THUT/TAKEUCHI - equinox | solstice (Rhizome.s, 2014) |
equinox | solstice est donc une de ces compositions de Stefan Thut dédiée au monde sonore, et elle est réalisée ici par le compositeur suisse lui-même en compagnie de l'artiste japonais Mitsutetu Takeuchi. Le principe de la composition est d'enregistrer le monde à un moment donné, sans se soucier du lieu. Les deux artistes ont donc simultanément enregistré leur environnement sonore respectif au Japon et en Suisse à quatre moments x de l'année 2011, qui correspondent comme le titre l'indique aux deux équinoxes et solstices de l'année. Les enregistrements ont ensuite été remixés ensemble, apparemment sans édition, sur deux canaux différents (le canal de droite pour Thut et celui de gauche pour Takeuchi), pour former trois longs "cycles" de 25 minutes chacun.
Les enregistrements ont principalement été réalisés dans des environnements naturels avec de nombreux chants d'oiseaux, du vent ou de la pluie selon les saisons, et un trafic routier lointain, la ville semble plus proche à certains moments tout de même, quand il ne s'agit pas de ce qui ressemble à une zone industrielle. Il s'agit d'enregistrements bruts, quotidiens, austères. Rien de remarquable et très peu de mise en forme hormis le montage, le découpage et le collage. Thut et Takeuchi ont laissé l'univers sonore s'exprimer dans sa pureté. Une confiance aveugle est confiée au monde, et les interventions humaines sont absentes (ou n'apparaissent pas en tout cas). Il s'agit ici de laisser l'univers s'exprimer à quatre moments clés de l'année, qui correspondent aux passages d'une saison à l'autre. Je ne sais pas si c'est atteint, je ne le ressens pas vraiment, peut-être faute d'attention, mais l'impression est là que les deux artistes semblent avoir voulu laissé le temps s'exprimer à travers ces enregistrements. Une expressions pure et dure de la temporalité sur un lieu à l'échelle annuelle. On remarque bien sûr des changements, les animaux ne sont pas les mêmes, le temps (météo) non plus, l'atmosphère se modifie, mais ce n'est pas non plus flagrant et il est difficile de repérer clairement à quelle saison correspondent les enregistrements.
Evidemment, ce n'est pas évident à écouter. C'est vraiment austère je trouve comme enregistrement. Ceci-dit, la démarche est intéressante et cette voie qui consiste à explorer l'action du temps sur l'environnement sonore est vraiment remarquable. Après, je trouve cette contemplation du monde sonore radicale et jusqu'au boutiste. Thut et Takeuchi laissent véritablement le monde s'exprimer, très loin de la musique concrète ou du field-recording, ils ne considèrent pas le monde comme une matière ou un matériau sonore à explorer/exploiter, mais comme la musique même, attitude que je trouve admirable pour sa radicalité.