JASON KAHN/TAKAHIRO YAMAMOTO/TAKAJI NAKA - Yugue (akuseku, 2014) |
Improvisations bruitistes et parasitaires avec ondes radio, larsens corrosifs, souffles de saxophone, techniques étendues, silences et nombreuses ruptures dynamiques. Les objets et les instruments sont manipulés avec soin et précision, quand une action a lieu, elle n'a jamais lieu pour rien. Chaque intervention sert à dessiner un espace, ou à le fracturer, cherche à agrandir l'espace, ou à le réduire ; en jouant notamment sur les volumes et la densité. En tout cas, ce n'est jamais gratuit, et chaque musicien semble très bien savoir ce qu'il fait. Même si c'est improvisé (enfin j'imagine), les musiciens font attention à la forme, à ne jamais jouer trop longtemps sur une dynamique donnée ou sur un volume et une densité trop forts. De la même manière, on passe de textures très simples ou très silencieuses à des beaucoup plus complexes, denses ou fortes. Récemment, je réécoutais Conflagration de Ground Zero, et ce trio m'y fait aussi un peu penser, du moins dans les sons utilisés, avec une forme plus proche de l'improvisation libre et de l'eai que du zapping "précieux" de GZ.
Quant à la seconde pièce, plus calme et linéaire, avec moins de rupture, elle sonne aussi plus instrumentale. Peut-être que Takuji Naka utilise plus son saxo que dans la précédente, et Jason Kahn n'est plus là, en tout cas, on est plus dans un territoire proche de l'eai et du réductionnisme, avec une espèce d'ambiance un peu industrielle. Les deux musiciens jouent sur des textures métalliques et sombres dans une atmosphère poisseuse et inquiétante. Une longue improvisation post-tout. Il n'y a plus de différence entre les instruments, les objets, l'électronique, l'acoustique, la réverbération naturelle et les effets, tout est déshumanisé et remis à niveaux égaux.
Un trio avec Jason Kahn peut-être convenu mais jouissif, et une belle découverte pour ce duo sombre et créatif qui navigue sur un territoire très personnel. Beaucoup de choses sont convenues et attendues, telles les techniques étendues au saxo et la radio de Kahn par exemple, mais l'atmosphère et l'ambiance générales de ce disque sont vraiment particulières. Du bon travail en somme.