia met en forme et en musique pour exposer un de ces travaux les plus intelligents, les plus innovants et créatifs, et les plus beaux.
MIGUEL A. GARCIA - Hiztun! (mini CDr, Attenuation Circuit, 2013)
MIGUEL A. GARCIA - armiarmak (CD, RMO, 2008)
MIGUEL A. GARCIA - La Axacra (CD, RMO, 2013)