Sebastien Lexer, Evan Parker, Eddie Prévost - Tri-Borough Triptych

LEXER/PARKER/PRÉVOST - Tri-Borough Triptych (Matchless, 2013)
L'improvisation libre, on a souvent l'impression que c'est l'art des rencontres. Quand deux ou trois univers se rencontrent, c'est parfois chiant et improbable, mais c'est aussi parfois une surprise complète. Sur Tri-Borough Triptych, trois rencontres en duo sont proposées, avec Sebastien Lexer (piano), Eddie Prévost (percussions) et Evan Parker (saxophone). Le percussionniste a déjà joué avec chacun d'eux. Beaucoup connaissent ses travaux avec Evan Parker, et ce duo ne surprend pas vraiment. Ce sont plutôt les duos avec le pianiste Lexer, un musicien assez discret mais remarquable, qui surprennent ici, aussi bien avec Prévost qu'avec Evan Parker, avec qui il enregistre ici pour la première fois.

Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, Parker commence sur la première improvisation à jouer sur l'espace et le silence aux côtés de Prévost. De courtes phrases sans trop de techniques étendues, des phrases assez simples répondent aux cymbales et grosses caisses frottées. Les deux voix sont bien distinctes et se connaissent - elles se répondent avec attention mais sans trop de surprise. Puis vient le deuxième duo avec Sebastien Lexer et Eddie Prevost. Toujours des grosses caisses et des cymbales frottées ; auxquelles répondent cette fois un piano extrêmement énigmatique. Un piano préparé avec minutie, où Sebastien Lexer joue sur l'intérieur du piano avec un e-bow, produit des nappes discrètes qui se noient dans les flux harmoniques des percussions. Sauf quelques fois, de manière très parcimonieuse, le clavier est utilisé pour de courtes phrases de quelques notes, d'un accord ou d'un arpège, à la manière de Tilbury. Lexer joue beaucoup sur les notions d'espace, de confusion des sources, sur l'étirement des notes et l'absence d'attaque. Des couleurs qui répondent et enrichissent merveilleusement la palette de percussions. L'autre duo Lexer/Parker est aussi excellent. Le pianiste continue son exploration des reliefs et des fractures, des déserts plats et abstraits d'où surgissent parfois un clavier d'une beauté spartiate. Et à ses côtés, Parker joue également de manière plus disparate que d'habitude. Il n'est pas question de souffle continu, le saxophoniste joue des lignes courtes, brèves, il varie les dynamiques et l'intensité en fonction  des schémas de Lexer. Cette fois, la confusion entre les instruments n'est plus possible, le dialogue s'installe donc dans des rôles et des réponses plus risqués. Les deux univers ne se ressemblent en rien aux niveaux des couleurs et des textures, mais ils parviennent tout de même à se concilier dans le dessin de reliefs, dans la gestion des dynamiques et dans l'enrichissement mutuel des flux. Superbe duo.

Trois duos assez différents qui valent surtout le coup pour la collaboration de deux vétérans de l'improvisation libre avec le très juste pianiste Sebastien Lexer. Des duos assez calmes et abstraits, mais plutôt riches en couleurs et qui varient les dynamiques et l'intensité avec équilibre et justesse. Du très bon travail.