Heddy Boubaker, Ernesto Rodrigues, Abdul Moimême - Le Beau Déviant (Creative Sources, 2011)
Heddy Boubaker: saxophones alto & basse
Ernesto Rodrigues: alto
Abdul Moimême: guitares électriques préparées
Enregistré en 2010 pour le label portugais Creative Sources, Le Beau Déviant est le fruit d'un trio franco-ibérique: les portugais Ernesto Rodrigues au violon alto et Abdul Moimême aux guitares, accompagnés d'Heddy Boubaker aux saxophones. Répartie en six pièces, cette heure d'improvisation est assurément abstraite et minimaliste, comme on peut l'attendre d'un album paru sur le label de Rodrigues.
Car venant de ce dernier, on ne s'étonnera pas que ces six improvisations soient principalement basées sur l'agencement des textures et l'exploration de techniques étendues. L'archet racle plus qu'il ne frotte, les guitares sont souvent méconnaissables, et les saxophones sont autant joués à partir du souffle seul ou du plateau que sur les notes. Six improvisations abstraites, réductionnistes et minimalistes, où rythmes et mélodies brillent par leur absence. Bien sûr, la musique est ici fondamentalement concentrée sur l'exploration sonore du timbre, elle est produite en partie par l'interaction des différentes textures: des paysages poreux et vastes, mouvants et beaux, nés de l'imbrication et de la superposition de trois strates, de trois processus d'individuation. Le Beau Déviant pose des textures architecturales riches où les couches peuvent se confondre magiquement et être donc homogènes, quand elles ne sont pas distinctes et hétérogènes dans leur superposition. Le trio franco-portugais exploite de nombreuses possibilités et potentialités qui forment à chaque fois une dynamique différente: un son compact ou hétéroclite comme je le disais à l'instant, ou encore une exploration alternée de techniques étendues ou traditionnelles qui se confrontent, etc. Chaque membre s'en tient néanmoins à une idée souvent unique et toujours précise qu'il déploie longuement à l'intérieur d'une dynamique collective où toutes les idées se rejoignent, se soutiennent, et s'enrichissent.
Ces six improvisations sont merveilleusement concentrées sur des formes d'agencement très fécondes et aussi riches que les timbres utilisés, déployés et explorés. Les paysages sonores et les dynamiques varient à l'intérieur d'une amplitude très large, ce qui contribue à former un espace sonore vraiment profond et vaste, d'une richesse vertigineuse. Un exercice d'architecture réductionniste original, assumé, travaillé, et riche, un exercice réussi en somme.
Tracklist: 01-Le chant de la pluie / 02-Singulier grain de sable / 03-L'arbre qui ne cache / 04-Tempête éteinte des passions / 05-L'échec des machines formidables / 06-Un beau matin, la déchirure