FRED FRITH & MICHEL DONEDA - sans titre (Vand'Oeuvre, 2014) |
De mon côté, je n'attendais pas grand chose de cette rencontre. Quand j'avais vu pour la première fois un solo de Fred Frith, je me disais OK c'est vraiment bon, mais je ne comprenais pas non plus le succès qu'il pouvait avoir. Et puis Doneda, j'ai beau le trouver remarquable en tant que saxophoniste, car il est talentueux et il a su développer son propre langage, il peut aussi tourner en rond parfois. Il fait souvent la même chose, d'accord, mais qu'est-ce qu'il le fait bien en attendant...
Bref, je n'attendais pas quelque chose d'exceptionnel de cette rencontre inédite, et pourtant, je suis vraiment sous le charme. La première chose à laquelle m'a fait penser ces enregistrements, c'est avant tout au fameux duo Evan Parker et Derek Bailey. Doneda utilise son saxophone d'une manière aussi personnelle, créative, et puissante, tandis que Fred Frith utilise aussi la guitare de manière atonale, en jouant librement sur les cordes sans techniques étendues ni pédales d'effets : un jeu sobre et réduit, mais très complet dans les possibilités d'attaques, de toucher et d'intensité. Comme dans toutes les musiques improvisées récentes, il y a bien sûr autant de passages contemplatifs et minimalistes que de phases beaucoup plus violentes et agressives. De mon côté, ce sont ces moments où je m'y retrouve le plus. Car ce ne sont pas les possibilités sonores développées par le duo qui sont le plus attrayantes ici, mais bien plus l'énergie et la puissance qu'ils peuvent donner à leur instrument, à leur jeu, et surtout à leur dialogue. Lors des envolées les plus fortes, les deux musiciens ont beaucoup plus de présence et proposent des improvisations vraiment nerveuses, intenses et jouissives.
Comme souvent dans l'improvisation libre, les moments les plus contemplatifs et calmes me dérangent parce qu'ils me paraissent inutiles et clichés. Mais par contre, dès que les musiciens s'engagent dans quelque chose de plus intense, de plus fort, et de plus puissant, et qu'en plus ils savent aussi bien s'écouter et dialoguer, et surtout encore s'ils ont su développer un langage personnel ; alors là, bien sûr, j'adore, et je me laisse facilement bercer par ces improvisations "libres" qui ressemblent peut-être à beaucoup d'autres, mais qui n'en restent pas moins jouissives pour leur aspect viscérale, organique, et engageant. Et pour les quelques improvisations où Fred Frith & Michel Doneda s'engagent sur des terrains avec une forte intensité et une grande présence, je dois dire que j'aime vraiment bien ce disque et que je le trouve impressionnant.