organized textures from lo-fi materials

Pascal Battus / Alfredo Costa Monteiro - Fêlure (organized music from thessaloniki, 2012)

Fêlure est le deuxième opus de cette grande collaboration entre deux infatigables explorateurs sonores. Je n'avais pas écouté leur première, Ductile, où chacun explorait du papier amplifié. Pour ce nouvel enregistrement, Alfredo Costa Monteiro persiste avec cet outil sonore, tandis que Pascal Battus retourne à ses surfaces rotatives.

Deux matières sonores se croisent, s'opposent et se mélangent parfois. Des matières frottées par des ustensiles quotidiens à l'aide de moteurs, et du papier que l'on peine à reconnaître. Les textures du duo sont inimaginables et ne ressemblent à rien de ce à quoi l'on pourrait s'attendre. Pourtant, étonnamment, des sons rappellent des éléments connus parfois, des sortes de souffles, des hululements, une voix humaine, du vent,  parfois même un cuivre ou un saxophone. Les timbres sont extrêmement singuliers, souvent abrasifs et granuleux, mais toujours produits avec une attention, une précision et une sensibilité hors du commun. Durant quatre pièces, Battus et Monteiro sculptent dans des matières non-musicales des textures poétiques, aériennes, et inattendues, et tout ceci à base de friction, de frottement, et de grattement.

Quatre pièces exemptes de pulsations - hormis celle produite par la vitesse de circulation des surfaces de Battus. Quatre pièces où le temps est lisse et étiré, hors du monde, à l'image des timbres de ces sculptures sonores. Battus et Monteiro, en étirant le temps et en produisant des textures incroyables à partir de matériaux incongrus, créent un monde imaginaire, un territoire sonore inouï et fantastique, merveilleux et poétique. Quarante minutes d'exploration méthodique et sensible en-dehors de toute attente et de tout langage préétabli, fêlure entre deux univers sonores certes, mais également et surtout fêlure entre la beauté de cette musique et ce qu'on pourrait en attendre. Quatre explorations soniques profondes, immersives, sensibles et inattendues. Recommandé.

Informations & extrait: http://thesorg.noise-below.org/2/?p=612

Muura - Tape (organized music from thessaloniki, 2012)

Autre production axée sur des textures extrêmes et avant-gardistes, Tape est une cassette de Muura, pseudonyme pour le projet solo du musicien et artiste sonore australien Matt Earle. La première face est une sorte de drone basée sur une espèce de souffle ou de bourdonnement comme pourrait en produire une vieille installation électrique surchargée. De nombreux larsens et parasites viennent s'ajouter au fur et à mesure de cette longue pièce statique et linéaire, où on cherchera en vain un quelconque repère temporel ou mélodique, malgré quelques pulsations sporadiques, vite noyées dans le flux immuable, et oppressant par son volume, du bourdon. Une texture grasse et granuleuse, instable, parasitaire, qui explore les tréfonds des saturations magnétiques et analogiques. En somme, un mélange de drone sale et de noise exploratrice.

Pour moi, la violence, l’extrémité et la radicalité sont presque des valeurs esthétiques. Mais là, je dois avouer que ce son aussi crade et redondant m'a quelque peu fatigué. Ainsi, la deuxième face est vraiment la bienvenue. Une face beaucoup plus ambient/indus. Plus calme, plus aérée, plus reposante, moins stressante et énervée, ça fait du bien de finir cette cassette comme ça... Le son granuleux et corrosif est toujours présent, mais de manière moins murale, moins faciale et plus atmosphérique qu'énergique. Un univers étrange est dépeint par Muura, un univers métallique où la résonance semble ne jamais s'arrêter, où des bruits extraterrestres jaillissent aux moments les moins opportuns. Une belle pièce aussi, plus axée sur l'ambiance que sur la dynamique du timbre. 

Une recherche originale et singulière certes, mais franchement difficile d'écoute...

Informations & extrait: http://thesorg.noise-below.org/2/?p=599