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WOLF EYES - No Answer : Lower Floors (De Stijl, 2013) |
Le légendaire groupe de noise américain revient avec deux de
ses membres fondateurs pour un album puissant, épuré, glacial et sombre. Un
excellent retour surprenant et malsain.
C’est à la fin des années 90 qu’est apparu Wolf Eyes,
légendaire groupe de noise post-industriel composé de John Olson, Aaron Dilloway et Nate Young. A l’époque, c’était violent, corrosif, massif, décalé,
déjanté, crade, incroyable. Pour beaucoup, le groupe a été une révélation,
notamment pour ceux qui aimaient Throbbing Gristle et Merzbow tout en s’en
lassant. Aujourd’hui, Wolf Eyes a évolué, le groupe s’est épuré, est devenu
plus froid, plus clinique ; les membres ont changé (Olson et Young
toujours, avec James Baljo). Et il revient cette année, en compagnie de Mike
Connelly et Aaron Dilloway, deux membres de la première génération, pour No
Answer : Lower Floors, un album sombre
et glacial, posé et flippant.
Au début du disque, ça va, on s’y retrouve. Des sortes de
rythmiques de hip-hop industriel et abstrait, un beat lourd et très lent qui
laisse la place à une voix fantomatique passée au delay, ainsi qu’aux boucles
de cassettes et aux parasites noise électroniques. L’ambiance est sombre,
froide et clinique, parfois malsaine. Et c’est sans parler de la guitare et du
saxophone tout aussi fantomatiques de Baljo. Puis peu à peu, le beat se réduit
à une basse, les voix et les instruments disparaissent pour ne laisser place
qu’aux parasitages et aux débris post-musicaux : larsens, distorsions,
boucles déformées.
On arrive alors aux deux titres finaux : Confession of
the Informer et Warning Sign. Le premier est épuré, plat, inquiétant. Toute
émotion est passée au filtre des pédales et des effets pour une musique
post-humaine, glaciale, et chirurgicale : comme du dub qui surgit après
l’ère de la noise, comme du rap après la génération indus. Tout est mis à plat,
les codes, les sentiments, la structure, pour une remise en question et une
proposition vraiment fraîche. Et quant à Warning Sign, c’est le retour propre
et mécanique à la violence atomique. Une onde de choc en boucle, une onde de
larsens, de distorsions et de saturations, un signal ultra-violent et agressif,
qui revient sans cesse. Le retour à la noise teinté de tambours et de répétitions,
un retour à l’agression sonore comme envoûtement, comme rituel chamanique d’une
ère qui en est déjà passé par les meurtres et les accidents nucléaires. La
musique rituelle d’une génération qui n’a plus rien à perdre, plus rien à
envier, plus rien à donner à part le détournement des déchets et des ordures. Hautement recommandé.
(chronique également publiée sur dmute.net)