ENRICO MALATESTA - Benandare (Weighter, 2014) |
Enrico Malatesta (à ne pas confondre avec Errico…) est un jeune percussionniste italien discret et productif. Il sort régulièrement des disques
dont on parle peu, et ne sort que rarement de l’Italie pour jouer en live.
Pourtant, Malatesta est un musicien qui travaille son instrument depuis
plusieurs années avec beaucoup de personnalité et recherche en permanence de
nouvelles manières d’aborder la batterie. S’il fait assurément partie de ces
innombrables batteurs « réductionnistes » (pour le dire de manière
confortable certainement, et réductrice sans aucun doute) qui frottent des
objets de manière circulaire sur la peau de leur tom ou caisse claire,
Malatesta a toujours eu sa propre touche, beaucoup plus axée sur la relation à
l’espace qu’à l’instrument, une touche travaillée et intelligente.
Benandare, sorti
sur le label de Nick Hennies (qui n’a pas fini de publier des
percussionnistes), apporte une nouvelle preuve – incontestable – du talent et
de l’originalité de Malatesta. Le plus
intéressant ne réside pas dans les techniques instrumentales ni dans les recherches
sonores sur la batterie. Benandare est
bien plus passionnant pour le lieu d’enregistrement – et peut-être aussi les
techniques d'enregistrement. Je n’arrive pas trop à déterminer si l’ambiance si
unique de ce disque provient uniquement du lieu où se déroule la performance,
ou procède également d’un placement et d’un choix spécifiques de micro. Quoiqu’il
en soit, on entend constamment l’action instrumentale de Malatesta, une action
continue et simple. Mais on l’entend comme de loin. L’espace dans lequel le son
circule semble large, haut, riche en écho et réverbération. Plus qu’un solo de
batterie, ce disque ressemble plus à trois plan-séquences sur une action
acoustique : l’investissement sonore d’un espace donné. Je dis
investissement, plus que circulation, car on n’entend pas forcément la
trajectoire du son et ses réverbérations, on entend surtout la masse spatiale
être investie et remplie par une masse sonore.
Et cette masse sonore, simple et discrète, lointaine et
continue, se révèle riche d’harmoniques. Des chants semblent parfois se former
lors de la rencontre avec l’espace, des chants au plus près des micros, mais
éloignés de la source sonore. Des sortes de chants-souffles-harmoniques qui
sont autant le fruit du frottement des peaux par des objets métalliques que de la résonance du son
dans l’espace. L’atmosphère de ces trois pièces est énigmatique et lointaine de
manière générale, on n’est jamais trop sûr de ce que l’on entend. On entend
une percussion, c’est sûr, mais surtout un espace mis en résonance. Du coup, on
ne sait jamais trop si c’est l’espace ou la percussion que l’on écoute, on sait
que les deux sont en jeu et nécessaires à cette musique, mais on ne parvient
pas toujours à déterminer qui est le plus important.
Malatesta propose ici trois pièces qui relèvent autant du
solo de percussion que de l’installation sonore. Trois pièces simples, belles
et originales, très centrées sur la spatialisation du son. Mastering de Giuseppe Ielasi encore, donc superbe son il faut dire. Excellent travail en résumé, conseillé.