Nick Hennies - Duets for Solo Snare Drum

NICK HENNIES - Duets for Solo Snare Drum (Weighter, 2013)
Après deux excellents disques en solo cette année - dont celui-ci - et sa réalisation d'une pièce de Jürg Frey que j'avais aussi adoré, je serais bien curieux d'entendre le trio de Nick Hennies avec deux autres percussionnistes (Greg Stuart et Tim Feeney). Mais chaque chose en son temps. Tout d'abord, il y a eu une sorte d'étude pour vibraphone que j'ai déjà chroniqué ici ; et maintenant (première publication de son propre label), ce solo incroyable où Nick Hennies interprète trois pièces, composées par Cage, Peter Ablinger et lui-même. 

Le disque commence donc avec deux courtes pièces de 6-7 minutes. La première est One4, une oeuvre de 1990 qui appartient à la série des "Number pieces". Il s'agit d'une pièce de sept minutes composées de "réservoirs de temps flexibles" (merci Ninh pour tes corrections et précisions), où Nick Hennies choisit plusieurs sons (dont le durée, la hauteur, l'attaque, le volume sont laissés au choix de l'interpète) qu'il insère dans un "réservoir" précis. Ici, les sons ou bruits proviennent de plusieurs percussions et sont généralement faibles et courts, laissant une grande marge au silence. La seconde pièce (composée par Peter Ablinger) est beaucoup plus bruyante. Il s'agit d'une sorte de duo composé d'une neige ou d'un bruit bruit rose accompagné d'une peau de caisse claire frottée. La pièce est construite en plusieurs blocs similaires, des blocs dense et statiques séparés par des silences d'une durée moyenne. Ces deux pièces forment un duo avec le silence (pour One4) et avec le bruit (Kleine Trommel und UKW-Rauschen ("Conceptio")) avant la grande confrontation avec les notes.

Cette dernière est une incroyable pièce composée par Hennies et intitulée Cast and Work, qui se distingue nettement par sa longueur (23 minutes) et la puissance de sa structure. Les quinze premières minutes sont composées d'une caisse claire seule, sans timbre, frappée rapidement et régulièrement par des maillets ou des mailloches. Un bloc de son compact et stable, qui ne semble pas varier jusqu'à la fin de pièce. Et pourtant, les baguettes se déplacent très progressivement sur la peau, et produisent une sorte de glissando très lent. De plus, l'entremêlement des harmoniques et peut-être l'interférence d'une onde génère une sorte de spectre en mouvement qui surplombe constamment la caisse claire. Le son produit est doux, calme, comme une sorte de léger bruit de fond ou de bourdon qui n'attend que sa ligne mélodique. Une ligne, même trois, qui arrivent au bout de quinze minutes, et ce durant cinq minutes. Une contrebasse, un violoncelle et un alto (avec Henna Chou, Brent Fariss et Vanessa Rossetto) qui jouent très fort, de manière agressive et dissonante, pour former un chaos inattendu. Pendant ce temps, Nick Hennies est imperturbable, il continu à frapper sa caisse claire avec la même régularité métronimique pendant la tempête de cordes, et trois minutes après son passage dévastateur. L'interprétation est d'une précision et d'une sensibilité toujours hallucinantes, et la structure de la pièce est aussi forte que surprenante. Excellente pièce.

Un disque remarquable pour la précision de chacune des réalisations, mais aussi pour la créativité à l'oeuvre dans l'interprétation et la composition d'une structure musicale puissante. Vivement recommandé.

informations & extrait : http://www.weighterrecordings.com/