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Pascal Battus / Lionel Marchetti / Emmanuel Petit - La vie dans les bois (Herbal International, 2012)

La vie dans les bois est une étrange pièce de 40 minutes enregistrée il y a presque dix ans à l'intérieur d'une forêt, pendant une performance butô de Yôko Higashi. Outre ces quelques spécificités circonstancielles, il y a également cette surprenante accréditation de Marchetti à l'électricité. Et étant donné que les des autres musiciens jouent de la guitare électrique comme d'une source de larsens, on a du mal à distinguer si Marchetti joue vraiment de l'électronique avec eux ou s'il s'est simplement occupé du groupe électrogène... Ce que j'ai du mal à croire.

En tout cas, cette pièce a quelque chose de très absorbant, figuratif, et de très concret. On y entend tout d'abord les sons de la forêt, principalement ses oiseaux mais quelque fois aussi le bruissement des arbres et le vent. Puis le trio Battus/Marchetti/Petit commence à produire de longues nappes sonores, à jouer avec les sons de la forêt dans une forme de questions-réponses où les larsens peuvent prendre la forme d'un chant d'oiseau. Une musique très axée sur l'ambiance et l'atmosphère, mais également sur la figuration, toute variation de la nappe servant surtout des buts imitatifs et imagés, ou servant de réponse au chant de la forêt; mais ne servant que rarement un but musical ou formel.

Une musique calme et contemplative, où les sons électriques dialoguent et communient avec les sons naturels. L'osmose n'a pas seulement lieu entre les musiciens (et la danseuse), mais également avec la forêt elle-même, qui tend à revivre sur ce disque par la réponse que le trio propose à sa vie sonore. Une longue piste progressive, qui ne suit pas une montée linéaire, mais qui suit invariablement le cours de l'environnement, qui suit La vie dans les bois. Une progression calme et envoutante, poétique et sensible, minimale, patiente, et surtout, charmante. Un bel exemple d'improvisation et d'interaction entre la musique et l'environnement.

Informations: http://herbalinternational.blogspot.fr/2012/04/1201-bathus-marchetti-petit-la-vie-dans.html

Roel Meelkop - Oude Koeien (Herbal International, 2010)

Collection de huit pièces enregistrées et pour la plupart déjà éditées entre 1998 et 2010, Oude Koeien compile une drôle de série de pièces plutôt courtes interprétées par l'un des noyaux durs de la musique électroacoustique hollandaise. Une grande partie de ces pièces est faite pour synthétiseur analogique et ondes sinusoïdales apparemment, mais le vocabulaire et la forme esthétique de ces pièces se rapprochent plus de la musique électroacoustique avec ses manipulations de bandes magnétiques ou vinyles. Musique électroacoustique à forte tendance glitch, avec ses courtes imperfections, ses sauts de tension (électrique aussi bien que musicale), ses disques rayés qui sautent et qui craquent, ses étranges enregistrements sonores un peu crades et méconnaissables.

Des pièces souvent assez courtes, calmes, avec de nombreux silences. En fait, une musique assez étrange, imprévue, qui oscille entre le bruit, le silence, le minimalisme, le réductionnisme, entre les répétitions, les ruptures de ton et les fractures. Roel Meelkop joue sur les textures avec de nombreuses nappes analogiques, mais aussi sur différentes intensités et atmosphères, univers composés parfois de bruits, parfois d'accords, de rythmes, ou de nappes. Une musique complexe, variée, tour à tour sérieuse et sans prétention, qui peut aussi bien ennuyer qu'absorber l'auditeur selon son état et sa disponibilité. En tout cas, la compilation en tant que telle forme une belle présentation des travaux de Roel Meelkop, artiste que l'on peut ainsi découvrir dans toute sa diversité, mais aussi dans sa radicalité.

Informations : http://herbalinternational.blogspot.fr/2009/10/xxxx-roel-meelkop-old-cows-from-ditch.html 

Éric La Casa / Cédric Peyronnet - La Creuse (Herbal International, 2008)

Été 2006, au beau milieu de la France, dans un département qui fait rarement parler de lui (la Creuse), deux amoureux du son dressent une carte dans le but de produire une cartographie sonore de ce territoire. Pendant plusieurs jours, La Casa et Peyronnet se baladent à travers trois points géographiques, contemplent les paysages, et prennent des relevés sonores qui constitueront bientôt une banque de sons. Ressac, confluence de deux rivières, chants d'oiseaux, cris d'insectes, bruits de lignes électriques sous haute tension, moulin, barque, clapotis, cloches d'église. Si ce territoire est réputé pour être vide, les deux cartographes sonores reviennent tout de même avec des données sonores vastes et riches. D'un côté, Éric La Casa a envoyé un montage des enregistrements, montage qui donne son interprétation du lieu choisi. Puis Cédric Peyronnet a collé son interprétation sonique. Et inversement sur certaines pièces. Double interprétation sonore d'un environnement particulier. Une musique interactive, où l'imaginaire prend le dessus sur la restitution sonore documentaire. Car cette suite de field-recordings n'est pas figurative, et si elle peint quelque chose, c'est surtout les impressions et les sensations des enregistreurs-capteurs. Une peinture mentale plus que documentaire. A travers les données brutes des field-recordings, puis à travers le choix, le montage, et l'assemblage de ces sons enregistrées avec patience, délicatesse et précision, c'est surtout l'état émotif des musiciens qui ressort plus que les données sonores de l'environnement. Mais également, il ressort de cette suite l'état d'intimité entre les deux artistes qui confondent leurs enregistrements, ainsi que l'état d'intimité entre ces derniers et l'environnement dont ils ont su tirer toute la magie et la poésie sonore.

Neuf pièces enregistrées et montées de manière très sensible et poétique, où l'imaginaire et les sens ont su prendre le dessus sur la froideur de la raison et de la science. Un tableau intime de la relation triadique entre deux musiciens et une région géographique.